À l’heure des bilans de la première année sarkozyenne, les commentateurs ont rivalisé d’analyses. Ce qui est bien normal. Il me semble cependant qu’ils ont oublié un élément essentiel de ce bilan : le ridicule.

Ridicule, la comédie Cécilienne du grand retour pour capter l’électorat cul-bénit, et ridicule la sortie de Lisbonne dans le genre : « Vous n’avez pas honte de persécuter un homme comme moi, en plein malheur intime, un homme qui a toujours pris soin de ne pas donner sa vie privée en spectacle ». Ridicule, le grand bonheur, cette fois c’est pour la vie, affiché au soleil, avec une donzelle richissime sur laquelle est passée la moitié (ou plus ; ce qui est bien légitime et qui m'est au demeurant fort sympathique) de la jet set.

Ridicule que ce deux fois divorcé, remarié avec cette donzelle-là, vienne jouer les pères la morale au Vatican… Avec Bigard et son slip kangourou !

Ridicule de condamner mai 68, dont nous sommes aussi éloignés que mai 68 l’était de la crise de 29 : fallait-il, en 68, tonner en chaire contre la crise de 29 ? 68 c’est à présent de l’histoire, 68 n’a ni a être encensé, ni à être condamné. 68 a été.

Ridicule, l’idée que les 35h00 sont le fondement de tous nos maux, comme les 40h00 étaient, pour Pétain et les siens, les raisons profondes de la défaite de 1940 – pas l’incurie des gouvernants et du commandement militaire.

Ridicule l’idée qu’on va relancer l’économie en rendant de l’argent aux plus fortunés, en donnant la possibilité de faire des heures supplémentaires aux autres et en faisant baisser les prix : c’est quoi ? du Pinay 1952 ! Suivez-le bœuf et on fera baisser le prix du steak !

Ridicule, la propension à annoncer des décisions qui n’ont été ni préparées ni débattues : celle de la vente d’une partie du capital d’EDF pour financer la rénovation des cités universitaires (qui fait s’effondrer le cours de bourse de l’électricien), ou celle de la suppression de la publicité à la télévision (qui fait bondir le cours de TF1). Ridicule, à moins que certains, au courant du caprice présidentiel, aient pris la veille des positions boursières adéquates… allez savoir !

Ridicule, cette fascination présidentielle pour le fric, le factice et le toc ; ces déclarations sur le caractère génétique de la propension au suicide ou de la pédophilie ; sa conviction affichée que la littérature était jadis utile parce qu’elle permettait de voyager mais que, depuis l’apparition des compagnies à bas coût, elle a perdu beaucoup de son intérêt.

Ridicule, la tolérance zéro alors que les Balkany sont chez eux à l’Elysée.

Ridicule, la grossièreté, partout et en toute circonstance, alors qu'on prêche, urbi et orbi, les vertus de la politesse. Ridicules, une fois encore, les plaisanteries qu'il n'a pu retenir face à la sérieuse et rigoureuse Angela Merkel. En attendant celles qui, n'en doutons pas, couvriront la France entière de ridicule pendant la prochaine présidence française de l'Union.

Ridicule, l’idée de vouloir faire porter le poids de la mémoire d’enfants morts par des gamins vivants ; et ridicule de choisir Guy Môquet, arrêté alors qu’il distribuait des tracts non contre les nazis mais contre la guerre impérialiste des Français et des Anglais, pour célébrer la Résistance : ridicule de vouloir en tout et pour tout substituer le sentiment à la réflexion, le réflexe à l’appréhension de la complexité.

Ridicule, la gloriole qui veut obtenir coûte que coûte que le président puisse venir délivrer son auguste parole aux chambres. Comme si c’était là un enjeu démocratique capital et comme si le président était privé du droit de s’exprimer.

Ridicule de continuer à se dire hostile à l’entrée de la Turquie dans l’UE (avec raison, pour une fois), tout en laissant se dérouler les négociations qui la rendent inévitable. Car qui peut imaginer qu’une fois la négociation bouclée, on laissera quiconque s’y opposer ? Il en ira comme du traité constitutionnel, et l’on inventera alors un clystère pour administrer, par d'autres voies, une décision que les peuples refusent d'avaler.

Ridicule, de continuer à dire (avec raison encore) que la BCE est irresponsable et l’euro surévalué, alors que, justement, le non du peuple français donnait au président l’opportunité, sinon l’obligation, dans la renégociation d’un traité européen, de remettre sur le tapis l’exorbitant et stupidissime statut de cette BCE figurant dans le traité de Maastricht.

Ridicule, la diplomatie de ce ministre qui, naguère, dédouanait Total de tout soupçon de travail forcé en Birmanie et qui, aujourd’hui n’a pas de mots assez durs pour la dictature birmane.

Ridicule, l’idée qu’on pouvait se passer d’un dialogue avec la Syrie pour stabiliser le Liban. Ridicule et criminel.

Ridicule, la volonté de faire rentrer la France dans l’organisation militaire intégrée de l’OTAN sous prétexte qu’on sera plus entendu du dedans que du dehors, et qu’on pourra ainsi infléchir la position américaine. Quelle position a jamais infléchi la Grande-Bretagne en un demi-siècle de soumission ? Aucune et c’est bien la raison pour laquelle le général de Gaulle avait pris la décision d’en sortir.

Ridicule, l’idéologie qui conduit à enfermer de plus en plus de monde, de plus en plus longtemps dans des prisons indignes, sans aucune préparation digne de ce nom à la réinsertion des détenus. À faire passer les malades mentaux devant un tribunal, à enfermer indéfiniment des gens non pour ce qu’ils ont fait mais pour ce qu’ils sont censés être et supposés capables de faire. À emprisonner les malades mentaux plutôt qu’à les soigner. Ridicule et liberticide.

Ridicule qu’on prétende financer de nouvelles charges pesant sur la Sécurité sociale en taxant les malades, et d’abord les malades chroniques, par le biais des franchises médicales, plutôt que de demander aux riches et bien portants un effort de solidarité.

Ridicule, le Grenelle de l’environnement qui débouche sur des pubs pour les bagnoles à la télé et sur une loi donnant toute la liberté d’opérer aux disséminateurs d’OGM, criminalisant les faucheurs ; une loi que ce gouvernement n’est pas même capable de faire voter par sa majorité.

Ridicule, incohérent et pathétique. Mais au juste, vous vous sentez rassurés, vous, en pensant que ce type-là a le doigt sur la détente nucléaire ?