Ecrivain
|
|
|
|
|
|
|
Album Nysiros
 

Repères biographiques

 
 

Retour album général

 
 
 
 

Navigation : Pour tourner les pages de l'album, cliquer sur les flèches jaunes en bas à gauche ou à droite de chaque page.
Pour revenir à la page générale présentant l'ensemble des photos, cliquer sur l'album ci-dessus

 
 
Nisyros et mon islomanie
 
Un clic sur les images pour les agrandir
 
Au_dessus du volcan - Olivier Delorme
 
 
Nikeia
 
 
Nisyros
 
 
Nisyros : Fleur de soufre
 
 
15 Août à Nisyros
 
 
Préparation
 
 
Olivier Delorme au travail
 
 
Tableau au séchage
 
 
Charbon de bois
 

 

Nysiros et mon islomanie

Page en construction

Tout a commencé en septembre 1991… à la Documentation française où je venais d’être détaché. Chargé d’une nouvelle collection, Retour aux textes, on m’avait adjoint, pour me seconder dans les questions techniques, la déléguée CGT de la maison. Immédiatement, le courant passa entre Monique et moi. Malgré la différence d’âge et d’options politiques, nous avions la même conception d’un service public qui n’a pas à être rentable, la même passion de la liberté et de la dignité humaine – j’ai toujours profondément admiré ceux qui, comme elle, jeune fille, ont tout risqué, à commencer par leur vie, en s’engageant dans la Résistance – et nous n’avons pas tardé à nous découvrir un autre amour inconditionnel : la Grèce.

Ainsi me parla-t-elle avec flamme d’une petite île du Dodécanèse [faire un lien avec l’article en pdf Dodécanèse en 13e paragraphe de la page « Article et préface] que je ne connaissais pas et où elle était allée plusieurs fois, une île « à marcher », encore largement épargnée par le tourisme de masse, entre Rhodes et Kos : Tilos.

Parti l’été suivant sans Frédéric – notre crise des sept ans touchait à sa fin mais n’était pas encore complètement surmontée –, j’avais piloté cinq copains entre les Météores et Mystra, puis nous étions allés à Amorgos, Astypaléa et Rhodes, d’où trois d’entre eux étaient rentrés en France. Quant à Bruno, Patrick et moi, il nous restait une semaine : je proposai Tilos et cette île de marbre tint toutes les promesses de Monique. Mais quelques jours avant de reprendre le bateau pour Le Pirée, je m’avisai, en feuilletant Le Routard, que l’île voisine était un volcan. Curieux, je suggérai à mes compagnons cette ultime étape. [lire l’extrait]

Volcan


Avec quelques autres, Lawrence Durrell est une de mes références littéraires absolues. Il commence ainsi Vénus et la mer, qui se déroule pour l’essentiel à Rhodes en 1945-46 :

« J’ai découvert un jour dans les carnets de Gideon une liste de maladies que la science médicale n’a pas encore reconnues, et où figurait le mot Islomanie, désignant une affection de l’esprit qui, pour être rare, n’en était pas moins bien connue. I1 y a des gens, disait Gideon en guise d’explication, sur qui les îles exercent un attrait irrésistible. Le seul fait de se savoir dans une île, dans un petit univers entouré par la mer, les remplit d’une ivresse indescriptible. Ces « islomanes », ajoutait-il très sérieusement, sont les descendants directs des Atlantes, et c’est vers l’Atlantide disparue que leur existence insulaire tend tous leurs désirs secrets... J’ai oublié les autres détails, mais comme toutes les théories de Gideon, celle-ci était ingénieuse. » (Buchet/Chastel, 1962, traduction de Roger Giroux)

Je ne suis pas certain d’être le descendant d’un Atlante mais je savais depuis longtemps déjà, en débarquant à Nisyros – que Poséidon créa jadis en lançant, depuis Kos, un rocher sur le titan Polyvotis – que je suis un islomane. Et si j’avais visité une quarantaine d’îles égéennes, le sac au dos, avant d’aborder Nisyros, c’était avec, derrière la tête, l’idée de trouver l’endroit où, le jour venu, je le poserais pour de bon.

Or, en dix-huit ans et une quarantaine d’îles, je n’avais toujours pas déniché cet endroit-là : ici c’était bien mais il manquait…, ailleurs la plage était trop…, le village pas assez… Bruno et Patrick peuvent en témoigner : cinq minutes après avoir posé le pied à Nisyros, sur la route qui mène du port à Mandraki et n’a franchement rien d’extraordinaire, je leur ai dit : « Eh bien voilà, les copains, inutile d’aller plus loin, de chercher davantage. Moi, mon Ithaque, c’est ici. »

Tout cela est parfaitement irrationnel, mais Durrell ne précise-t-il pas que « on ne peut parler d’une île – en bon islomane s’entend – que si l’on se soumet entièrement aux lois de l’incohérence » ?

A mon retour, Frédéric trouva mon enthousiasme excessif : je n’avais pas passé soixante-douze heures sur ce volcan et je l’avais décrété ma terre promise. Pourtant, l’été suivant – cette fois nos sept ans étaient digérés –, lui aussi succomba à la violente séduction de Nisyros. [lire l’extrait]

Du coup, l’île où Alexandre et Willy se retirent à la fin de leur vie, dans Les Ombres du levant [faire un lien avec la page de présentation du bouquin] que j’étais en train d’écrire, se mit à ressembler d’assez près à « notre » Nisyros, en attendant que l’île de K. ne devienne un personnage, au plein sens du terme, du Plongeon que je commençai à écrire à Paris, avant même la parution des Ombres qui devait marquer une étape décisive de mon existence.


En effet, quelques semaines avant la publication de ce premier roman, la veille de notre retour en France, sur la plage de Pali, à Nisyros, Frédéric me dit qu’il pensait que, maintenant, je devais mettre mes deux passions à l’épreuve des faits : savoir si vivre ici était vraiment ce que je voulais, savoir si j’étais capable de devenir écrivain à plein temps.

Témoignage de générosité et de confiance, car c’est lui qui, travaillant à Paris, en a assumé la charge – à lui que je dois les deux années que j’ai passées là-bas. À Pâques suivantes, je partis en repérage pour trouver une maison à louer – en contrebas de la route, juste avant l’entrée du village de Nikeia. Puis à l’été 97, je migrai pour de bon, par Venise, avec deux copines et une petite Rover rouge chargée à bloc qui faillit une fois ou deux nous envoyer ad patres avant d’arriver à bon port.

Départ

Dans ma bibliothèque, j’emportai Le Désir d’être un volcan, Journal hédoniste de Michel Onfray, paru en 96, mais que je n’avais pas encore lu – un de mes bréviaires depuis plus de dix ans, son meilleur livre peut-être :

« Je définirai l’hédonisme, sur le mode classique, comme la philosophie qui fait du plaisir le souverain bien et invite à l’évitement du déplaisir. Contre le kantisme qui veut une morale du devoir pur, l’hédonisme propose un utilitarisme jubilatoire. »

Que de plaisirs et de jubilations m’attendaient sur mon volcan ! qui me souhaita la bienvenue en faisant trembler la terre tous les jours pendant le premier mois de mon séjour (cher volcan : sa vitalité et l’absence d’eau courante sur l’île sont si peu favorables aux investissements touristiques…).


À coup sûr, aucun de mes livres ne serait ce qu’il est sans cette expérience-là, celle d’une vie fruste mais jamais ascétique, isolée mais jamais monacale, pleine des jouissances que j’attendais et de tant d’autres que je ne soupçonnais même pas. Le Plongeon, évidemment, qui est tout plein de Nisyros (même si K., voisine de N., n’est pas entièrement et pas seulement Nisyros, voisine de Kos) et dont j’ai écrit une grosse moitié là-bas, dans une maison que je ne revois jamais sans une intense émotion – souvenir toujours aussi vif de bonheurs ineffaçables qui m’ont construit, regret toujours aussi amer d’avoir dû la quitter. [lire l’extrait]


Mais Nikeia de Nisyros est tout aussi présent dans Le Château du silence [faire un lien avec la page de présentation du bouquin], écrit là-bas en quelques semaines, à travers le village de Chypre où se réfugie le narrateur ; à travers les « lois de l’incohérence » auxquelles j’éprouve un total plaisir, en bon islomane, à me soumettre [lire l’extrait].

Mon séjour nisyriote est surtout présent à travers les personnages de Peter et Anna, inspirés de Tomas Watson et Ornella (sans oublier leur chienne Biafra) qui, à Nikeia, habitaient à quelques maisons de moi et sont devenus de très chers amis. Tomas est pour moi un peintre à l’immense talent. Aujourd’hui, il expose tous les deux ans dans une galerie londonienne de Soho où la plupart des toiles sont achetées dès le jour du vernissage (faire un lien avec : http://www.jillgeorgegallery.co.uk/main_pages/frameset.htm) ; il n’avait plus cent drachmes en poche quand nous lui avions acheté, à l’été 96, les deux premières toiles qu’il vendait depuis longtemps. [lire l’extrait]

Amis Tom Ornella (Agrandir)


De même que, sans mon expérience nisyriote, je n’aurais pas su davantage parler de la panilliri dans le Plongeon [lire l’extrait] que de la parèa ou de la kakavia dans La Quatrième Révélation. [lire l’extrait]

Pas plus que ne me serait venue l’idée d’inventer un higoumène francophone, ancien chanteur d’opéra et maître d’un perroquet, si je n’avais croisé à Nikeia un moine…


Et puis surtout, ces deux ans de bonheur à Nisyros ont achevé de transformer le garçon formaté pour une carrière administrativo-universitaire, en islomane gouverné par les « lois de l’incohérence » et le désir d’écrire ; ils m’ont rendu inadaptable à une quelconque structure professionnelle, aux contraintes et à la comédie humaine qu’elle suppose. Bref, c’est à ma vie entière que s’applique ce que j’écrivais à propos de l’effet du volcan de K. sur les personnages du Plongeon.

« Stèphanos [le plus grand des cratères] est saisissant avec ses airs de grand canyon, ses parois verticales, blanches et jaunes ravinées, et son bruit de Cocotte-Minute. Les excursionnaires sont toujours impressionnés, ce qui ne les empêche pas de piétiner allègrement les fragiles anémones de soufre ; ils sont même parfois un peu effrayés par leurs tongs qui commencent à fondre sur le sol où le guide a fait cuire un œuf, mais ils sont surtout fascinés par les grands trous fumants dans lesquels ils fourrent toutes sortes de détritus – sans doute afin d’éprouver l’effet du souffle primal sur ces étrons symboliques qu’ils ne peuvent se retenir de lâcher derrière eux. (…)
» Marc, lui, préfère les autres cratères, Alexandros, Achillèas ou Ermis, de plus petite taille certes, mais dont le mince plancher craquelé comme un puzzle est resté vierge et dont les termitières de soufre sont toujours intactes (il faut marcher quinze minutes depuis la buvette). Pourtant, l’essentiel, pour nous, n’est pas là. L’important, c’est que Marc, Mathias, Iris et même Paul ont ressenti, dès le premier jour, tout ce que le volcande K. concentrait d’énergies, vitales pour les uns – Marc par exemple ; répulsives pour d’autres tels que Paul. Le point capital, c’est que sans ce protagoniste dont la fréquentation exacerbe les caractères comme les situations, rien ni personne dans cette histoire ne se serait déroulé ni comporté de la même façon. » (Le Plongeon, p. 70)

Deux ouvrages :

Bouquins
Dans ma bibliothèque, j’emportai Le Désir d’être un volcan, Journal hédoniste de Michel Onfray, paru en 96, mais que je n’avais pas encore lu – un de mes bréviaires depuis plus de dix ans, son meilleur livre peut-être.
 
 
Pour tout savoir sur Nisyros, ses villages, ses églises, son volcan...
Texte de Richard Economakis, superbes photos de Cornelius de Vries
Editions Melissa (Athènes, 2001, en anglais ou en grec).
On peut se le procurer à la Librairie Desmos (14, rue Vandamme, 75014 Paris ; 01 43 84 04 ; www.desmos--grece.com)
 
Michel Onfray : Le désir d'être un volcan (Agrandir) Nysiros : Tout savoir sur l'île (Agrandir) Départ Veise (Agrandir) Depuis le bateau (Agrandir) A l'intérieur du volcan (Agrandir) Cratère Stéphanos (Agrendir)