Hier soir, avant de me remettre au travail jusqu'à deux heures du mat, j'ai regardé le deuxième volet de L'Abolition, dont j'avais vu le premier, la semaine dernière... en repassant.

Dommage que la télé publique ne diffuse pas plus souvent ce genre de téléfilm, plutôt que ses navets policiers, français ou américains, enfilés à la chaîne.

Jadis, du temps de Malraux qui n'avait pourtant pas la tutelle de la télé, le grand Dédé et quelques autres du genre Roger Stéphane, Claude Barma, Marcel Jullian, Georges Duby... s'étaient imaginés que cet outil fantastique pourrait contribuer à rendre nos contemporains moins cons.

Et puis il y a eu La 5 de Mitterrand (qui a aussi fait Arte, soyons juste, mais une fois de plus, c'est toute l'ambiguïté du personnage) et Berlusconi, TF1 donné par Chirac (là, en revanche, aucune ambiguïté) à Bouygues, Baudis et la décision que le TNT diffuserait la même merde que la télé hertzienne (je rappelle que ce sinistre individu, pour donner aux gros bonnets quelques chaînes supplémentaires, a notamment éliminé l'idée d'une chaîne du patrimoine audiovisuel qui aurait justement permis de revoir les Barma, Stéphane, Duby, Jullian, qu'il a empêché de monter sur la TNT, la chaîne Histoire par exemple...) et la télé est devenue le plus bel instrument de décervelage et de diffusion de la connerie de toute l'histoire de l'humanité.

Mais de temps en temps, il y a un téléfilm comme L'Abolition et l'on se prend à repenser que la télé pourrait être un instrument qui, tout en distrayant, donne à penser, éduque en passionnant, en faisant comprendre, comme hier par exemple, que même face au pire des crimes, l'honneur d'être un homme c'est de s'élever au-dessus du réflexe de vengeance. Celui que les journaux télévisés répercutent si souvent, dans un micro-trottoir à la sortie d'une salle d'audience, avec le prétexte... de donner la parole aux victimes. Un téléfilm qui nous rappelait qu'il a existé, dans ce pays, d'autres manières d'envisager la politique pénale que celle, bête, brutale et bornée, des Dati-Sarkozy.

Et on se dit que nous avons encore des grands hommes vivants dans notre monde, des repères moraux ; j'ai beaucoup d'admiration pour Elisabeth Badinter, son travail, les valeurs qu'elle défend et la manière dont elle les défend. De ces deux soirées de L'Abolition, mon admiration et mon infini respect pour Robert Badinter sortent encore renforcés.

Voilà un homme qui aura incarné, à un moment de notre histoire, l'honneur de la République et de la France. Qui nous fait regretter que, du temps même de Mitterrand, il soit resté si peu longtemps à la Chancellerie. Il a été aussi un des seuls Gardes des Sceaux de l'histoire à s'être occupé de manière sérieuse du cancer pour notre démocratie et le respect effectif des droits de l'Homme qu'est devenue la condition des détenus. Il a été remplacé par beaucoup d'opportunistes sans idée autre que la répression pour la répression parce que c'est ce qui flatte la foule (qui n'est pas le peuple ; la foule crie vengeance, le peuple rend la justice), sans courage ni volonté, par quelques honnêtes gens sans moyens financiers ni autorité politique, par un ou deux personnages à l'honnêteté douteuse ou aux capacités intellectuelles limitées, et finalement par Melle Dati : de Badinter à Dati ! inutile d'en dire davantage, je suppose.