En attendant que le hold-up en cours sur la télévision publique arrive à son terme :

1 - Sous prétexte de supprimer le publicité parasite de la télévision publique (sur le principe, je suis pour ; qui ne le serait pas ?), on la prive de ses ressources, sans lui assurer la pérennité de celles qui lui permettront, je ne dis même pas d'avoir des ambitions culturelles, mais de fonctionner correctement, et on en profite au passage pour s'arroger le droit de nommer et révoquer le président (mais on fera usage de ce droit de manière irréprochable, on vous l'assure, comme lorsqu'on nomme la femme du ministre des Affaires étrangères à la tête de l'audiovisuel extérieur par exemple...) afin d'être bien sûr que toute trace d'impertinence disparaîtra des écrans et qu'on n'y parlera plus que de bébés enlevés retrouvés, de chiens écrasés, de fous qui donnent des coups de poignard dans la rue, de complots d'ultra-gauche...

2 - On permet aux chaînes privées d'entrelarder davantage leurs programmes décerveleurs de pub décerveleuses, afin d'enrichir un peu plus les copains Bouygues et Bolloré-qui-me-prête-son-yacht-mais-sans-aucune-contrepartie-bien-entendu-ça-n'a-rien-à-voir-avec-du-trafic-d'influences ;

3 - Lorsque, pour cause de déficit excessif ou quelque autre foutaise du genre, on réduira les ressources des chaînes publiques, on se rendra compte qu'il faut "réduire le périmètre" de la télé publique ;

4 - On pourra enfin donner au copain Lagardère la chaîne qu'il n'a pas encore pu se payer.

En attendant donc, la conclusion de ce hold-up, la télévision publique m'a donné ces temps-ci quelques moments de bonheur, dans deux genres très différents, et c'est assez rare pour... justifier un billet.

D'abord, il y a eu, sur France 2, la série Clara Sheller. Je n'avais pas vu la première saison. J'étais dubitatif, vu mon aversion pour les séries françaises généralement mal écrites par de mauvais scénaristes, mal tournées par des réalisateurs sans imagination et mal jouées par des acteurs qui, même lorsqu'ils sont bons ailleurs, jouent faux.

Et puis, ce soir-là, il n'y avait rien d'autre. La chaîne Histoire elle-même devait diffuser un nanar anglo-saxon quelconque, du genre Les Mystères de la Bible, ou bien un énième docu sur la Shoah et je n'avais pas le moral en béron pour ça. Et puis j'avais du repassage à faire. Or donc, je me suis laissé aller à tenter Chara Sheller...

Surprise !

Bonne pour une fois. Rien d'extraordinaire, du léger, une foldingue avec un très beau mec et des histoires de couple un peu concon. Mais, exception à la télévision française, bien écrit, proprement réalisé, plutôt bien joué.

Et puis, à 20h30, dans la France de Sarkozy et Boutin, celle où les curés et les pasteurs seront toujours mieux que les instits pour enseigner le bien et le mal, un petit pédé sympathique, pas malade, pas dépressif, pas caricatural ; qui travaille, qui picole, qui a des malheurs comme tout le monde mais pas plus, qui est plutôt mignon et qui baise à droite à gauche tout en cherchant l'amour !!!

Un petit pédé qui est le personnage positif de la série et qui finit même en piquant son très beau mec à sa copine !

Réjouissant !!! et on se dit que, par exception, la télé publique a rempli son rôle : divertir en rendant un peu moins conne la France profonde, en lui imposant, en début de soirée, une image de l'homosexualité aux antipodes des stéréotypes homophobes qui font encore tant de ravages, de malheurs, de violences, de suicides.

Salubrité publique !!!!

Et puis dans un genre très différent, Arte diffuse le mercredi et le samedi, l'excellentissime Apocalypse de Gérard Mordillat et Jérôme Prieur. Du plaisir intellectuel à l'état pur, du miel pour l'esprit, du nanan !!!

Après Corpus Christi et Les Origines du christianisme, nous voilà plongés dans la fabrique de la grande pathologie monothéiste dont l'humanité est malade depuis 2000 ans. En compagnie de savants qui parlent des textes, les font parler, en relèvent et en révèlent les tenants et les aboutissants.

C'est magistral. C'est passionnant. C'est la preuve que la télévision peut éduquer sans emmerder, avec un livre et des gens qui parlent, sanstralala, sans mise en scène, sans faux Jésus et costume d'époque, sans spectacle. Juste avec du verbe, de l'intelligence, de l'humour. Si, si, je vous assure, il y en a ! UN REGAL !!!!

Un seul reproche : pour Clara comme pour L'Apocalypse : pourquoi nous enfiler deux épisodes à la suite ? comme on gave des oies ou des canards. C'est bien aussi de faire durer le plaisir, de nous laisser le temps de digérer, comprendre, méditer ce qu'on vient d'entendre - pour L'Apocalypse plus encore que pour Clara... Nous assener un deuxième numéro, Les Gnostiques après Marcion, mercredi dernier, c'est trop. C'est nous empêcher de profiter du baba aux fruits exotiques en nous forçant, sitôt finie notre assiette, à avaler un vacherin !