Emmanuel M. vient donc de déclarer sa candidature à l'élection présidentielle. Et la Nomenklatura journaleuse est aux anges : Ruth El-K. jouit littéralement en direct sur BFM (tandis que Jean-Michel A. s'interroge sur la validité du suffrage universel ou rêve, en taliban euro-néolibéral, de détruire jusqu'à la dernière pierre le château de Versailles afin que plus aucun Français n'ait des idées de grandeur)...

Emmanuel M., c'est le vide sidéral de la non-pensée euro-néolibérale, le contorsionnisme d'adaptation aux "exigences" extérieures et de la pseudo-moderntié. Les autres aussi prônent le même contorsionnisme, mais lui, la différence, c'est qu'il le prône dans la joie.

Pour comprendre toute l'étendue de l'escroquerie politique de ce Lecanuet des années 2010 - de très vieilles idées de soumission aux fausses fatalités servies par un sourire Colgate et un physique de gendre idéal à la Renzi-Tsipras (la voix mâle de Tsipras en moins) -, il faut lire le petit livre passionnant de mon ami Frédéric Farah et de son complice Thomas Porcher (déjà auteurs, chez Max Milo, d'un très utile "Tafta : l'accord du plus fort" en 2014"... un TAFTA dont on espère qu'au moins l'élection de Trump a signé l'arrêt de mort) : "Introduction inquiète à la Macron-économie", Les petits matins, 2016), qui décrypte le sous-texte du discours, ou non-discours, en tout cas du bla-bla macronien.

Emmanuel M., c'est le candidat de la niaiserie triomphante de notre époque : européisme béat, croyance extatique dans le technologisme, ravi de la crèche de la mondialisation heureuse.

Mais Emmanuel M. c'est aussi un phénomène déjà très éprouvé ailleurs en Europe : face à l'explosion du système politique induite par la dissolution du politique dans l'Europe euro-allemande (la présidentielle, comme le dit très bien Todd avant de décrire, vers la 39e minute de cette ITV, ce que pourrait être le juppéisme révolutionnaire, c'est la désignation du type qui nous représentera à Berlin pour essayer d'y quémander qu'on ne nous applique pas avec la même rigueur le traitement infligé aux Grecs, aux Espagnols et aux Italiens), face au rétrécissement toujours plus important de la base électorale de la droite dite "de gouvernement" et de la droite qui se prétend de gauche - en état de mort cérébrale européenne -, il faut trouver des roues de secours au système, des leurres destinés à faire croire à l'électorat qu'une alternative nouvelle lui est née, qu'un Messie lui a été donné, mais un Messie qui fassent d'jeune, tendance, nouveau.

Pourtant, l'effet belle gueule à la Renzi n'a qu'un temps - court. Le référendum italien du 4 décembre va sans doute en sonner le glas - et possiblement celui de l'euro, à plus ou moins long terme. Enfin !

Et pourtant, les autres roues de secours du Système en voie de naufrage européen sont aussi mal parties. Ciudadanos a joué son rôle : permettre au PP de rester au pouvoir en faisant croire qu'il était autre chose que le PP. Mais le gouvernement minoritaire espagnol qui existe grâce au soutien du PS montre que sa seule justification était bien d'être la roue de secours du PP ou du PS, le leurre destiné à permettre au PP-PS - suivant la configuration électorale - de continuer à gouverner. Avec, évidemment, le discrédit qu'entraînera la compromission dans l'inévitable échec de ce gouvernement.

En Grèce, Potami, qui avait exactement la même fonction, n'a même pas pu jouer le rôle de roue de secours de la ND, l'étroite victoire de Syriza en janvier 2015 l'ayant mis hors-jeu. Et Syriza s'étant lui-même transformé en partie leurre - et aux abois (il en est à dire qu'il espère de la visite d'un président américain démonétisé une aide déterminante dans la réduction de la dette !) -, Potami a rapidement perdu toute utilité, disparaissant du coup aujourd'hui des radars. D'autant que, grâce au parti leurre Syriza, la droite semble désormais assurée de revenir au pouvoir sans avoir besoin de roue de secours.

Renzi, Ciudadanos, Potami ou Syriza, Macron est de toute façon un kleenex de la politique telle qu'elle se déroule - dans le vide - en régime d'Union européenne. Un ectoplasme destiné à disparaître dès qu'il aura joué le rôle qui lui est assigné dans la perpétuation du Système. Une roue de secours déjà crevée avant d'avoir servi.