Lorsque le doigt montre la lune, l'imbécile regarde le doigt. Le vote FN est le doigt, la lune c'est Merkel, Sarkhollande, Barroso, Draghi, l'UE qui tue la démocratie par ses politiques néolibérales, le libre-échange généralisé ; j'en passe et des pires. En cinq ans, le PS grec, qui a suivi avec un temps d'avance la politique menée ici par Hollande, en trahissant les engagements pris devant le peuple pour obéir servilement à Merkel et à l'UE, est passé de 44 % à... 8 %... 1,5 point derrière les néonazis. Encore un effort, camarades socialistes français, vous allez y arriver !

Ce qui s'est passé hier soir, je l'écris depuis des mois.

J'ai écrit, ici et ailleurs, que les ambiguïtés du discours du Front de gauche sur l'euro et l'illusoire réorientation ou réforme de cette Europe irréformable rendraient son discours inaudible et que, du coup, le Front de gauche, en renonçant à défendre clairement la souveraineté populaire face à la Nomenklatura européenne, ouvrirait un boulevard au FN auquel il laissait ainsi le monopole d'un discours clair et fort de rupture avec cette Europe.

Le FN est à plus de 30 % chez les jeunes, 38 % des employés et à 43 % chez les ouvriers... Le Front de gauche peine à dépasser 6 % avec 5 % chez les employés et 8 % chez les ouvriers...).

Et je suis triste d'avoir eu raison.

Or, ce vote, en France est bien avant tout, comme l'analyse Jacques Sapir, un rejet de l'Europe telle quelle est - et il n'en existe pas d'autre, et elle n'est pas réformable.

"(...) Ce séisme, il est manifeste moins par le score du Front National, assurément historique (25% des voix, premier parti de France), que par l’effondrement symétrique du bloc au pouvoir (23% pour l’alliance PS+EELV) et de l’UMP, qui dépasse à peine les 20%. En réalité, si l’on additionne les voix qui se sont portées sur des partis remettant en cause l’UE (DLR, FdG et FN), on obtient 35% des suffrages. On notera que le succès du Front National n’a pas empêché le petit parti de Nicolas Dupont-Aignan de réaliser un beau score (près de 4%). On peut penser que si de mesquines querelles d’appareil n’avaient fait échouer le projet de listes communes avec les partisans de Jean-Pierre Chevènement (le MRC), ces listes auraient pu peser nettement plus dans ces élections. A l’inverse, si l’on regroupe les voix des deux partis qui assumaient leur « fédéralisme » européens, l’UDI et EELV, on n’obtient que 18,7% des suffrages. C’est ce chiffre là qu’il faut aussi retenir. Il mesure le poids réel des partisans du « fédéralisme » en France."

Malgré les flots de propagande médiatique déversés quotidiennement par de soi-disant journalistes qui ont oublié jusqu'au sens du mot déontologie, les Français ont confirmé, hier, le vote de 2005 qu'on leur a volé, lorsqu'ils ont repoussé le traité constitutionnel et que Sarkozy leur en a ensuite administré le copier-coller, avec la complicité des députés socialistes et des médias, au mépris de la souveraineté populaire. L'histoire dira, plus tard, que cet événement-là est fondateur de la rupture, profonde, durable, irrémédiable entre le peuple français et les partis dits de gouvernement auxquels il faut ajouter la masse des journalistes des grands médias qui, au lieu d'informer, ont choisi de servir. Rupture dont nous n'avons pas fini de voir les conséquences délétères ; trahison fondatrice de Sarkozy à laquelle a répondu, en 2012, la trahison d'Hollande, promettant, en campagne devant le peuple, de renégocier le traité Merkozy pour capituler en rase campagne, sans voir combattu, dès l'élection acquise, devant la chancelière de fer. S'il avait eu le courage de renverser la table européenne en 2012, au lieu de se coucher, nous n'en serions pas là. Le vote FN n'est que le résultat, prévisible, de ces trahisons, de cette lâcheté fondatrice d'Hollande, le symptôme d'un pouvoir socialiste capitulard, failli et inexistant.

Et si l'on regarde à présent les résultats en Europe, l'enseignement n'est pas différent : Syriza à 26,6 % en Grèce, avec un KKE (communistes orthodoxe ) à 6 %, des souverainistes de droite à 3,5 %, plusieurs partis anticapitalistes et anti européens réunissant 2 ou 3 %... sans même parler des 9,4 % des néonazis ;

l'UKIP en tête au Royaume-Uni avec 30 % ;

Cinq Etoiles à 20 % et la Ligue du Nord à 7 % en Italie ;

Izquerda Unida à 10 % et Podemos, nouveau parti issu des Indignés, à 8 % ;

Le FN chez nous et l'extrême droite en Autriche ou au Danemark...

On pourrait multiplier les exemples : qu'elle se traduise par un vote à gauche de la fausse gauche pseudo-socialiste, à droite de la vraie droite ou "ailleurs", dans un espace politique difficilement identifié, la colère des peuples monte contre une Europe qui est devenue un monstre antidémocratique et contre les partis dits de gouvernement qui se sont servis de cette Europe pour faire avaler à leurs peuples ce qu'ils n'auraient jamais accepté d'avaler dans le cadre national et le respect de la souveraineté populaire.

Combattre l'extrême droite, ce n'est pas fulminer des condamnations "morales", c'est s'attaquer aux causes du vote Front national : l'euro qui nous étouffe et dont il faut sortir au plus vite, l'Europe qui est devenue un monstre antidémocratique, le leadership allemand qui impose aux peuples européens sa politique de rentiers, le traité transatlantique qui finira de dépouiller les Etats et leurs peuples de leur souveraineté, le libre-échange généralisé qui met en concurrence des travailleurs jouissant de droits et de protections avec des esclaves, le néolibéralisme et la mondialisation dont l'Europe a été le cheval de Troie et qui réduisent toute élection à un concours d'élégance entre ceux qui aspirent à conduire la politique unique dictée par les Marchés, Merkel et l'UE qui en sont les agents, puisque, dans ce cadre-là, dans ce cadre européen, "There is no alternative", comme disait Maggie.