Il y a peu, l'im-Monde - devenu depuis longtemps l'organe de la nomenklatura et de la pensée unique - titrait en une sur le populisme de Mélenchon et Le Pen qui est devenu depuis quelque temps (comme au temps des campagne référendaires sur les traités de Maastricht et de soi-disant Constitution européenne) un lieu commun de la campagne de cette nomenklatura, saisie d'une sainte trouille face à un possible réveil du peuple, comme naguère M. Le Trouadec l'était par la débauche.

Ce titre, et la pitoyable analyse qui suivait, ne relèvent en fait que du désarroi et de la plus infâme propagande.

Il suffisait d'écouter avant-hier soir le discours de Mélenchon à Villeurbanne sur I-Télé (bravo I-Télé, voilà un véritable exercice démocratique : donner à un leader politique le temps d'expliquer sa pensée dans sa complexité et la durée, plutôt que de le confronter à trois journalistes imbéciles posant des questions idiotes et ne supportant pas de réponses dépassant les 45 secondes) pour comprendre que sa campagne est l'exacte inverse de la démagogie - et non du populisme, ce mot tiroir qui ne signifie rien et ne sert qu'à disqualifier un adversaire gênant pour la nomenklatura.

Elle est à l'exact inverse de la démagogie, parce que Mélenchon fait de la pédagogie politique comme j'en ai rarement entendue, qu'il s'adresse à l'intelligence des gens, non à la tripe. Le populiste, si populiste il y a, c'est Sarkozy qui, en tout et pour tout, depuis 10 ans a imposé dans le débat politique français, le réflexe, le sentiment et le soi-disant bon sens en place de la réflexion et de l'explication.

Ainsi, à Villeurbanne, Mélenchon a-t-il expliqué que le leader politique n'est rien, et tout les idées qu'il ne fait qu'incarner. Ainsi, à Villeurbanne, Mélenchon a-t-il expliqué pendant un quart d'heure ce qu'était la hiérarchie des normes, le contrat et la loi, afin de démonter le discours "populiste" de Sarkozy tendant à faire passer les vessies pour des lanternes.

Parler de la hiérarchie des normes en meeting, en voilà effectivement du populisme !!!

Mélenchon n'est pas un populiste, c'est un instituteur de la IIIe république dans ce qu'il a de plus honorable et talentueux ; il l'a répété maintes fois à Villerbanne : si je vous explique ça, c'est pour que vous compreniez bien quelle est la logique et que vous l'expliquiez ensuite.

Mélenchon n'est pas un démagogue - qui, lui, en tout temps et tout lieu prend ses auditeurs pour des cons qu'il faut entraîner par le sentiment et le réflexe -, il s'adresse à la réflexion et à l'intelligence de son auditoire. Et c'est pour cela que ça marche, et qu'il remplit les salles.

Mélenchon n'est pas un démagogue, mais c'est un orateur de talent. Il maîtrise à merveille la rhétorique, l'effet oratoire, l'alternance de périodes, les différents niveaux de langue. Il sait parler au peuple et il parle du peuple, mais l'éloquence ne s'est jamais confondue avec la démagogie.

La rhétorique et l'éloquence sont indissociables de la démocratie depuis l'agora grecque, parce qu'elles cherchent à convaincre par la réflexion qu'elles provoquent et non à imposer l'idée, par la propagande, qu'il n'y a pas de choix politique possible et qu'on ne peut emprunter qu'une seule voie.

J'aime entendre Mélenchon comme j'aimais entendre Malraux défendre devant les députés de droite (sa majorité), qui réclamaient l'interdiction des Paravents de Genet, la liberté de création et l'honneur, pour l'Etat, à financer un art même lorsqu'il s'attaque à cet Etat. Il s'agissait, comme avec Mélenchon, d'éloquence - pas de démagogie.