Caligula tape du poing sur la table pour dire aux patrons des banques dont les inconséquences plongent des millions de gens dans la misère qu'ils ne peuvent se servir de l'argent de la collectivité pour se faire attribuer des "bonus".

D'abord, il faudrait revenir sur la question des "bonus". Ces gens-là ne gagnent-ils pas assez pour se voir en plus attribuer des rallonges, quels que soient leur résultats ? Et alors que les salariés normaux vivent depuis trente ans la "modération salariale" si chère à Trichet, le démantèlement des systèmes élémentaires de sécurité, le chômage de masse qui a servi à leur imposer les deux premiers ?

Ensuite, il est moralement insensé que ces naufrageurs qui viennent tendre leur sébile d'un côté songent même à continuer à se remplir les poches de l'autre. Cela montre à quel point le système reagano-thatchérien, le système accepté par la social-démocratie européenne sous prétexte de construction européenne, le système qui sous-tend Maastricht et la monnaie unique, le système dont, voici deux ans, Caligula prétendait que c'est parce qu'il était incomplètement appliqué en France que la France allait mal, combien ce système est fou.

Mais une fois de plus, Caligula est à côté de la plaque. Le problème n'est pas le bon sens, le sens moral ou la décence des naufrageurs qu'on a élevés dans l'idée centrale de ce qu'est ce libéralisme de Caligula et de ses petits copains du Fouquet's : un renard libre dans un poulailler libre.

Le problème, c'est que, plutôt que d'imposer la loi d'airain de ce libéralisme aux faibles, aux précaires, aux retraités, aux assurés sociaux, aux chômeurs, aux classes moyennes, etc. et de s'en remettre, pour le respect de la décence par les puissants, à leur bonne volonté, à une charte du CNPF - chiffon de papier parmi les chiffons de papier -, il faut en revenir à un monde où l'Etat ne se contente pas de réguler. Mais où il réglemente, où il se redonne les moyens de faire respecter par les renards et les requins une règle qui s'impose à eux dans le poulailler, où on ne légifère pas aux fins de déconstruire les sécurités qui protègent la vie des faibles, mais à celles de faire respecter le minimum d'intérêt général et le minimum de justice sociale.

La vraie question, à laquelle Caligula se garde bien de se colleter, c'est qu'aucun dirigeant dans aucune entreprise ne devrait pouvoir être rétribuer plus de tant de fois plus que le moins payé de ces salariés, salaires, primes, bonus et autres stock options comprises. la réalité, c'est que les renards, les requins, les Trichet et les Caligula, depuis trente ans, ont imposé un ordre dans lequel l'éventail des revenus s'est ouvert d'une manière... folle, en conjuguant la "modération salariale" défendue bec et ongles par Trichet et l'explosion démente des salaires et "petits à côté des puissants".

Pour le reste, je me demande depuis hier si l'élection présidentielle française ne rendrait tout simplement pas... fou.

Que Mme Royal n'ait rien de mieux à faire par les temps qui courent que d'aller se balader à Washington où personne ne l'a invitée est déjà un signe inquiétant - et pathétique. Mais que là-bas où personne ne sait probablement qui est sa petite personne, elle n'ait rien de mieux à déclarer qu'elle est la muse, l'inspiratrice, le vraie responsable, en somme, de l'élection d'Obama, en dit long sur la dame - et sur ses tendances à la mégalomanie.

Et que dire de Caligula, qui attend avec impatience Obama pour réformer le monde ? Il y a un an et demi, il n'avait rien de plus pressé que d'aller lécher les bottes d'un Bush en fin de course avec lequel plus personne ne voulait être vu. Il y a six mois, il partait en Russie et obtenait, tout seul, la fin de la guerre et le retrait russe de Géorgie. Hier, l'ami d'Israël, a obtenu le cessez-le-feu dans la bande de Gaza.

Tout cela est naturellement d'un ridicule achevé : "Puisque ces mystères nous dépassent, feignons d'en être l'organisateur", disait Cocteau. Caligula n'a rien obtenu d'autre de Poutine que ce que Poutine avait décidé, en temps et heures, de donner. Et il n'a pas même été foutu de l'obtenir dans une formulation qui préserve en apparence les principes. Caligula n'a rien obtenu de ces amis Israéliens qui ont arrêté de massacrer les civils de la bande Gaza à l'heure où ils avaient décidé de le faire en commençant à les massacrer. Quant à réformer le monde... Obama attendait bien sûr avec une impatience non dissimulée de pouvoir le faire en fonction des idées de Caligula... lesquelles, au fait ?

Hier, Obama, dans son discours d'investiture, a dit en substance qu'on ne pouvait pas continuer à prendre aux pauvres pour donner aux riches. J'ai déjà dit ici que je ne nourris aucune illusion sur Obama : il est américain et ses marges de manoeuvre sont extraordinairement étroites, du fait des circonstances comme des règles du système à la tête duquel il arrive. Mais constatons au moins que son discours, au moins, constitue une rupture par rapport aux trente années que nous venons de vivre... et qu'il est à l'exact inverse du discours et de la pratique caliguliennes depuis un an et demi.

Entre Royal qui a inspiré Obama et Caligula qui est impatient de réformer le monde avec lui, on peut tout de même avoir des doutes sur les conséquences de l'élection présidentielle française sur la santé mentale des candidats, heureux ou malheureux, non ?