La preuve ? Sarkozy et Dati sont encore de ce monde.

Qu'un président de la République porte plainte contre un éditeur, fût-ce de poupée vaudoue, après avoir fait virer des patrons de presse ou des journalistes, est déjà aussi saugrenu qu'inquiétant sur l'état de notre démocratie.

Surtout quand ce président est confronté à l'une des crises les plus graves qu'a connue le capitalisme, une crise qui est le résultat des politiques qu'incarne ce président, des politiques sur lesquelles il s'est fait élire.

Surtout quand ce président se donne l'impression d'agir en s'agitant, en faisant semblant d'avoir prise sur les événements et d'inventer des réponses, alors qu'il ne fait que suivre celles qu'a données Gordon Brown, et annoncer des mesures diamétralement opposées à celles qui, selon lui, la veille du krach, devaient assurer la félicité universelle.

Surtout quand ce président proclame sa volonté d'aider toutes les entreprises en difficulté alors qu'il y a deux mois il voulait forcer les Irlandais à revoter sur un traité (dont il a proclamé urbi et orbi être l'auteur, alors que c'est Frau Merkel qui a tenu la plume) qu'ils avaient démocratiquement repoussé et qui interdit formellement... toute aide aux entreprises.

Surtout quand ce président qui vient de faire inscrire dans la Constitution l'obligation de l'équilibre budgétaire pérore à tous les vents, à peine sèche l'encre de sa révision, qu'il ne va pas hésiter à faire du déficit (ce qui est aussi nécessaire qu'il était ridicule de faire inscrire l'obligation d'équilibre dans la Constitution).

Surtout quand ce président, toujours et en toute circonstance d'une maladresse diplomatique insigne, fâche tout rouge M. Juncker, Premier ministre et ministre des Finances à vie d'un paradis fiscal, mais aussi président de l'Eurogroupe - ce qui en dit long sur les priorités européennes, de Maastricht à aujourd'hui ; puis que ce président, posant au sauveur et tellement incapable de renoncer aux projecteurs braqués sur lui depuis qu'il est "président de l'Europe", explique à des partenaires européens une fois de plus médusés par son culot et ses inconséquences (qu'il convient de ne pas confondre avec ce qu'est une politique) que les Tchèques sont des minus habens, les Suédois des moins que rien et qu'il se verrait bien en président à vie de ces Européens qui, telles les grenouilles d'Esope et Lafontaine, n'attendaient que cette occasion pour se jeter à ses pieds et se donner un roi.

Mais que ce même président fasse appel une fois que la justice (dont l'encombrement doit beaucoup, ces temps-ci, au président et à sa famille) l'a débouté, au nom de la liberté d'expression et du droit à la caricature, est décidément d'un ridicule achevé. Caligula ne supporte décidément pas qu'on attente à... à quoi au juste ? à sa fonction, à sa personne ? Mais ce type n'a cessé depuis des mois d'étaler ses travers les plus vulgaires, sa vie la plus personnelle, de faire rire le monde entier avec ses inconséquences et ses histoires de c... Mais ce type a, par la même et lui-même, manifesté un incommensurable mépris de la dignité de sa fonction.

Quant à notre inénarrable garde des Sceaux, décidément jamais en retard d'une connerie, elle vient de trouver la solution à l'épidémie de suicides dans les prisons françaises : l'installation d'interphones dans les cellules !

Ou le gadget comme réponse à la tragédie.

Les suicides en prison ne sont pas le résultat d'une politique pénale absurde et oublieuse de certains droits élémentaires de l'Homme, comme la présomption d'innocence bafouée en permanence par l'usage généralisé de la détention préventive.

Ils ne sont pas le résultat de la surpopulation résultant de la politique en question, ni de l'état médiéval de trop nombreuses prisons et des conditions de vie indignes et dégradantes qu'on y impose aux détenus.

Ils ne sont pas le résultat de l'insuffisance des personnels pénitentiaires, de l'encadrement médical et social qui génère une dramatique absence de sécurité à l'intérieur de ces prisons, la terreur qu'y font régner les caïds, la violence et les viols.

Ils ne sont pas le résultat de la misère de la médecine psychiatrique en France qui conduit à emprisonner des drogués et autres pauvres bougres qui ne pigent rien à ce qui leur arrive et qu'on devrait soigner plutôt que de les envoyer au gnouf.

C'est pour cela qu'on a juste besoin... d'interphones ! Chouette ! elle est maline la garde des Sceaux ! A chaque problème sa solution ! Et puis pour les fabricants d'interphone, en ces temps de crise, c'est une véritable aubaine !!!

Le ridicule ne tue plus, c'est donc avéré. Ce qui n'est ni le cas de la crise que n'a pas vu venir Sarkozy et qui va laisser sur le carreau tant d'humbles, de fragiles et de précaires. Ce qui n'est pas non plus le cas des prisons de Melle Dati... avec ou sans interphones.