Désavantagé par un mode de scrutin qui surreprésente l'Espagne conservatrice (à Soria, en Castille-et-Léon où le PP fait 40 %, il faut 20000 voix pour élire un député ; à Barcelone, où Podemos et ses alliés arrivent en tête, il en faut 120000...), Podemos réalise une percée remarquable à 20,65 % des voix et 69 sièges sur 350. Malgré une baisse dans les sondages après la capitulation de Syriza en Grèce, le nouveau parti, qui a réussi une remontée durant la campagne, décroche une 3e place en voix et en sièges, arrivant moins d'1,5 % derrière le PSOE.

Comme en Grèce avec Potami (qui serait aujourd'hui éliminé du Parlement), l'invention d'un parti faux-nez de droite pro-européen, Ciudadanos, monté en neige par les médias dominants et destiné à fournir une roue de secours à la droite discréditée, est un relatif échec (13,93 % et 40 sièges). Il ne permet, en tout cas, pas plus à la droite de rester au pouvoir - ce qui était sa principale "utilité" - que Potami n'avait permis en 2015 de sauver la coalition ND-PASOK que Berlin et Bruxelles, initiateurs et financiers de ce parti créé par et pour la Nomenklatura médiatique, entendaient maintenir au pouvoir.

Avec 28,7 % et 123 sièges, le Parti populaire subit un cuisant revers : il perd 15,92 % et 63 sièges par rapport à 2011.

Quant au PSOE (28,73 % et 90 sièges) qui l'avait précédé au pouvoir et avait mis en oeuvre les politiques germano-européennes que le PP n'a fait que poursuivre et aggraver, il est lui aussi sanctionné, perdant 6,7 % et 20 sièges, après avoir déjà abandonné plus de 28 % cette année-là (le PSOE réunissait près de 44 % des suffrages en 2008).

Le seul résultat des politiques germano-européennes (car la reprise, là comme ailleurs, n'a jamais été qu'une opération de propagande) aura donc été de faire imploser le système politique et de plonger le pays dans une profonde crise politique : en Grèce, les élections législatives de septembre étaient les 5e depuis 2009 et il est bien peu probable que la majorité élue en septembre passe le printemps ; quant à l'Espagne, il paraît fort douteux ce soir qu'elle puisse se doter d'un gouvernement cohérent et stable, hors une "grande coalition", qui devient le modèle de référence de l'Europe allemande, dès lors que l'échec des politiques germano-européennes réduit l'assise électorale des conservateurs et des "socialistes" de telle sorte qu'ils ne sont plus en position de pouvoir gouverner les uns sans les autres, et dont le principal résultat (en Grèce entre 2010 et 2015, comme en Italie depuis 2013) est d'achever le discrédit des partis du "système".

Cela dit, Podemos n'ayant en rien tiré les conséquences de la bérézina de Syriza et refusant les évidences que le Bloc de gauche portugais a, lui reconnues - il n'y a pas de réforme possible de l'UE et de l'euro ; il n'y a pas "d'autre politique" possible dans le cadre de l'UE et de l'euro - son éventuelle arrivée au pouvoir - dans les circonstances actuelles en coalition avec le PSOE, avec le soutien de partis régionalistes/nationalistes - a toutes les "chances" de se terminer par une "normalisation" à la Syriza, en vertu de la doctrine Brejnev de la souveraineté limitée revisitée par l'Euro-Allemagne.