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mercredi 7 décembre 2016

Dette grecque : le trompe l'oeil

J'ai écrit ici depuis la capitulation de Tsipras à l'été 2015, justifiée - contre toute évidence et contre les propos de Schäuble sans cesse réitérés - par une perspective d'allègement de la dette en échange de l'application servile des mesures imbéciles et criminelles imposées par Berlin via Bruxelles, que cet allègement, s'il finissait par intervenir, ne serait jamais qu'un trompe l'oeil.

On sait désormais de quoi il retourne. Et j'avais raison.

De quoi s'agit-il ?

1/ D'étendre la maturité de certains prêts de 28 à 32 ans ou un peu plus.

2/ Le taux de certains prêts deviendra fixe de manière à éviter... un alourdissement de la charge si les taux du marché venaient à remonter.

Au total, le coût estimé de ces mesures est de 200 millions d'euros, pour une dette de 320 milliards.

Qui dit moins ?

Et qui peut prétendre qu'il s'agit là d'autre chose que d'une vaste fumisterie ?

Je n'ai cessé non plus d'écrire qu'une capitulation comme celle de Tsipras ne vaut jamais, à celui qui capitule, que le mépris de ceux devant qui il capitule. Et qu'une capitulation comme celle-là n'est jamais un acte isolé, mais l'événement inaugural d'une série sans fin de capitulations.

Ainsi apprend-on en même temps par des fuites, que le document de l'Eurogroupe mettrait, à la poursuite de "l'aide", les conditions suivantes :

- suppression en 2018 de l'allocation de solidarité sociale (créée par Syriza à son arrivée) pour les plus pauvres, après une réduction de 40% dès le 1er janvier 2017 ;

- réduction de moitié de "l'allocation chauffage" versée aux plus pauvres, avant sa suppression ;

- limitation ou suppression des déductions fiscales liées aux dépenses de santé et frais médicaux pour les maladies lourdes et/ou invalidantes ;

- suppression du régime fiscal spécial des marins ;

- suppression des allocations familiales aux parents qui travaillent, déjà très basses en Grèce depuis toujours ;

- suppression de l'allocation "spéciale étudiants" ;

- etc., et en attendant les suivantes !

Vive l'Europe !

A ce sujet, l'imprimeur a livré en avance au diffuseur mes 30 bonnes raisons pour sortir de l'Europe.

Du coup, le diffuseur a avancé la mise en place en librairie. Au lieu du 14 janvier 2017, le livre est donc disponible dès maintenant (dans les jours qui viennent) dans toutes les bonnes librairie (et toutes peuvent désormais le commander et l'avoir en quelques jours).

Vous allez donc pouvoir l'offrir pour Noël !

dimanche 4 décembre 2016

Lettre ouverte de Mikis Théodorakis : précisions du docteur Vichas

Suite à l'excellente lettre ouverte de Mikis Théodorakis à Tsipras hier (voir le billet précédent), Marie-Laure Coulmin Koutsaftis (merci de nouveau à elle ; c'est elle qui a eu l'initiative de, et qui a dirigé Les Grecs contre l'austérité. Il était une fois la crise de la dette, Le Temps des cerises, 2015, dont j'ai écrit la contribution conclusive) qui l'a traduite, publie aujourd'hui ce commentaire du docteur Yorgos Vichas, dont j'ai eu l'honneur, naguère, de faire la connaissance à Marseille où nous intervenions durant la même après-midi, à l'invitation du MUCEM, sur différents aspects de la "crise grecque". Ce cardiologue a, dès les débuts de la crise, créé le Dispensaire social métropolitain d’Elliniko (sur le site de l'ancien aéroport et base aérienne américaine d'Athènes, voué par le gouvernement Syriza à une très lucrative opération immobilière) qui, avec l'aide de médecins et de personnels de santé bénévoles, grâce à la solidarité (et, pour notre petite part, celle de mes étudiants retraités de l'Université interâges de Créteil et du Val de Marne qui m'apportent régulièrement leurs médicaments non utilisés...), soigne ceux (de plus en plus nombreux) qui, du fait des politiques coloniales germano-européennes relayées par tous les gouvernements grecs depuis 2010, ont perdu tout accès aux soins.

Lors de son intervention au Mucem, Vichas raconta notamment comment le dispensaire accueillait (c'était en 2014) des diabétiques qui, faute d'insuline, étaient devenus aveugles, ou qu'on devait amputer, des cancéreux non pris en charge et dont les chances de survie étaient diminuées d'autant plus qu'ils l'étaient tardivement, etc. Voilà donc ce qu'écrit cet homme-là, aujourd'hui, à propos de Théodorakis et de Tsipras (la violence de la lettre du premier est d'autant plus significative qu'il est lié au second par des liens familiaux...).

"À l’occasion de la lettre ouverte de Mikis à Tsipras, je me suis rappelé les moments que j’ai vécu avec Mikis en février 2012. Je vous raconte ici quelque chose qui n’est pas public, mais que j’ai vécu en première ligne et qui concerne Mikis et Tsipras.

Le 11 février 2012, une journée avant le vote à la Vouli du 2ème mémorandum, nous sommes chez Mikis et nous faisons les plans pour la manifestation du jour suivant. Mikis et Glézos ont décidé de descendre à Syntagma et de manifester avec les milliers de citoyens. Moi je devais les accompagner en tant que médecin, parce qu’ils savent tous les deux qu’ils vont être attaqués par la police. Dans les plans, il est prévu que Tsipras sorte du Parlement, devant le Soldat Inconnu, où il doit rencontrer Mikis et Glézos, puis tous les trois doivent manifester avec le peuple. L’entente entre Mikis et Tsipras se fait devant moi au téléphone. Mikis est enthousiaste !

Le 12 février 2012, nous sommes arrivés devant le Soldat Inconnu. Le peuple défile par centaines de milliers dans le centre d’Athènes. Police et MAT partout. Tsipras nulle part.

Les MAT ne perdent pas de temps et ils jettent les premiers lacrymos sur Mikis et Glezos. Très vite Athènes est noyée sous les lacrymos. Tsipras n’est nulle part ! Après quelques heures nous rentrons au sein du Parlement avec Miki. Accablé par les lacrymos, sur son fauteuil roulant, il crie dans l’Assemblée : « Assassins, aujourd’hui vous votez la mort de la Grèce ». C’est un des nombreux moments de cette journée où j’ai compris de quels métaux rares est forgé cet homme. Tsipras, visiblement informé que Mikis est entré dans la Vouli, sort de l’Assemblée et vient vers nous.

Mikis (dans son fauteuil roulant, accablé physiquement mais avec un très bon moral et une âme d’adolescent) : « Tu nous as vendus, on t’attendait, pourquoi tu n’es pas descendu ? ».

Tsipras (en costume, sans cravate, bien repassé) visiblement embarrassé, comme un gamin qu’on dispute, avec un sourire hors de propos : « Nous nous battons ici, Mikis ».

Mikis : »Non Alexis, c’est dehors qu’ils se battent, le vrai combat se donne dehors à cet instant et ta place était là-bas, pas ici. »

Tsipras a bafouillé indistinctement et il s’est éloigné…"

Edifiant, n'est-ce pas ? Tellement édifiant ! Si nous avions su, alors, des choses comme celles-là, peut-être aurions-nous été moins dupes de l'imposture Syriza...

Comme le précise Marie-Laure, Vichas répond à cette objection qu'il avait déjà raconté cet épisode sur le moment...

Mais sans doute n'a-t-on pas trop voulu entendre, alors, ce genre de choses. Je me souviens de Vichas, au MUCEM, alors que l'échéance des législatives n'était pas encore fixée... Il était en effet très circonspect sur les perspectives de l'arrivée au pouvoir de Syriza... J'avais mis cela sur le compte de la fatigue face aux situations qu'il devait affronter, gérer... Il y avait probablement plus que cela et je n'ai pas trop voulu le voir. Plusieurs amis grecs m'avaient également mis en garde...

samedi 3 décembre 2016

Lettre ouverte de Mikis Théodorakis à Alexis Tsipras

Camarade Alexis, je te tire mon chapeau, parce que tu es un gros dur (mangas). Le plus gros des durs (mangas) depuis 450 av. J.C. jusqu’à nos jours en Grèce. Parce que tu fais tout ce que tu veux sans tenir compte de quiconque.

Tu prends ton avion personnel, tu le remplis d’amis et d’amies, tu pars à Cuba et tu laisses l’addition de 300.000 dollars à payer par les gugusses qui gagnent 300 € par mois dans le meilleur des cas. Tu fais tout ce qui te plaît. Tu parles sur la Place de la Révolution à La Havane où parlait Fidel, comme un révolutionnaire pur et dur. Tu te dresses de toute ta superbe contre le Capitalisme Impérialisme. Tu te goinfres (600 euros pour un repas payé par le Ministre des Affaires Étrangères, donc par tes lèche-bottes).

Tu t’amuses, tu fais la fête, alors que les gugusses de Grecs font la queue pour retirer leur retraite, payer électricité, banques, hôpital et surtout austérité sur austérité.

Tu te la joues révolutionnaire et quand tu reviens, tu redeviens ce que tu étais, un gamin qui court pour exaucer tous les caprices de Merkel, d’Obama et de Juncker, que tu fustigeais de Cuba - et ça retombe à nouveau sur le dos du peuple grec si intelligent, parce que c’est lui qui a décidé d’être gouverné par des gens sans supporters et sans honneur, qui jouent les gouvernements.

Rendez-vous aux abattoirs.

(Traduction Marie-Laure Coulmin Koutsaftis)

C'est en fait exactement ce que je me disais depuis deux jours : gonflé, tout de même le petit apparatchik de la collaboration mekello-junckerienne ! Il va jouer les révolutionnaires et se pavaner chez Fidel qui (quoi qu'on en pense par ailleurs) n'a jamais rien cédé, au péril de sa vie, à l'ennemi le plus puissant du monde... et ensuite il va rentrer à Athènes jouer les caniches de la chancelière du Reich.