Il y a un an Syriza l'emportait en Grèce. les premiers papiers de mon blog, au lendemain de cette victoire, analysaient le score, la campagne, l'alliance avec les Grecs indépendants, les premiers gestes de Tsipras... Puis, le 28, j'écrivais ceci (on peut aller vérifier ; je suis allé le faire ce matin parce que, comme historien, je me méfie toujours des reconstructions où l'on se donne le beau rôle) :

"Les deux questions qui se posent à mes yeux sont :

1/ Syriza ira-t-il au bout de la logique ou cédera-t-il aux pressions, intimidations des oligarques euro-allemands et des spéculateurs qui, de manière très prévisible, se déchaînent depuis ce matin ?

2/ Le nouveau Gouvernement a-t-il conscience qu'aucune "autre politique" n'est possible dans la cage de fer, dans le carcan de l'euro ? Comme je ne crois nullement que Merkel sortira de son autisme aussi stupide que criminel et qu'elle acceptera les réformes nécessaires pour que l'euro soit viable, cesse d'enrichir les riches (l'Allemagne et l'ex zone mark) et d'appauvrir tous les autres - réformes qui seraient de toute façon électoralement suicidaires pour elle -, j'espère que Tsipras et son équipe sont conscients qu'il faudra gérer un retour forcément chaotique à la drachme, condition à mes yeux indispensables à un rebond de l'économie grecque, comme il l'est pour l'Italie, l'Espagne, le Portugal, la France.

J'espère qu'ils commencent dès aujourd'hui à préparer ce retour, techniquement, car on ne peut pas aller à une négociation aussi capitale en ayant qu'une option : trouver un accord très improbable avec l'autisme merkellien. C'est ce qui a signé, en 2009, l'arrêt de mort de Papandréou. Car si on n'a pas d'autre option dans une négociation, on se met forcément dans la situation de devoir accepter le Diktat de celui qui est en face et qui sait que vous n'avez pas d'autre option. Cette épreuve de force-là, c'est Hollande qui aurait dû l'engager dès son élection. Mais il a immédiatement trahi et capitulé sans combattre. C'est dommage parce que cela a fait perdre beaucoup de temps à tout le monde, mais c'est ainsi.

Aujourd'hui c'est à Tsipras de le faire, dans des conditions beaucoup moins favorables, mais Thémistocle et les Athéniens ont arrêté l'immense Empire perse à Salamine, les Grecs ont battu en Albanie les fascistes mille fois mieux armés en 1940-1941, Glézos a décroché la croix gammée de l'Acropole... la puissance n'est pas tout en histoire ; c'est toujours la volonté politique du plus résolu qui prime. Le faible n'est ni désarmé ni vaincu d'avance devant le fort.

J'espère donc ardemment que Tsipras ne calera pas, qu'il ne capitulera pas, qu'il sortira de l'euro s'il le faut, ce qui aurait l'immense avantage de nous débarrasser enfin de cette monnaie puissamment dysfonctionnelle. Car je ne doute guère qu'il y ait un effet domino : la réévaluation brutale qu'entraînerait une sortie de la Grèce sera insupportable pour l'Italie, l'Espagne, le Portugal, la France... Et une fois qu'on aura liquidé cette monnaie d'oligarques pour une Europe d'oligarques, on pourra enfin parler de restauration de la démocratie - la politique économique n'étant plus dictée par une monnaie imbécile ou des traités, mais revenant dans le champ du débat démocratique et de la souveraineté populaire - et d'Europe des peuples."

Sans commentaire...

Si, tout de même, un an après, il devient difficile d'être député ou ministre Syriza...

Dans les deux vidéos qu'on peut voir ici, des députés syrizistes se retrouvent face aux paysans : il n'est toujours pas si facile de trahir ses électeurs dans un pays où la gauche radicale aux ordres de Berlin et Bruxelles est en train (entre autres) de liquider la paysannerie. Il n'y a d'ailleurs pas qu'en Grèce, ni que les paysans... Ici, c'est le ministre des Affaires étrangères de la colonie grecque, en voyage dans la capitale du Reich, pour... le festival du film grec de Berlin (!!!) qui se fait prendre à partie par deux compatriotes.

Ce qui est "drôle", c'est que c'est le décalque exact de ce qu'ont vécu les députés du PASOK entre 2010 et 2012, juste avant que le PASOK passe de 40 % des voix à 6 %. Les députés PASOK avaient fini par ne plus pouvoir sortir dans la rue, au restaurant ou ailleurs sans se faire insulter...

Dans ces conditions et avec les horreurs qu'ils vont avoir à voter, encore, dans les semaines qui viennent, on peut se demander combien de temps les trois députés auxquels tient la majorité vont lui permettre de continuer à sévir, c'est-à-dire combien de temps avant que Syriza aille au bout de sa logique : le gouvernement de coalition avec Potami, le Pasok, les clowns de l'Union des centres ou la droite de Mitsotakis-Siemens. Car j'ai oublié de préciser dans mon dernier papier que le rejeton Mitsotakis, en plus d'être le fils de son père et le frère de sa soeur (en Grèce il y a d'autres versions qui courent, plus croquignoles, de l'histoire familiale... mais passons), serait un "obligé" (mais pas de condamnation, bien sûr !!!) du plus grand corrupteur que la Grèce ait connu - le vertueux, forcément vertueux puisqu'il est allemand, Siemens... Ce qui fait de lui un candidat idéal pour Berlin à la tête du gouvernement.