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mercredi 23 décembre 2015

L'union civile entre personnes du même sexe : c'est (enfin !) Oui en Grèce

Comme ailleurs en Europe, la gauche se révélant incapable d'agir sur l'économique et le social - domaine prédéterminé par les traités européens, l'euro et le néo-impérialisme allemand -, son action modernisatrice se replie vers le sociétal.

Syriza ne fait pas exception à la règle.

En l'occurrence on ne saurait que s'en réjouir pour les couples de même sexe qui, jusqu'alors ne disposaient d'aucun cadre, d'aucune reconnaissance, d'aucune protection.

L'union civile a en effet été adoptée, peu après minuit cette nuit, lors d'un vote par appel nominal et à une majorité bien plus large que celle dont dispose le gouvernement puisque, malgré les protestations de certains secteurs conservateurs de l'Eglise.

27 députés de la Nouvelle Démocratie, dont les anciens Premiers ministre Karamanlis et Samaras, ainsi que Meimarakis, leader au dernières élections et arrivé en tête aux élections internes de dimanche dernier pour la présidence du parti, avec 40 % des voix, ne sont pas venus participer au vote. C'est aussi le cas de Panos Kamménos, ministre de la Défense et président des Grecs indépendants, membres de la majorité, mais qui avait averti qu'il ne voterait pas pour certains des projets sociétaux de Syriza, dont celui-là. Il est cependant à remarqué que, revendiquant sa proximité avec l'Eglise, Kamménos a préféré ne pas voter, tandis que ses députés se divisaient.

55 ont voté contre :29 ND, les députés présents d'Aube dorée et du KKE (Parti communiste), ainsi que six Grecs indépendants, membres de la majorité, mais leur .

194 ont voté pour : les députés présents de Syriza (plusieurs membres étaient absents dont le vice-président du gouvernement Dragasakis et un ministre adjoint), du PASOK (mais sa présidente était absente) et de ses alliés, de Potami, Union des centres ainsi que 19 députés ND et 3 Grecs indépendants.

C'est un beau Noël pour toutes les lesbiennes et tous les homosexuels du pays, et c'est incontestablement un point positif à porter à l'actif du gouvernement Tsipras... même si, par ailleurs, comme chaque année depuis au moins trois ans, tout Athènes sent le bois brûlé, parce que trop de gens ne peuvent plus se chauffer au fuel, au gaz ou à l'électricité, même si par ailleurs, chaque jour qui passe aggrave la situation économique et la crise humanitaire... dont les lesbiennes et les homosexuels sont aussi victimes que les autres.

jeudi 17 décembre 2015

En Grèce, un nouveau pas - décisif - dans la descente aux enfers

Chaque semaine, désormais, apporte un train de nouvelles mesures prises par le gouvernement de capitulation (pour ne pas employer un autre mot que l'histoire a chargé d'infamie), votées par le Parlement en exécution de la capitulation initiale du 13 juillet. Chaque semaine, Tsipras qui avait promis d'être chaque mot de la Constitution, de mettre fin aux lois omnibus votées selon la procédure d'urgence, généralement de nuit, au mépris des droits d'amendement du Parlement transformé en chambre d'enregistrement des diktats de l'étranger, ajoute une monstruosité à une autre approchant, à chaque pas davantage, un pays et un peuple que j'aime d'un abime dont on ne connaît ni la nature ni la profondeur.

La dernière est de taille. Qu'on en juge (source Iskra, site Internet de l'Unité populaire, la scission anti-mémorandaire de Syriza) :

"Le gouvernement Tsipras d’après la reddition va au-delà de tout ce qu’on pouvait imaginer, au-delà des désirs inavoués des gouvernements-vassaux les plus à droite, en mettant à l’encan et en hypothéquant tous les « emprunts rouges ». Il s’agit en réalité de toute la richesse immobilière des ménages, de l’ensemble des entreprises grecques, et dans le même lot de l’ensemble de la richesse publique, rassemblée dans un superfonds au sein duquel un rôle prépondérant -si ce n’est le contrôle effectif-, reviendra aux étrangers.

Ces mesures abominables, avec beaucoup d’autres-tout aussi inadmissibles, font partie de l’accord avec les « institutions », qui a été inscrit dans le projet de loi des prérequis exigences des créanciers NdT déposé samedi pour être voté dans le cadre d’une procédure d’urgence avant mardi, en totale violation, une nouvelle fois, des règles de fonctionnement de l’assemblée et de la constitution.

Concrètement, dans le projet de loi, les fonds vautours ont par principe la possibilité de racheter les emprunts rouges des grandes entreprises et les prêts immobiliers, sauf ceux de l’habitation principale, et à partir du 15 février, la voie sera également ouverte au rachat des emprunts des petites et moyennes entreprises, des prêts pour l’habitation principale et des prêts à la consommation.

Le gouvernement a demandé et obtenu un « délai politique » concernant le cadeau fait aux fonds des habitations principales et des PME, dans le but de donner la priorité au projet de loi sur l’assurance sociale.

En même temps, avec le projet de loi, se constitue un super-fonds qui comprendra le TAIPED et tous les biens publics (biens immobiliers, actions, DEKO entreprises et organismes publics NdT), y compris le TChS Fonds de Stabilité Financière NdT). Le super-fonds en question sera dirigé en réalité par les « institutions », il disposera en guise d’hypothèque de toute la Grèce, qui sera mise en liquidation pour rembourser les créanciers." (La suite sur ce site)

Cette mise à l'encan d'un pays tout entier par un parti qui, il y a tout juste un an, se préparait à accéder au pouvoir en se présentant comme le défenseur de la dignité des Grecs a quelque chose de pathétique, de révoltant, de profondément douloureux aussi.

D'autant que, dans le même temps, le bon élève Tsipras, qui croyait pouvoir obtenir, par son zèle, un peu de souplesse afin de rendre un peu moins inhumaines les mesures - sans issue économiques - qu'il choisi d'endosser, a dû renoncer devant le veto des créanciers. Son "plan social" visait à assurer un accès aux soins au tiers de la population qui n'a plus de couverture sociale, d'instituer des cellule de soutien aux personnes vulnérables, d'amplifier l'aide alimentaire d'Etat, de fournir de l'électricité aux plus pauvres à un tarif réduit et de développer le soutien scolaire.

Nein !

Le projet de loi a donc été retiré de l'ordre du jour du Parlement.

Tsipras fait ainsi l'expérience de son impuissance à obtenir la moindre marge de manoeuvre à l'intérieur de la logique à laquelle il s'est soumis. En réalité le gouvernement grec montre ainsi qu'il n'est plus, en rien, souverain. Qu'il n'est plus qu'un organe d'exécution de type colonial, une courroie de transmission à laquelle tout droit d'initiative est dénié.

Le problème, c'est qu'en signant la capitulation du 13 juillet, Tsipras ne pouvait l'ignorer.

En Allemagne, le Bild annonce (source le site grec de To Pontiki) qu'on en aura bientôt fini avec Tsipras, annonçant sa chute dans les trois mois. Pour une fois, j'aurais tendance à être d'accord avec lui, et c'est à peu près l'échéance que j'envisageais au lendemain de la victoire à la Pyrrhus des élections législatives de septembre.

Mais pour laisser place à qui ?

La droite est en ruine et incapable même d'organiser l'élection de son chef. Elle est aussi en cours de radicalisation autoritaire, révélant ainsi la logique des politiques européennes à l'oeuvre. Le PASOK est en état de coma dépassé. Potami, le parti de l'oligarchie médiatique financé par Bruxelles est en état de mort clinique et ne serait sans doute pas même présent au Parlement si les élections avaient lieu aujourd'hui. Unité populaire reste empêtré dans ses contradictions sur l'Europe et l'euro, incapable de tenir un discours clair sur la nécessité absolue de sortir de l'euro pour sortir de la spirale mortelle dont le peuple grec est prisonnier depuis cinq ans, incapable de construire un front du refus avec l'EPAM, Antarsya, le KKE, d'autres... Alors ?

Il faut bien reconnaître que les scénarios les plus sombres, que j'écartais absolument il y a moins de six mois, avant le référendum, lorsque Fabien Perrier, de Libération, me posa la question dans un entretien par téléphone, redeviennent possibles.

Tandis que l'Union européenne sous hégémonie allemande de plus en plus dure, paye au maître-chanteur Erdogan la rançon que la chancelière Merkel avait pris l'initiative, sans mandat, d'aller négocier avec le sultan, soutien de Daesh, en pleine campagne électorale, légitimant ainsi la stratégie de la tension destinée à assurer la reconduction, par la terreur, de l'AKP, les violations de l'Etat de droit et des droits de l'Homme, les arrestations arbitraires, procès d'opinion et autres joyeusetés qui, bien sûr, légitiment la relance de la négociation d'adhésion à l'UE d'un pays qui occupe au tiers, et colonise, un Etat de l'UE, tout en violant régulièrement l'espace maritime et aérien d'un autre, organisant de surcroît la submersion des îles grecques par un flux migratoire qu'Ankara n'a cessé de manipuler.

Il y a là, à mes yeux, une accumulation d'erreurs de jugement, de décisions criminelles, d'inconséquences qui sont sans équivalent depuis 1945.

Et il y a bien peu de chances que pareille accumulation ne se paye pas.

lundi 14 décembre 2015

Le ministre grec de l'Economie oublie une partie partie de son patrimoine...

Au tableau des réussites de Syriza ne manquait que l'éthique...

Alors voilà, je vous explique : Yorgos Stathakis est ministre de l'Economie depuis janvier dernier, l'un des piliers de Syriza et un poids lourd du gouvernement de la "gauche radicale". Or Yorgos Stathakis a malencontreusement "oublié" de faire figurer, dans la déclaration de patrimoine qu'il a dû établir après son élection comme député du département de Chania (Crète), en 2012... juste un million d'euros.

Oui, je sais, ça la fout mal pour un député, ministre de... "gauche radicale".

D'autant que, dans l'opposition, ladite "gauche radicale" de Stathakis n'avait pas de mots assez dure pour ces hommes du système, de la ND et du PASOK, qui dissimulaient leur patrimoine, faisaient de fausses déclarations, échappaient à l'impôt. D'autant que le programme de ladite "gauche radicale" avait mis au nombre de ses priorités la lutte sans pitié ni merci contre ses moeurs scandaleuses et intolérables à l'heure où le peuple devait lui consentir à des sacrifices sans nom et sans fin...

Alors forcément, que le ministre de l'Economie du gouvernement de la "gauche radicale" oublie de déclarer un million d'euros... C'est un peu comme Cahuzac chargé de la lutte contre la fraude fiscale.

Or, Yorgos Stathakis, lui, n'a pas même démissionné ; il a juste rédigé "volontairement" une nouvelle déclaration qu'il a remise à la commission de contrôle du patrimoine des élus. Or, à l'issue de la comparaison par les experts comptables de cette commission (présidée par un syriziste), il s'avère que le ministre de l'Economie de la gauche radicale n'aurait pas oublié seulement un million... ce serait plutôt 1,8 millions.

Nul doute que cet épisode soit apprécié par les retraités à qui le gouvernement de la "gauche radicale" et son ministre de l'Economie vont encore couper les pensions, par les endettés à qui à qui le gouvernement de la "gauche radicale" et son ministre de l'Economie vont saisir le domicile principal, par les îliens qui vont voir tout augmenter grâce à la hausse de la TVA décidée par le gouvernement de la "gauche radicale" et son ministre de l'Economie, par les malades que les nouvelles coupes dans le budget de la santé, décidées par le gouvernement de la "gauche radicale" et son ministre de l'Economie, vont priver d'accès aux soins... tout cela en application des diktats euro-allemands dont le gouvernement de la "gauche radicale" et son ministre de l'Economie se sont fait l'exécutant.

mardi 8 décembre 2015

Tsipras, le Quartet, le FMI et Gramsci

Romaric Godin nous apprend aujourd'hui que Tsipras souhaite la sortie du FMI du "plan d'aide" à la Grèce... qu'il vaudrait mieux appeler plan de déflation sans fin.

1er enseignement : il n'y aura pas de restructuration de la dette autre que symbolique, comme je n'ai cessé de l'écrire depuis le 13 juillet. Tsipras a alors présenté à son peuple cette restructuration comme la contrepartie à venir des "sacrifices" qu'il acceptait... en contravention avec le mandat qu'il avait demandé au peuple par référendum dix jours plus tôt. L'Allemagne y a toujours été opposée et le FMI y est favorable, jugeant cette dette insoutenable. Souhaiter la sortie du FMI, c'est donc renoncer à la restructuration et s'aligner un peu plus sur l'Allemagne. Dans quel but ?

2e enseignement : les créanciers n'en ont jamais assez. La capitulation du 13 juillet les rend logiquement insatiables : comme je l'écris aussi depuis le 13 juillet, une capitulation n'est jamais un acte isolé parce qu'elle révèle que vous n'envisagez pas de sortir de l'étau dans lequel vous êtes (en l'occurrence l'euro), elle a donc pour effet de multiplier les exigences de celui devant lequel vous capitulez, et générer un processus continu de capitulations en chaîne, voire de capitulations anticipées, prévenant les désirs du maître dans l'espoir de s'en attirer les bonnes grâces (cf. l'histoire de Vichy). Ainsi Romaric Godin précise-t-il que :

"La réunion de l'Eurogroupe de lundi 7 décembre a été l'occasion d'une nouvelle demande des créanciers d'aller plus loin et plus vite. La semaine dernière, 13 mesures ont été présentées par l'Euro Working Group, la commission technique de l'Eurogroupe, à Athènes, parmi lesquelles la réforme de la sécurité sociale et l'établissement du fameux « fonds de privatisation », inspiré de la Treuhandanstalt est-allemande, qui doit « valoriser » les actifs publics et gérer le produit des ventes. Les créanciers sont décidés à réduire les discussions sur ces mesures. Le président de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, a indiqué qu'il fallait un paquet législatif avant « la mi-décembre », bref avant une semaine. C'est dire si la marge de manœuvre d'Athènes est étroite. Si l'Eurogroupe n'est pas satisfait, il pourrait ne pas libérer le dernier milliard d'euros de la première tranche de « l'aide. »

Jeroen Dijsselbloem est allé encore plus loin : il a indiqué qu'il voulait finaliser les « grandes réformes budgétaires et structurelles », avant la fin de l'année. Il s'agit évidemment de la réforme des retraites qui promet d'être douloureuse. Alexis Tsipras cherche à éviter des coupes franches dans les retraites en favorisant les hausses de cotisations, mais les créanciers sont farouchement opposés à cette vision."

Ces derniers développements de la tragédie grecque entrent d'ailleurs en résonance avec l'émission La Marche de l'histoire de Jean Lebrun que j'ai écouté tout à l'heure, en déjeunant, à mon retour de Créteil où j'ai parlé à mes retraités-étudiants... de l'évolution en Grèce depuis le référendum... L'invité, Gaël Brustier, parlait de Gramsci. Il est l'auteur je crois d'un A demain Gramsci, au Cerf, que je vais peut-être m'offrir pour le lire à Nisyros en janvier.

Car à ma grande honte, je connais bien peu ce penseur sur lequel je lis, ces temps-ci, des choses bien stimulantes sous la plume de gens avec qui, sur Facebook, je me sens en symphonie intellectuelle (notamment de jeunes souverainistes de gauche), comme dans le passionnant livre de Christophe Barret que je viens de terminer Podemos, Pour une autre Europe - lui aussi paru au Cerf... chacun ses lacunes !!!

Ainsi Gaël Brustier concluait-il, en illustrant par l'exemple de l'Union européenne, la pensée de Gramsci selon laquelle, si j'ai bien compris, moins un pouvoir sait susciter d'adhésion et plus il a recours à la coercition...

dimanche 6 décembre 2015

Grève générale, une de plus ; retour sur référendum ; Glézos, toujours résistant

Le papier du jour de Panagiotis Grigoriou, sur son blog Greekcrisis, est particulièrement intéressant, à quatre titres.

Sur la schizophrénie de Syriza... "Comme lors de la précédente journée d’action datant de novembre dernier, SYRIZA (le parti) et SYRIZA (ses syndicalistes), a appelé à manifester contre la politique de... SYRIZA (le gouvernement). C’est une première, d’ailleurs plutôt perçue comme une parodie de plus, par pratiquement tout le monde en Grèce... Syrizistes compris."

Sur le tragique de l'impasse politique dans laquelle la Germano-Europe et la capitulation devant elle d'un Tsipras paralysé par la vénération du fétiche monétaire allemand ont plongé le pays. Avec cette réaction d'un anonyme au bulletin de satisfaction de l'Unité populaire après la énième grèce générale du 3 décembre : "Un... camarade alors visiblement excédé, a aussitôt... apposé suite à ce texte, le commentaire suivant: “Une fois de plus, vous écrivez ‘grand succès’ et ‘compte à rebours pour le gouvernement’ et ainsi de suite. Soyez enfin sérieux, en rabâchant tout cela les gens ne vous prennent plus au sérieux. Le vrai succès serait alors la grève illimitée jusqu'à faire annuler définitivement l’adoption des mesures d’austérité. Cessez de fonctionner comme une soupape de sécurité... créatrice d’illusions. Par ces journées d’action de 24 heures, c’est plutôt la notion de la grève qui est ainsi déconsidérée, aux yeux de la majorité des gens. Les longues luttes des métallurgistes comme celles des ouvriers de l’usine Coca-Cola, nous montrer le chemin. Arrêtez de caresser les oreilles des gens”. Où y a-t-il encore une alternative à TINA ?

Sur la signification réelle du référendum de juillet : "Les Grecs, n’oublieront jamais par exemple l'intensité de ce grand moment démocratique que fut le referendum de juillet 2015, et surtout, ils n’oublieront pas sa trahison. D’après mes sources (directes), quelques jours seulement avant la tenue de ce scrutin, un proche collaborateur d’Alexis Tsipras avait confié “off the record” à un journaliste d’une radio athénienne que “l'équipe gouvernementale s'attend à un résultat proche de 48% pour le NON, et de 52% pour le OUI, une telle issue, nous permettra alors d'agir en conséquence”, a-t-il même précisé"

Sur la lettre ouverte que l'infatigable résistant Manolis Glézos* vient d'adresser aux 300 députés grecs :"Brisez enfin l’assujettissement aux œillères des partis, et libérez vos propres consciences. Assis sur le parterre de l’ultime seuil de ma vie, je m’adresse donc à vous tous, pour ainsi crier haut et fort, vis-à-vis de chacun d’entre vous: Reprends-toi. Réveille-toi de l'opium que constitue la ligne du parti. Qu'as-tu promis au peuple pour qu’il vote en ta faveur, faisant de toi un représentant de la Nation ? Ne le ressens-tu pas?"

J'ajoute : ce blog est indispensable à notre information : Panagiotis traverse, comme beaucoup de Grecs, une phase extrêmement difficile, les "tuiles" se sont multipliées, ces derniers temps, pour lui et sa compagne. Pour qu'il puisse continuer à nous informer, faites un don (colonne de droite de son blog). Il m'a dit que mon dernier appel, ici, avait eu des retombées (les dons, leur seule ressource en ce moment, sont remontés à 725 € en novembre) : merci pour eux ! et si vous le pouvez, aidez-le à continuer à nous informer !

  • Pour mémoire, Manolis Glézos est né en 1922. Le 30 mai 1941, avec son compagnon Lakis Sandas, il décroche du mât de l'Acropole la croix gammée qui y flotte depuis le 27 avril. Résistant, arrêté et torturé par les Allemands puis par les Italiens, il devient directeur du quotidien communiste, Rizospastis, puis est condamné à mort, en 1948 et en 1949, par le régime autoritaire et monarchique installé par les Anglais puis soutenu à bout de bras par les Américains, le procureur lui reprocher d’avoir, par son geste de 1941, d'avoir augmenté « les difficultés du peuple grec ». Il est sauvé par une mobilisation internationale à laquelle se joint le général de Gaulle qui écrit au roi de Grèce pour demander sa grâce. Elu député de la Gauche unifié en 1951 alors qu'il est toujours emprisonné, il est libéré en 1954 après une grève de la faim, réemprisonné en 1958 sous accusation d'espionnage, libéré en 1962, arrêté le 21 avril 1967 par les Colonels qui s'emparent du pouvoir, emprisonné puis placé en résidence surveillée jusqu'en 1974. Député PASOK (socialiste) de 1981 à 1986, il rejoint le Synaspismos, ancêtre de Syriza, dont il conduit la liste nationale en 2000. Cofondateur de Syriza (coalition de partis jusqu'à l'unification de 2014 en parti unitaire), à la tête du mouvement "citoyens actifs", il est au premier rang de toutes les manifestations contre la politique euro-allemande à partir de 2009. Malmené et gazé par la police à plusieurs reprises, il doit être hospitalisé plusieurs jours en 2010. Infatigable résistant, à 92 ans, il oppose au discours "moral" de Merkel et consort sur la dette, le défaut allemand sur ses dettes à l'égard de la Grèce, grâce à l'astuce du chancelier Kohl lors du traité de réunification, sur l'indemnisation des victimes grecques de la terreur allemande entre 1941 et 1944, et le non remboursement de l’emprunt forcé contracté par la Banque de Grèce pour couvrir les frais d’occupation et l’approvisionnement de l’Afrikakorps. Elu député européen Syriza en mai 2014, il prend ses distances avec la ligne Tsipras dès les lendemains de l'accord intérimaire de février conclu par le gouvernement grec avec les créanciers, en prenant position contre cet accord et accusant le gouvernement d'oublier les engagements sur lesquels il a été élu en janvier. En juillet 2015, il démissionne du Parlement européen, s'étant engagé lors de son élection à laisser sa place après un an de mandat. Après la capitulation de Tsipras, il se rallie à l'Unité populaire.

vendredi 4 décembre 2015

Délitement à Athènes

On enregistre la démission du chef de brigade en charge de la coordination de la lutte contre la fraude fiscale. Dans sa lettre de démission au Premier ministre, ce haut fonctionnaire justifie sa décision par l'absence de moyens budgétaires en rapport avec la tâche qui lui a été confiée.

La lutte contre la fraude fiscale faisait partie aussi bien du programme de Syriza que de celui des Grecs indépendants... mais "Tout coule" comme disait Héraclite au VIe siècle avant notre ère.

J'ai dit et répété, ici et ailleurs, après la capitulation de Tsipras, qu'on ne réforme pas un pays avec le couteau de l'étranger sous la gorge, surtout quand ce couteau est justement destiné à égorger le peuple et protéger les privilèges des puissants. Car la politique euro-allemande n'a jamais visé la réforme, elle n'a jamais visé à faire payer les riches qui, historiquement, en Grèce, ont été largement préservés de l'impôt. Cette politique n'a jamais été destinée à rendre l'Etat plus efficace - condition d'une progression du consentement fiscal. On ne trouve normal de payer ses impôts que lorsque l'Etat vous rend des services à hauteur de votre contribution.

En Grèce, la progression du consentement fiscal passe par la professionnalisation des fonctionnaires, pas par leur licenciement ; il passe par de meilleurs traitements, afin que les fonctionnaires n'aient pas à occuper un 2e emploi pour vivre décemment, ce qui nuit à leur productivité/assiduité, ni à demander des enveloppes à l'administré pour lui rendre les services dus, un administré pour lequel l'enveloppe est donc un second impôt ; il passe par l'investissement, pour que les fonctionnaires puissent remplir normalement leurs fonctions (lorsque, Nisyriote, vous allez à Kos pour contester une facture d'électricité et que vous attendez plusieurs heures parce que les ordinateurs ne fonctionnent pas en raison... d'une coupure d'électricité, votre consentement à l'impôt n'en sort pas renforcé...) ; il passe par la justice fiscale : que les riches et très riches, que la politique germano-européenne a encore enrichis depuis cinq ans, contribuent enfin à proportion de leurs capacités.

Mais de cela ni Merkel/Schäuble, ni Barroso/Druncker, ni Trichet/Draghi, ni Sarkozy/Hollande ne se sont jamais souciés. Au contraire, la politique germano-européenne n'a jamais visé qu'à dépecer l'Etat, à démanteler l'Etat social, privatiser la propriété commune au plus grand profit des intérêts privés (allemands au premier chef bien sûr, mais les grandes familles grecques qui sont à l'abri de l'impôt, championnes du capitalisme compradore, intermédiaires entre la Grèce et l'étranger dominant, en tirent aussi un très important bénéfice), à couper dans les dépenses publiques, à diminuer les traitements des fonctionnaires, à préserver les privilèges fiscaux, donc à détériorer, encore et à la fois, les services rendus aux citoyens et leur consentement fiscal.

Et que Tsipras/Syriza ait endossé tout cela, prétendument au nom du moindre mal et en réalité par vénération pour un fétiche monétaire allemand, est une tragédie démocratique.

La démission du responsable de la lutte contre la fraude fiscale, et les attendus de cette démission, en disent long sur cette tragédie - et sur la responsabilité écrasante de Tsipras/Syriza qui a renoncé à rien changer au système qui a ruiné la Grèce en acceptant le Diktat germano-européen.

Il y a quelques jours, j'ai signalé ici la démission de son mandat de député de Gavriil Sakellaridis, ex-membre de la garde rapprochée de Tsipras. Il faut signaler aussi la récente déclaration de Stathis Panagoulis, lui aussi élu Syriza en septembre, qui a donc échappé à la purge des listes par les Tsipriotes des éléments alors suspects de ne pas être les godillots de la politique mémorandaire version gauche radicale. Stathis est le frère d’Alexandros Panagoulis (auteur d'un attentat contre le colonel Papadopoulos, torturé, emprisonné dans des conditions inhumaines, assassiné après le retour à la démocratie : il faut lire Un Homme d'Oriana Fallaci qui fut sa compagne). Il a refusé de voter les mesures facilitant la saisie de la résidence principale des ménages surendettés, le 13 novembre dernier, et siège, depuis son exclusion, comme indépendant (l'autre dissident est Nikos Nikolopoulos, ancien député et ministre de la Nouvelle Démocratie, exclu pour son opposition au mémorandum Samaras, élu en septembre sur les listes des Grecs indépendants qui l'ont exclu à leur tour après ce vote). Il vient de déclarer qu'il voterait contre un projet de budget qui ne contient aucune mesure sociale, ne fait que répondre aux exigences absurdes des créanciers et mène le peuple grec à la "pauvreté absolue".

Peau de chagrin, la majorité de Tsipras se fait plus étriquée à chaque vote ; quant à l'opposition, elle aussi en pleine décomposition (le vote pour la présidence de la ND a été un retentissant fiasco et n'a pu se tenir en raison de défaillances techniques massives), elle a refusé (pour l'instant ?), lors de la récente réunion convoquée par le président de la République, à la demande de Tsipras, de servir de roue de secours au gouvernement.

Le délitement de la démocratie hellénique, sous l'effet de l'euro et des politiques germano-européennes, dont Tsipras et Syriza ont accepté de se faire les agents d'exécution (plus ou moins rétifs afin de mimer une résistance qui, de toute façon, n'obtient que des concessions symboliques), se poursuit donc lentement. Comme je l'ai écrit dès les lendemains du scrutin de septembre, la victoire ne fut qu'une victoire à la Pyrrhus, par défaut, sans perspectives ni lendemains.

Et pendant ce temps-là, l'Europe choisit de fermer les yeux sur les crimes d'Erdogan, sur son soutien à Daech, sur sa manipulation du mouvement migratoire. Elle choisit de fermer les yeux et de céder à son chantage en payant trois milliards, dont pas un centime n'ira bien sûr aux réfugiés et dont la totalité enrichira le système mafieux de l'AKP et le clan qui le dirige. L'Europe paye Erdogan qui, son chantage payant, n'a aucune raison d'y mettre un terme. Tout au contraire. Et elle menace d'exclure la Grèce de l'espace Schengen : d'abord je vous étrangle, je vous écorche, je vous étouffe, ensuite je file du fric à celui qui organise une vague migratoire qui vous submerge, et enfin je vous accuse de ne pas faire le boulot que je vous ai enlevé tout moyen de faire... La logique est imparable !

Pendant ce temps-là aussi, l'OTAN se déclare prête à intégrer le Monténégro... c'est-à-dire un Etat lui aussi totalement mafieux. Rappelons en effet que le Monténégro est dirigé depuis 1991 par un clan dont les parrains sont le Premier ministre Djukanovic et le président de la République Vukanovic, qui n'ont cessé depuis d'alterner à ces postes. Ce clan a mis le pays en coupe réglée, donné asile à des gros bonnets de la Mafia sicilienne, de la Camora et de la Dranghetta. Accusé par le parquet de Naples d'être un rouage essentiel du trafic de cigarettes (entre autres !) vers l'Italie, des millions de cigarettes de contrebande transitant par le Monténégro, Djukanovic a fait l'objet, en 2004, en Italie, d'un mandat d'arrêt pour crime mafieux et destructions de preuves... Il a en outre supprimé toute réelle liberté de la presse dans son pays.

Rappelons aussi que cette région (Kosovo, Albanie, Bosnie, ARYM, Monténégro) a été "réorganisée" aussi brillamment que le Proche-Orient par les Etats-Unis (ici très efficacement secondés par l'Allemagne : les services spéciaux teutons ont notamment couvé, armé, formé, protégé les terroristes de l'UCK kosovare, Mme Merkel n'ayant pas rechigné à serrer la main de Thaçi, fortement soupçonné d'être l'organisateur d'un trafic d'organes d'êtres humains prélevés sur des prisonniers serbes sans anesthésie...), et qu'elle est aujourd'hui un foyer de radicalisation islamiste (la Turquie, l'Arabie, le Qatar, comme ailleurs, sponsorisent l'intégrisme dans des populations musulmanes de Bosnie, du Kosovo, d'ARYM, d'Albanie, de Bulgarie à l'Islam autrefois très souple et "arrangeant"), et un inépuisable réservoir d'armes pour les terroristes islamistes qui circulent, grâce à Schengen, aussi facilement que, grâce à l'UE et au Luxembourg de Druncker, les riches et les grandes entreprises peuvent échapper à l'impôt par l'optimisation/évasion fiscale.

Dans ce panorama bien sombre, reste l'espoir d'un prochain écroulement sur soi de cet édifice européen qui tue nos économies, notre Etat social, notre démocratie, nos nations - qui prive d'espoir, par ses politiques criminelles, par sa déification du Marché, de la Concurrence, de la Monnaie, les jeunes qu'elle jette dans des idéologies démentes et barbares. Car les peuples ne cessent plus de dire Non aux politiques criminelles de cette Europe : Non des Grecs trahi par Tsipras, Non des Finlandais dont le Parlement débattra bientôt de la sortie de l'euro, Non des Polonais, Non des Portugais engagés depuis peu dans une expérience de type Syriza (un gouvernement qui se dit de gauche et veut rompre avec l'austérité consubstantielle à l'euro tout en restant dans l'euro... mais soutenu par un PC et un Bloc de gauche qui ont tiré les leçons de l'échec de Syriza et disent nettement que l'euro n'est plus compatible avec la démocratie), peut-être un Non, demain, des Britanniques, le Non, hier, des Danois.

Combien de temps encore l'Europe et ses "élites" faillies, hors-sol, pourront-elles ignorer ce que disent les peuples, s'asseoir sur leurs votes et continuer comme avant ? En France, cette folie va sans doute aboutir dimanche à un nouveau séisme. Car on ne combat pas le Front national avec des injonctions morales ; on le combat en rompant radicalement avec les politiques germano-européennes qui, depuis 30 ans, n'ont cessé tout à la fois d'échouer et de le nourrir.