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mardi 31 mars 2009

En terre de... mission

Je ne sais pas pourquoi, mais il y a peu de salons du livre dans l'Ouest de la France. Saint-Louis et Colmar en Alsace, Nancy et Metz en Lorraine, Besançon en Franche-Comté, Saint-Étienne et le Quai du polar lyonnais en Rhône-Alpes, Nice, Toulon, La Gaude, Mouans-Sartoux et bien d'autres en PACA, Montpellier en Languedoc, Limoges et bien sûr Brive en Limousin, comptent tous parmi les plus importants du "circuit".

À l'Ouest, en revanche, en dehors de Saint-Malo dédié aux livres de voyage, de quelques petits salons bretons à l'audience locale, comme aussi ceux de Caen ou Saumur, on ne compte guère que Bordeaux, qui a connu bien des vicissitudes et des éclipses, et surtout La vingt-cinquième heure du livre du Mans, seul véritable grand salon généraliste de la moitié occidentale de notre beau pays. Aucune des villes importantes, Le Havre ou Rouen, Tours, Angers, Rennes ou Nantes, Poitiers ou Bayonne, n'a jugé utile d'encourager la lecture par ce genre de manifestations qui permettent pourtant aux lecteurs de découvrir des auteurs qui n'ont pas d'accès au jeu pipeauté des médias, et aux auteurs de rencontrer des libraires et les lecteurs dont les dysfonctionnements de la critique française leur interdisent l'accès.

Mais il y a Le Printemps du livre de Montaigu... la digue, la digue. C'est la raison pour laquelle, après en avoir entendu parler par des "collègues", j'avais souhaité être présent à ce salon. Un salon qui m'a invité le ouiquende dernier. Eric, un lecteur devenu un ami, avait saisi l'occasion pour suggérer au Mot Passant, librairie choletaise, de m'organiser une signature vendredi. Ce qui fut fait : merci à Eric et merci au Mot Passant.

Et puis samedi matin, nous prîmes la route pour rejoindre Montaigu. J'étais déjà passé par la Vendée. Passé. La première chose qui frappe, surtout un mécréant comme moi, surtout le lendemain des déclarations abracadabrantesques de l'évêque d'Orléans - encore un sérieux celui-là ! - sur la structure du latex et la taille des spermatozoïdes - c'est que c'est pas la moitié d'un con, monseigneur, il en connaît un bout là-dessus -, c'est la densité des calvaires, la taille des églises et le nombre des écoles Jeanne d'Arc.

On sent tout de suite qu'on n'est pas ailleurs, qu'il y a comme un micro-climat, une ambiance.

Ensuite, on réalise. En faisant le tour des stands, et en se rendant compte que les livres sur les papes et les saints, les rois et les prétendants, sans parler des Chouans dans tous leurs états, sont dans un nombre tel que, je le... confesse, je ne l'avais pas même imaginé. Et puis on se dit que c'est le poids du local. Alors on part en chasse des livres sur celui qui, pour moi, est le plus grand des Vendéens. Clemenceau. En vain. Parce qu'il proclamait que la Révolution est un bloc, avant de bouffer un curé de plus ? En tout cas on est pris par une envie difficilement réprimable de crier : Vive Clemenceau, nom de Dieu ! et à bas la calotte !

Personnellement, en ce qui me concerne, pour vous donner un exemple, j'étais entre, à ma... gauche : un chouan à coeurs et croix au revers du veston et un éminent vaticanologue, biographe de Benoît et Jean-Paul, à ma droite (normal, donc) la nièce de soeur Emmanuelle et Patrice de Plunkett, ex-royaliste mao-maurassien, ex-figure de la Nouvelle Droite, ex-pilier du Fig Mag et converti à un catholicisme militant en 1985. De quoi, pour le pédé agnostique que je suis, antimonothéiste et anticlérical, défenseur du latex et du droit à l'avortement, libertin et hédoniste, de se sentir, vraiment, en terre de... mission ! Jouissez sans entrave, nom de Dieu ! et à bas la calotte !

Puis en s'asseyant au resto à midi, on a la surprise de découvrir, trônant dans l'angle de la salle... une statue en bois de la Vierge d'une bon mètre vingt ou cinquante. Et on se demande soudain si, par hasard, on ne va pas vous demander, avant de prendre votre commande, de réciter le bénédicité. Si, par hasard, ça ne serait pas obligatoire. Une ambiance, on vous dit, un micro-climat. Pas tout-à-fait comme nous, quoi, mais bon, moi je les respecte les différences ; je ne me casse pas la tête pour savoir si la structure moléculaire de la vraie Croix ou de la Couronne d'épines est plus ou moins serrée que celle du latex. Vive la laïcité des restaurants, nom de Dieu ! et à bas la calotte !

Au demeurant, ce salon est très sympathique et parfaitement organisé. Il attire un monde fou (voir plus haut) venant de bien au-delà de la Vendée, et il faut rendre hommage à cette municipalité, à ce département, d'avoir su enraciner cette manifestation en faveur du livre, à cet endroit - par ailleurs charmant - et dans la durée - c'était la 21e édition. En plus, j'avais été programmé par Philippe Vallet dans un café littéraire. Autant dire que je suis plutôt content de ce voyage vendéen et d'autant plus que nous autres, les 250 auteurs, avons été accueillis comme des... rois. Oui, je sais, c'est facile. Mais pour le gourmand que je suis, le dîner du samedi soir au restaurant du Logis de la Chabotterie restera, je crois, un souvenir tenace. Le Logis de la Chabotterie est une demeure noble que nous avons pu visiter, de nuit, avant de réjouir nos papilles. Un Logis "habité" : les pièces ont été meublées, on a l'impression que les occupants viennent juste de s'en absenter. Une vraie réussite muséographique. Et puis on voit la table où M. de Charette a été étendu, après avoir été tiré par les Bleus dans la forêt voisine : écharpe blanche et pistolet de commandement du héros.

Une ambiance, on vous dit ; un micro-climat. Qui s'est encore précisée quand le représentant du président du Conseil général nous a gratifiés de son allocation de bienvenue dans ce lieu symbolique, et qu'on pourrait résumer par... salauds de Bleus ! Que la Chouannerie ait apporté au-dedans une aide qui aurait pu être déterminante à la coalition de toutes les monarchies européennes contre la France qui venait de substituer la souveraineté nationale au droit divin, de transformer des sujets en citoyens, il ne fut en revanche rien dit. Vive la Nation, nom de Dieu ! et à bas la calotte !

Reste que nos papilles furent effectivement réjouies et comblées par la subtilité des saveurs dont nous a gratifiées le chef étoilé Thierry Drapeau... blanc ou tricolore ? Oui, je sais, c'est facile. Blanc, malgré tout. Reste aussi une dernière notation, pour la bonne bouche. Étant arrivé une petite heure avant l'inauguration du salon, et me trouvant à une très bonne place, près de son entrée, alors que les auteurs venant de Paris le samedi matin, le conseiller général du canton de Montaigu et président du Conseil général de la Vendée, Philippe Le Jolis de Villiers de Saintignon, arriva tout sourire, au pas de charge, avisa le premier pékin assis derrière ses piles, môa, et fonça dessus pour lui serrer la louche. Je crains qu'aucune photographie, hélas, n'ait immortalisé ce moment inoubliable.

Pauvre Philippe, s'il avait su !... la louche sodomitique d'un antipapiste, hérétique et relaps (bien qu'anti-européen et fermement opposé à l'admission de la Turquie dans l'UE, tout de même) ; il aurait dû plutôt demander à l'exorciste du canton de s'occuper de mon cas ! Allez, vicomte, vive la République, nom de Dieu ! et à bas la calotte !

dimanche 22 mars 2009

Appelez le 110, bien sûr, donnez...

... et dites merde au pape en prime ! Selon le dernier sondage 23 % des Français, 29 % de catholiques et 52 % des pratiquants ont encore une bonne opinion du pape... ce que je trouve franchement inquiétant pour leur santé mentale !

dimanche 8 mars 2009

Le Château du silence...

Le Château du silence est mon meilleur livre, j'en reste persuadé et je ne suis pas le seul de cet avis ; il est aussi mon plus grand échec en terme de ventes. Il n'a pas eu de chance : il est sorti en septembre 2003, trois mois avant le dépôt de bilan du diffuseur d'H&O, lequel diffuseur n'a trouvé de repreneur et n'est reparti sur de nouvelles bases qu'à l'été suivant (le diffuseur, c'est ce maillon essentiel de la chaîne du livre, dont les lecteurs ignorent souvent l'existence, mais qui est capital puisque c'est lui qui assure la mise en librairie des livres et... empoche la plus grande partie du prix que paye le lecteur à son libraire). Il n'a doublement pas eu de chance : des attachées de presses particulièrement incompétentes ont été incapables de le défendre.

Il n'était sans doute pas non plus dans l'air du temps. Qui, en France, s'intéresse à Chypre et aux disparus de 1974 ? En 2003, personne. C'est vrai que c'est beaucoup moins passionnant que l'usage que fait de ses trous Mme Angot, les galipettes de Mme Despentes, le nombril de MM Beigdeder ou Zeller, les états d'âme d'un maoïste devenu fan du pape, les affres d'une ex-truie devant la maternité, le dernier produit marketing de la fille naturelle ou du conseiller polygraphe, et condamné pour plagiat, d'un président défunt...

Mais l'été dernier L'Express, puis hier, ''Le Monde'', semblent soudain découvrir le problème : il n'est jamais trop tard pour bien faire !!!

Lorsque je l'ai découverte, moi, cette question des disparus, à l'été 1987, à l'occasion de vacances à Chypre avec mon homme, j'en ai été complètement bouleversé. J'étais en train d'écrire alors mon premier roman, mais j'ai su tout de suite que, si jamais j'arrivais au bout, si jamais je continuais à écrire, ce serait aussi pour faire sortir ces disparus-là d'une deuxième mort, celle du silence dont on les a enveloppés, parce que la Turquie est l'alliée privilégiée des Américains et que, comme Israël, elle a donc tous les droits. A commencer par celui de massacrer qui bon lui chante et quand bon lui chante, à commencer par celui de violer impunément le droit international, depuis 1967 pour Israël et 1974 pour la Turquie à Chypre.

Il m'a fallu longtemps, onze ans, pour trouver le moyen romanesque de parler de cette question. Et puis un jour, pendant les deux ans que j'ai passés à Nisyros, dans l'été 1998, alors que j'étais allé me balader avec Chantal, une amie très chère, à Rhodes, sur le bateau du retour, le Nisos Kalymnos qui a depuis pris sa retraite, tout s'est mis en place.

J'ai écrit Le Château du silence comme je n'ai écrit aucun autre de mes livres. Avec un sentiment d'urgence et de nécessité absolus. Plus vite qu'aucun autre de mes livres, en quelques semaines, et en arrivant presque du premier coup à ce que je voulais. En me couchant avec et en me levant avec, en étant occupé que de lui. Il s'est passé des choses étranges durant l'écriture de ce livre et, souvent, j'ai eu l'impression de n'être pas seul à l'écrire, même si, au final, je n'ai pas disjoncté comme mon narrateur. J'avais besoin de rendre la parole à qui on l'avait enlevée, à qui avait été martyrisé, à qui était peut-être encore martyrisé à l'heure où j'écrivais ce livre. Car des sources convergentes ont indiqué, jusque dans les années 1990, que la Turquie détenait encore, vivants (vous avez vu Midnight Expres et Yol ?) certains de ces disparus ravis à la vie en 1974.

J'ai donc été content de lire, hier, cet article du Monde, racontant comment on est en train de faire progresser la paix sur cette île si douée pour le bonheur, que les Anglais d'abord, puis les Américains, tantôt aidés de leurs séides fascistes grecs, tantôt appuyés sur leurs séides turcs, ont balafré, marqué au fer rouge, ravagé, en dressant l'une contre l'autre, puis en séparant, enfermant dans une logique de purification ethnique des communautés grecque et turque qui vivaient en parfaite harmonie.

Il faut lire Citrons acides de Lawrence Durrell.

Voilà donc, après que les Chypriotes turcs ont enfin chassé cette ordure de Denktash en 2005, qu'on est en train de refermer doucement les plaies. Même si c'est au prix de quelques mensonges, car les disparus turcs de 1964, ceux d'une guerre civile larvée provoquée par la volonté de puissance de Denktash qui bloqua le fonctionnement d'institutions impraticables concoctées par les Anglais afin de rester arbitres, puis par refus brutal de Makarios de rester otage de cette situation, ces disparus-là n'ont rien à voir avec les disparus grecs de 1974, victimes de l'impérialisme turc auquel donnèrent libre cours les imbécillités de la junte grecque d'alors, poussée par les Etats-Unis pour de fumeuses raisons stratégiques : Makarios un Castro de la Méditerranée, il fallait vraiment être un Talleyrand aux aussi petits pieds que M. Kissinger pour y croire !

Sans doute faut-il en passer par cet amalgame pour ne pas désigner la Turquie comme seule responsable des crimes qu'elle a commis. reste la question centrale : il n'y aura pas de véritable paix à Chypre, comme il n'y aura pas de véritable paix en Palestine, tant que les puissances occupantes n'auront pas rapatrié les colons qu'ils ont illégalement implantés dans des territoires qu'ils occupent illégalement.

Pour mémoire :

Le recensement de 1960 donnait une population de 573.566 habitants dont 81,7 % appartenant à la communauté grecque (77 % d’orthodoxes, 4,7 % de maronites et arméniens) et 18,3 % à la communauté turque (dont une partie est d’ailleurs alors hellénophone).

Depuis 1974, ces 18,7 % de la population chypriote turque ont été regroupés sur les 38 % du territoire de la République de Chypre, devenue entre-temps membre de l'Union européenne, qu'occupe la Turquie, reconnue candidate par l'Union européenne - ce qui est tout de même un comble d'absurdité d'européenne !!! Les Turcs ont procédé au Nord à une "purification ethnique" presque totale de la population grecque qui, là comme ailleurs était massivement majoritaire, car la population turcophone était disséminée sur l'ensemble du territoire de l'île. Ils y ont proclamé un Etat fantoche du nord de Chypre qu'ils sont seuls à reconnaître.

Le rapport entre populations grecque et turque a sensiblement varié depuis 1974 : la population chypriote turque a en effet été touchée par un fort mouvement d’émigration depuis 1974, essentiellement dû à l'incurie et à la corruption des gouvernements Denktash (1974-2005), alors que le sud de l'île, grec, passait du sous-développement à une remarquable prospérité. La communauté chypriote turque ne représente plus aujourd’hui que 11,7 % de la population légale de l’île, par rapport aux 88,3 % de Grecs (85,1 % d’orthodoxes et 3,2% de maronites et arméniens).

Ces chiffres ne tiennent pas compte des 115.000 colons anatoliens que la Turquie a illégalement installés depuis son invasion du Nord de l’île en 1974 afin d’infléchir le rapport démographique global : ceux-ci sont désormais plus nombreux dans la zone occupée que les 88.000 Chypriotes turcs. Ils excluent également les 35.000 soldats turcs des forces d'occupation qui font du Nord de Chypre, selon le rapport du secrétaire général de l’ONU (5/1995/1020 du 10/12/1995) « une des zones les plus militarisées dans le monde ».