Voilà déjà bien des années que je m'interroge (euphémisme) sur la frénésie - en Grèce, dans les "grands sites" qui drainent la masse des touristes - d'anastylose (reconstruction présumée à l'identique) à tout prix avec des matériaux dont la couleur, la patine, l'usure, sont évidemment très différentes des morceaux d'origine qui apparaissent désormais, de plus en plus souvent, noyés dans les morceaux "restitués".

Retournant une fois de plus l'an passé à Lindos, j'ai été attristé (euphémisme) par ces anastyloses que je considère abusives. Et j'ai été ravi de trouver, à Dion - site très important mais peu fréquenté -, des vestiges en l'état, dans une nature superbe, laissant toute place à l'imagination et à la flânerie.

J'ai en réalité bien peur que cette frénésie ne soit l'expression d'une volonté de transformer les sites archéologiques en disneylands archéologiques, le visiteur - comme le lecteur, le téléspectateur, etc. - étant considéré a priori faible d'esprit et donc incapable, en l'occurrence, d'imaginer ce qu'il ne voit pas, ce qu'on ne lui met pas sous le nez avec des pierres neuves... alors que ces anastyloses sont de toute façon menteuses puisque, si l'on veut restituer, il faudrait aussi peindre de couleurs vives ce que l'on restitue.

Sans compter que c'est un gaspillage d'argent qui pourrait être consacré aux fouilles nouvelles, à la muséographie vieillotte de certains musées... D'autant qu'à l'heure des restitutions en 3D, on pourrait imaginer de laisser les sites en l'état et de présenter, à côté, dans les musées attenants aux sites, des restitutions complètes... en en couleur !

A mes yeux, les travaux de l'Acropole qui ont lieu depuis des années et témoignent de cette frénésie, sont une catastrophe. Mais avec ces chemins de béton on atteint le comble de l'absurde lorsqu'on constate que, pour faire marcher plus de touristes sur ce lieu qui, de son histoire, n'a jamais connu d'inondation, on aboutit à ce résultat.

Le tourisme de masse, par ce qu'il suppose et engendre, est une catastrophe. Je ne veux pas me ranger du côté de ce vieux réac de Morand dont le Venises est aussi un pamphlet contre ce tourisme-là - dont il n'a connu que les prodromes !

Issu d'une famille modeste, de parents qui n'avaient pas eu la chance de faire des études (papa le certif, maman avait le brevet) mais qui étaient de grands curieux, forgé par les voyages qu'ils nous ont fait faire en Italie quand nous étions gamins, Brigitte et moi, par les visites de musées, de Pompéi et d'Herculanum, des tombes étrusques ou des temples de Paestum, je ne veux pas dire que l'accès de ces lieux devrait être réservé à une élite, de l'argent ou du savoir. Mais je pense qu'il conviendrait de commencer à réfléchir sérieusement à ce que le patrimoine de l'humanité ne soit pas vu SEULEMENT comme une machine à cash.

Sinon, à l'heure où Erdogan déclarait que l'Azerbaïdjan et la Turquie n'avaient pas fini de régler leur compte aux Arméniens, à l'heure où l'on sait qu'en plus des djihaddistes transformés en supplétifs de l'armée turque, Turcs et Azéris ont employé au Karabagh des armements prohibés - bombes au phosphore et bombes à sous-munitions -, que les prisonniers arméniens sont maltraités et torturés, où les provocations turques contre la Grèce et Chypre continuent... le Conseil européen vient une fois de plus de renvoyer les sanctions contre l'islamo-impérialisme turc aux... calendes grecques. Celles, individuelles, qui sont annoncées "pour les prochaines semaines" sont une pitrerie et une imposture européennes de plus.

Pas question pour la Führerin du Reich de remettre en cause ses 2,5 milliards d'excédents commerciaux ou de mécontenter ses électeurs turcs ! Pas question pour l'Espagne et l'Italie, principaux fournisseurs d'armes à l'islamo-impérialisme turc avec les Etats-Unis, de se priver de ce marcher... et peu importe que les armes qu'ils vendent soient dirigées contre deux Etats de l'Union ! Pas question pour l'Espagne d'exposer ses banques gavées de dette turque (juste un peu plus que les banques italiennes) et qui se trouveraient en fâcheuse posture si la Turquie faisait défaut... pas question pour le tyran Orban de remettre en cause ses excellentes relations avec le tyran Erdogan, ni de trahir la fidélité à l'organisation pantouraniste dans laquelle la Hongrie est observateur ! Pas question pour le petit Etat pirate maltais de renoncer au pourboire des Turcs riches qui y achètent à prix d'or des passeports européens de complaisance !

Tous ceux-là ont oublié que si l'on n'arrête pas un impérialiste, on l'encourage : l'Anschluss après la remilitarisation de la Rhénanie, les Sudètes après l'Anschluss, la Tchécoslovaquie après les Sudètes, Dantzig après la Tchécoslovaquie. Et après ?

Quant à ceux qui ne comprennent pas, désormais, ce qu'est l'UE, ça ne peut être que parce qu'ils ne veulent pas comprendre.