Cet article immonde, paru hier soir, sur le site d'un torche-cul de la presse française assimilait la défense de l'Arménie et l'extrême droite.

Evidemment, ça m'a fait grimper aux rideaux... Je ne dois pas être le seul, car il semble que le torche-cul ait retiré ce matin cet immondice de son site.

Mais vous n'échapperez pas pour autant à ce que j'ai à en dire !

J'expliquais hier, en introduction à mon exposé (par vidéo conférence) dans un séminaire de l'Université de Saint-Etienne, dans lequel Jérôme Maucourant (qu'il en soit remercié) m'a demandé de présenter à ses étudiants les données du conflit gréco-turc, qu'on ne peut comprendre les réactions du peuple grec aux provocations turques, à ses violations constantes des souverainetés grecque et chypriote, à ses discours impérialistes, si l'on n'a pas en tête le temps long : 3 à 4 siècles d'une domination ottomane dans laquelle les populations chrétiennes sont discriminées dans tous les compartiments de leur vie quotidienne, payent des impôts discriminatoires, sont sans cesse soumises à l'arbitraire d'un pouvoir musulman, menacées de mort; une guerre d'indépendance aux aspects génocidaires (Chios, Kasos, Psara) qui fait 200000 morts alors que la Grèce naît dans des frontières déterminées par le Royaume-Uni, la Russie et la France, qui lui attribuent un territoire peuplé de 800000 âmes, alors que 2,3 millions de Grecs restent sujets du sultan ; la liquidation de l'hellénisme bimillénaire d'Anatolie et de Thrace orientale entre 1914 et 1923, par la persécution, le massacre, le génocide pour les Grecs de la Mer noire (Pontiques), l'expulsion et la spoliation dissimulées sous le cache-sexe d'un échange obligatoire des minorités entre Grèce et Turquie, férocement inégal au détriment des Grecs, la quasi-liquidation de la communauté grecque d'Istanbul/Constantinople, pourtant garantie par le traité de Lausanne, entre le pogrom anti-grec (et anti-arménien et anti-juif) de 1955 et les intimidations et les violences de la décennie 1960.

De même, n'en déplaise à la racaille qui écrit dans Libé et qui ne mérite en aucun cas le beau nom de journaliste, ce n'est pas être d'extrême droite que de rappeler que le peuple arménien a subi de la part des Turcs (employant nombre de Kurdes aux basses oeuvres) et de leurs "frères azéris" les pires violences criminelles qu'on puisse imaginer - avant, mais aussi après le génocide de 1915 -, un génocide qui fait toujours l'objet d'un négationnisme officiel, lequel ne gêne pas plus les srcibouillards de Libé que les centaines de journalistes - des vrais, ceux-là - emprisonnés par le gentil Erdogan dont l'UE à direction allemande continue de financer largement le régime avec vos impôts. Les mêmes qui servent à faire survivre des torchons sans lecteurs, ou à entretenir d'autres prétendus journalistes invitant des prétendus sociologues prétendant interdire tout débat sur des idées qu'ils décrètent justes.

Alors oui ! les Arméniens - dont les membres de la communauté résiduelle de Turquie risquent chaque jour de se faire égorger au coin d'une rue par des sicaires protégés par le gentils régime islamiste du gentil Erdogan financé par la gentille UE conduite par la gentille Allemagne - ne veulent pas vivre, aujourd'hui, sous un pouvoir turc ou azéri dont la seule légitimité à gouverner cette région remonte au don qu'en a fait Staline à la République soviétique azérie, ils ont quelques raisons.

Comme en ex-Yougoslavie, la transformation de frontières internes à une fédération disparue, frontières sans réalités autres qu'administratives, en frontières internationales mettant des populations sous la souveraineté d'un Etat auquel elles ne veulent pas appartenir, est un problème épineux que la communauté internationale aurait dû traiter sérieusement depuis très longtemps.

Ainsi, après la première guerre mondiale, la SDN organisa-t-elle, avec succès, une dizaine de plébiscites dans les territoires où se posait cette question suite à la dissolution heureuse des empires austro-hongrois et russe - heureuse, car, contrairement au révisionnisme en vogue pour cause d'UE, tout empire est fondé sur la contrainte et non sur cette tarte à la crème aussi imbécile dans le monde d'hier que dans celui d'aujourd'hui du "vivre ensemble".

Est-ce être d'extrême droite que de dire cela ? Si ça l'est, alors je le suis et je suis même fier de l'être !

Or donc, les Arméniens du Karabagh ont le droit à l'autodétermination, comme on l'a reconnu aux Soudanais du sud et comme d'autres à travers le monde - les Berbères, les Serbes de Bosnie et des Krajiinas (pourquoi les Kosovars albanophones et pas eux ?), les habitants de Crimée, les Kurdes, les...

Pour finir, je vais - excusez-moi - me citer (La Grèce et les Balkans) - et citer un de nos plus grands diplomates et un de nos plus grands philologues historiens.... Et puis après, on reparle d'une vraie extrême droite, celle qui s'incarne aujourd'hui comme hier dans le panislamisme et le panturquisme!

"Depuis 1891, l’ambassadeur de France à Constantinople, Paul Cambon, ne cesse de mettre en garde le Quai d’Orsay sur les réalités et les conséquences de la politique du sultan. Mais le ministre des Affaires étrangères, Gabriel Hanotaux (1894-1895 et 1896-1898), est un grand admirateur d’Abdül-Hamid. Le 10 octobre 1895, c’est pour sa mère que Cambon analyse la situation :

« Avant-hier à Trébizonde, ville de 50 000 âmes, la population musulmane s’est ruée sur le quartier arménien. Le massacre et le pillage ont duré de 10 heures du matin jusqu’au soir en présence d’une garnison insuffisante et complice. On n’a pu sauvegarder que les consulats et les établissements catholiques. (…) Le jour où la crainte de l’Europe ne retiendrait plus le Turc, la population chrétienne risquerait d’être réduite à l’esclavage. C’est ce que ne soupçonnent pas les utopistes qui croient à la régénération de la Turquie, les touristes qui sont bien reçus par le Sultan et les gogos de Paris ou des capitales européennes qui fraient dans les cercles avec d’aimables secrétaires d’ambassade ottomans habillés à la dernière mode et abonnés de l’Opéra. Lundi dans la journée ces jolis messieurs du ministère des Affaires étrangères ont écrasé eux-mêmes à coups de talon un Arménien expirant qui, après la manifestation, avait été jeté dans la cour du ministère. Imagines-tu nos jeunes gens du Quai d’Orsay piétinant par plaisir un blessé après une émeute ? » iPaul Cambon, Correspondance (1870-1924), t. I, Paris, 1940, p. 394 sq.

"Au demeurant, Cambon n’est pas le seul à considérer que les tandzimat et « leurs prétendues institutions européennes ne sont qu’apparence ». Même les conservateurs britanniques en viennent à douter que le sultan ait jamais eu la moindre intention d’appliquer en Arménie les réformes promises en échange de l’alliance défensive de 1878. En France, Clemenceau, Jaurès, Bernard Lazare, mais aussi le catholique Albert de Mun et l’ex-boulangiste antidreyfusard Henri Rochefort, le romancier Anatole France ou l’historien Ernest Lavisse s’indignent et accusent le gouvernement d’être complice, par sa passivité, des atrocités commises. L’helléniste Victor Bérard (La Politique du sultan, Paris, 1897) met en cause la presse, dont dix-sept titres émargeraient à l’ambassade ottomane, tandis que, pour Cambon, l’indulgence des journaux et de l’opinion à l’égard de ces « horreurs arméniennes » est à mettre au… crédit de l’importance des intérêts financiers français dans l’Empire :

« On continue à tuer, à brûler et à piller et les journaux français ne cessent de s’apitoyer sur les pauvres Turcs. Ce régime ne manquera pas cependant de porter une certaine atteinte au crédit de l’Empire et lorsque les petits rentiers français verront leurs coupons de rente ottomane menacés, nous verrons sans doute la philanthropie germer dans leur cœur. »"

J'ajouterais encore - in cauda venenum - que je ne sais pas ce qu'il en est aujourd'hui, mais dans les années 1990, il n'était pas très difficile, lorsqu'on était journaliste français, de se faire inviter tous frais payés, dans de luxueux hôtels avec vue sur le Bosphore.

La corruption de la presse peut prendre de multiples formes. Aller retirer des enveloppes dans les ambassades, c'est un peu vieillot.

Sinon, les gouvernements grec et chypriote ont finalement accepté un texte prévoyant des sanctions immédiates contre la Biélorussie qui ne menace personne, et ouvrant seulement la voie à une possibilité de sanctions contre la Turquie qui agresse deux membres de l'UE , en plus de la Syrie, de la LIbye et surtout, depuis qq jours, de l'Arménie... si la Turquie poursuit ses violations des ZEE grecque et chypriote.

Ils se sont ainsi privés de leur unique moyen de pression: c'est une faute grave.

Évidemment les pressions et les menaces ont dû être considérables de la part de l'alliée allemande indéfectible du sultan, et des Etats mercantiles qui se foutent des intérêts vitaux d'autres membres de l'UE, pourvu qu'ils puissent continuer à fourguer leur camelote aux Turcs.

Cela ne justifie en rien cette concession.

Quant à la France, qui a stoppé l'escalade il y a qq semaine par sa fermeté (que j'ai vigoureusement approuvée), elle a montré son absence de fiabilité en ne soutenant pas totalement la position gréco-chypriote.

Tout cela est évidemment très inquiétant !