A la taverne du village, il y a un appareil où les insectes viennent se griller sur des résistances bleues.

Désormais, quand on entend le petit bruit de la grillade, le jeu c'est de dire : et hop ! Erdogan !

Il faut dire que nous sommes bel et bien aux premières loges : depuis le 12 août et jusqu'à avant-hier, chaque matin, un patrouilleur turc a violé les eaux territoriales grecques sous notre nez au petit-déjeuner. Ca crée une certaine ambiance ! Le bateau quitte la base de Bodrum, entre dans les eaux grecques entre Kos et Kalymnos, fait le tour de Kos par l'ouest et ressort entre Kos et Nisyros.

Mais depuis deux jours, le petit jeu semble suspendu... un bâtiment grec est arrivé du sud.

On attend la suite !

Ankara a informé les commandants de ses bâtiments qu'ils pouvaient désormais tirer sans en référer à l'état-major, a prolongé le préavis Navtex de prospection illégale dans la Zone économique exclusive grecque de... trois mois, et conteste désormais la souveraineté grecque sur le Dodécanèse (donc Nisyros), occupé par l'Italie en 1911, cédé par la Turquie à celle-c i au traité de Lausanne de 1923 pour par l'Italie à la Grèce au traité de Paris de 1947.

En réalité, le sultan, aux abois, dépassé par la crise sanitaire, englué dans une récession depuis fin 2018, confronté à la dégringolade sans fin de sa monnaie qui fait exploser l'inflation et le déficit commercial, impuissant devant la paupérisation de sa population qui ne peut plus acheter les produits importés que le pouvoir taxe de plus en plus lourdement, n'a plus que lafuite en avant dans la guerre pour tenter de sauver son régime, la fortune que le contribuable européen lui a permis d'amasser grâce au leadership éclairé de son allié allemand, et probablement sa tête.

Le coup de la découverte du fabuleux gisement gazier en mer Noire a fait pschitt en 48h.

Alors les bruits de bottes se multiplient : un officiel menace de détruire la Grèce en quelques heures, Erdogan insulte les dirigeants grecs et français,, qui ont le tort de ne pas céder devant son impérialisme que Merkel a deplus en plus de mal à justifier et à soutenir.

Et l'UE bavasse.

Que la souveraineté de deux de ses Etats membre soit violée, peu importe ; qu'un despote financé par l'UE menace de les détruire, peu importe. Ce pays est toujours officiellement candidat à l'UE et continue toujours, officiellement, à négocier son adhésion. Ce n'est même plus absurde, c'est dégueulasse. Mais ce que l'Allemagne veut...

L'Allemagne, justement, ne veut pas des sanctions pour faire cesser l'agression. Elles seraient contre-productives ! Tiens donc... Mais l'Allemagne voudrait des sanctions contre la Biélorussie. Parce que là, elles ne seraient pas contre-productives. L'Allemagne se fout de la gueule du monde ! Il est vrai qu'elle en a repris l'habitude, sans que personne n'y trouve rien à redire, depuis les guerres de Yougoslavie qu'elle a provoquées et entretenues. Mais l'Allemagne tire 2,5 milliards d'excédent commercial de ses échanges avec la Turquie ! Ca vaut bien quelques îles grecques, non ?!

Les Grecs et les Chypriotes trouvent que non. Ils sont bien impudents de ne pas vouloir subir le sort des Sudètes tchécoslovaques face au Reich de 1000 ans en 1938 ! Alors les traîne-savates européens concèdent quelques sanctions pour l'essentiel symboliques et qui ne risquent pas d'avoir le moindre effet. mais ils ne les adopteront que fin septembre !

En réalité, cette UE agonise sous le poids de ses contradictions. Et mon analyse, c'est que Macron l'a compris lors du retentissant échec - transformé en éclatant succès par la Propagandastaffel - du sommet corona om les marchands de tapis néerlandais et consort ont enlevé le morceau avec l'aide déterminante de Merkel jouant aux faux arbitre.

Le pouvoir déniaise même les plus niaiseux.

Alors il a décidé d'user de la seule arme qui lui reste, puisque l'euro a ruiné la France, son industrie, sa recherche, son enseignement supérieur - son avenir. Il a décidé d'enfiler le costume de chef de guerre que Merkel ne peut pas enfiler, parce que du fait des politiques allemandes imbéciles depuis des lustres, l'Allemagne n'a plus d'armée. Et puis une victoire, ça peut faire gagner quelques points dans les sondages. Et puis il y a bien entendu Total.

Mais je n'exclue pas qu'il ait aussi retrouvé un peu d'honneur sous un tapis de l'Elysée.

Si j'étais vraiment optimiste j'ajouterais qu'ulcéré par le double-jeu allemand dans le sommet corona, il a peut-être compris qu'il n'obtiendrait jamais rien de l'Allemagne, parce que la seule chose qui intéresse l'Allemagne - légitimement d'ailleurs - c'est l'intérêt de l'Allemagne. S'il allait jusqu'à en tirer la conclusion que l'UE n'agonise plus mais que c'est un cadavre et que ce qui doit intéresser seulement un gouvernement français, c'est l'intérêt de la France, ce serait une sacrée ruse de l'histoire.

Mais nous 'en sommes pas là !

Nous en sommes au fait que la France soutient avec vigueur, contre l'Allemagne, la Grèce,Chypre et le droit ; qu'elle a envoyé des Rafale, des bateaux, un prote-hélicoptères qui s'exercent avec les Grecs : nous en sommes au fait que le Charles-de-Gaulle vient d'appareiller de Toulon avec son groupe aéronaval ; nous en sommes au fait que la France pourrait fournir des Rafale à la Grèce, 18, dont 8 seraient donnés par l'armée françaises (ça me rappelle les Mirage "loués" à Saddam pendant la guerre Iran-Irak, des avions dont les pilotes n'étaient pas forcément irakiens...)

Nous en sommes aussi à ce qu'Erdogan est en échec en Syrie. Le ministre russe de la Défense vient d'y annoncer le déploiement du système anti-drones avancé "Sapsan-Konvoy" s'il réussit ses tests lors des manoeuvres Caucase 2020 dans le sud de la Russie, prévues en septembre. Tandis que le plus grand diplomate de l'époque, le ministre des Affaires étrangères Lavrov reçoit une délégation de Kurdes syrien, alors qu'une délégation turque de haut rang fait tapisserie à Moscou.

Nous en sommes aussi à la deuxième ou troisième condamnation des prospections turques dans la ZEE grecque par le Département d'Etat américain. Tandis que des chars américains doivent venir s'exercer avec les Grecs du côté d'Alexandroupoli, à proximité de la frontière turque, où lesdits Américains sont de plus présents. Comme à la base aéronavale de Souda en Crète où sont arrivés aussi un porte-hélicoptères US et des F-16 émiratis - alors que les EU viennent de patronner le traité entre les Emirats arabes unis et Israël qui appuie également avec vigueur la Grèce et Chypre. Nous en sommes aussi au moment où, le 29 août, des F-16 turcs ont perturbé le vol d'un B-52 américain escorté par des F-16 grecs dans la zone de contrôle aérien d'Athènes et dans le cadre de l'opération OTAN "ALLIED SKY". Et nous en sommes au moment où les Etats-Unis ont levé, hier, partiellement et provisoirement, l'embargo sur les armes à destination de la République de Chypre, provoquant aussitôt de nouvelles éructations à Ankara.

Nous en sommes aussi au moment où, après avoir signé un accord de cessez-le-feu, Sarraj, le président du gouvernement de Tripoli, a limogé successivement son ministre de l'Intérieur, réputé l'homme des services secrets turcs, le lendemain de son retour d'Ankara, puis son ministre de la Défense et son chef d'état-major - tous dans la main des Turcs et tous soupçonnés de préparer un coup d'Etat erdoganesque.

Nous en sommes au momentoù des troupes d'élite grecques prennent position dans l'île de Kastelorizo particulièrement menacée.

Et nous en sommes au moment, ce qui est peut être le plus intéressant, où le journal allemand Die Welt indique, selon des sources militaires turques que : Il y a quelques jours, le président Erdogan a ordonné à ses généraux de couler un navire grec mais d'essayer de ne pas faire de nombreuses victimes. Les généraux ont refusé de le faire et l'idée suivante était d'abattre un avion de guerre grec. Là encore, il y avait l'idée que le pilote s'éjecte de l'avion et de sauver sa vie.

Que cette information arrive par l'Allemagne via des sources militaires, n'est évidemment pas indifférent. Et que les généraux turcs en aient assez d'être engagés dans des opérations sans issue pour sauver la mise d'un président aux abois est assez probable. Qu'ils soient de surcroît, plus que lui, conscients de l'état réel d'une armée turque purgée sans cesse depuis plus de dix ans et jusqu'au corps des sous-officiers, comme du danger d'être en délicatesse en même temps avec les Russes et les Américains et de n'avoir plus comme appui régional que l'Azerbaïdjan, le Qatar et le Pakistan est également probable. La suite ?

L'histoire n'est écrite nulle part.

De tout cela, vous ne retrouverez qu'une petite partie dans Le Figaro, puisque, une fois de plus, et je l'en remercie, Alexia Kefalas m'a demandé mon analyse de la situation.