Le pouvoir syriziste n'en finit plus d'agoniser sans l'hostilité d'un peuple qu'il trahi. Trahis les engagements de 2015 : l'espoir est de retour, la dignité nationale, plus un sacrifice pour l'euro, plus un pas en arrière, fin de l'austérité et de l'humiliation.

Trahis les résultats du référendum, trahis la confiance du peuple par la signature et la ratification d'un accord avec l'Ancienne République yougoslave de Macédoine, sous l'intense pression germano-américaine, afin de permettre l'intégration de l'ARYM dans l'OTAN et l'UE et de poursuivre la stratégie de néo-guerre froide dans les Balkans.

Cette dernière trahison a bien du mal à passer et c'est ce qu'a montré la célébration de la fête nationale du 25 - l'anniversaire du soulèvement de 1821 contre les Turcs.

"L’injustice finit toujours par être vaincue », écrit Makriyannis dans ses Mémoires que le poète Nobel Séféris tenait pour le premier chef d'oeuvre de la littérature grecque contemporaine.

Analphabète imprégné des idées des Lumières, Makriyiannis inventera une écriture pour écrire ces Mémoires sans passer par le filtre d'un érudit (ce qu'ont fait les autres grands capétans de la guerre d'indépendance), dont il était persuadé qu'il le trahirait. Ce personnage m'a fasciné et j'en ai fait le "fil rouge" des chapitres de "La Grèce et les Balkans" consacrés à l'insurrection grecque de 1821 contre les Turcs - que les Grecs commémorent aujourd'hui lors de leur fête nationale - et aux débuts d'un Etat grec à l'indépendance tronquée par les Occidentaux - comme elle l'est aujourd'hui par l'UE. Voici ce que j'écris des débuts de cette insurrection qui fut le début à la fois d'une guerre d'indépendance extraordinairement meurtrière (200000 morts pour une Grèce qui accédera à l'indépendance avec une population d'environ 800000 habitants), d'une révolution politique et sociale, toutes deux inabouties notamment en raison des ingérences occidentales et russe, et de plusieurs guerres civiles... dont la Grèce n'est peut-être pas tout-à-fait sortie encore aujourd'hui...

En Australie, un ministre Syriza s'est fait copieusement hué par la communauté grecque de Melbourne : Traîtres ! est sans doute le mot qu'on aura le plus entendu ce 25 mars, sortir de tant de gosiers populaires. Et le chant militaire "Illustre Macédoine", espèce d'hymne à la Macédoine depuis les guerres balkaniques de 1922-1923 à l'occasion desquelles la Macédoine égéenne fut rattachée à la Grèce, le chant le plus entendu, entonné par la foule ou par des troupes, alors furieusement acclamées, aux quatre coins du pays, comme en défi au gouvernement qui l'avait jugé, cette année, indésirable.

Aux Etats-Unis, aucun ministre ne s'est risqué : les Gréco-Américains avaient, semble-t-il, prévenu qu'il s'exposerait à des manifestations trop peu agréables.

Quant à la Grèce même, avant l'arrivée de Syriza au pouvoir, en 2015, les deux fêtes nationales (25 mars et 28 octobre, anniversaire du Non à Mussolini) avaient à de nombreuses reprises donné lieu à des manifestations d'hostilité à l'égard des politiques au pouvoir - tant qu'on avait pris l'habitude de tenir le peuple soigneusement tenu à l'écart des célébrations officielles. Le 25 mars 2015, après la victoire de Syriza - et avant le référendum et sa trahison par Syriza -, la fête nationale avait pris des airs de Libération. Puis au fil des trahisons, on en était revenu à une hostilité sourde... qui a tourné ce 25 mars, en de nombreux endroits, en manifestations de haine, de rage impuissante: des députés Syriza ont été hués, ont dû être exfiltrés, des heurts plus ou moins violents ont éclaté entre la foule et les forces de l'ordre.

Pour comprendre cette ambiance, pour mesurer la vertigineuse fracture qui sépare désormais le peuple de l'ensemble des partis dits de gouvernement - Syriza au premier chef -, il faut une fois encore lire le papier de mon ami Panagiotis Grigoriou sur l'indispensable blog greekcrisis (aidez-le, si vous le pouvez, il en a besoin pour continuer à nous tenir informer de ce qui se passe là-bas, vraiment, et qui est aux antipodes des discours officiels des Moscovici, relayés par les organes de propagande qui se prétendent d'information... voir notamment les statistiques fiscales en fin de cet article) et regarder les vidéos vers lesquelles conduisent les liens de son article.

Ajoutons encore à cette ambiance, les deux dernières provocation/humiliation d'Erdogan. La veille de l'anniversaire du soulèvement des Grecs contre le sultan ottoman, le néo-sultan, largement financé par l'UE, qui se présente de plus en plus (au fur et à mesure que s'accumulent ses difficultés intérieures) comme le restaurateur de l'ottomanisme, annonce (d'habitude il laisse cette annonce maintes fois répétée à des sous-fifres) une possible re-transformation de Sainte-Sophie en mosquée. Plus grande Eglise du monde pendant des siècles, symbole s'il en est de l'hellénisme chrétien, Sainte Sophie avait été transformée en mosquée après la prise de Constantinople en 1453, jusqu'à ce que Mustapha Kemal en fasse un musée (NB : Sainte Sophie de Trébizonde/Trabzon a déjà été "retournée" au culte musulman).

Puis le jour même de la fête nationale, alors que Tsipras s'était rendu à Agathonissi, une île de l'Egée orientale sur laquelle les Turcs contestent la souveraineté grecque et dont l'espace aérien est régulièrement violé par l'aviation turque, des avions guerre turcs ont "harcelé" l'hélicoptère du Premier ministre sur la route du retour, le forçant à des manoeuvres d'urgence jusqu'à ce que la chasse grecque intervienne. Voilà pour cette "étrange" fête nationale.

Reste l'état de cette Grèce qui, selon Moscovici, la Nomenklatura européiste et ses médias de service, comme selon les Syrizistes résiduels irait de mieux en mieux. Après tant d'autres preuves, voici les dernières statistiques concernant les déclarations de revenus de 2018 :

- les revenus déclarés en 2018 s'élèvent à 73,6 milliards d'euros contre 100,3 en 2010, soit une baisse de 26,7 % ;

- 946 344 ménages appartiennent à la catégorie de revenus correspondant à la classe moyenne contre 1 253 476 en 2017 soit une baisse de près de 25 % en un an ;

- un million de contribuables (dans un pays de moins de 11 millions d'habitants) hébergent chez eux un ami ou un parent ;

- 58,9 % des contribuables déclarent un revenu annuel inférieur à 10 000 euros ;

- 4 ménages sur 10 déclarent un revenu annuel entre 0 et 5000 euros ;

- 644 790 familles déclarent un revenu annuel de 0 euro;

- 19 869 contribuables déclarent un revenu annuel supérieur à 100000 euros.

Après ça, je ne vois même pas comment on pourrait contester que l'Europe et l'euro c'est la paix et la prospérité !