Hier, en plaisantant, j'écrivais dans un commentaire sur le mur Facebook d'un ami que, peut-être, le terminus de l'itinérance mémorielle de notre Kizyvienne national se trouvait à Montoire... Mais avec ce zigomar, il ne faut plus plaisanter, parce que toute connerie est immédiatement convertie en réalité.

Il est vrai que, si on avait correctement commémoré la Victoire en célébrant dignement l'Armée française dans son ensemble, ainsi que les armées alliées, par un défilé militaire sur la voie triomphale de Paris où eut lieu le défilé de la Victoire, on n'aurait pas eu à se prendre les pieds dans le Pétain.

La question de la place du Pétain de la première guerre dans les commémorations de ce conflit ne date pas d'aujourd'hui. Et il est pour le moins étrange que l'Elysée semble le découvrir... quelques jours après avoir fait semblant de s'alarmer d'un prétendu retour aux années 1930. Cohérence, quand tu nous tiens !

Au demeurant, le génie militaire de Pétain est fort contestable et n'a jamais cessé d'être contesté. En 1916, Joffre qui fut l'homme de la résistance au choc initial, sur la Marne, considère Pétain comme le principal responsable du défaitisme ambiant - déjà !

Quant à la victoire de Verdun, les généraux de Castelnau ou Mangin, voire Nivelle, en sont des artisans bien plus déterminants que Pétain.

Pétain fut essentiellement nommé à la tête de l'armée française en mai 1917 pour "calmer le jeu" après les meurtrières et désastreuses offensives Nivelle (je me souviens encore de la haine de mon grand-père, poilu gazé à Villers-Cotterêts, lorsqu'il prononçait ce nom), qui avait succédé à Joffre quelques mois plus tôt. Et la popularité de Pétain n'a jamais rien dû à son génie stratégique ni encore moins à son inexistante audace, mais tout à son ménagement des troupes (amélioration de l'ordinaire, rotations plus rapides au front, permissions régulières... ce qui n'est nullement condamnable en soi, fait sans doute un bon administrateur mais pas un "grand soldat" et ne suffit pas pour gagner une guerre !) ainsi qu'à son attentisme : ne rien faire en attendant les Américains. Clemenceau, qui avait la dent dure, décrira ainsi le Pétain de la grande guerre : "Sans idée, sans coeur, sans cran, plus administrateur que chef, sans imagination et sans fougue".



Si on avait écouté Pétain plutôt que Foch, le conflit ne se serait certainement pas terminé le 11 novembre ! Et c'est bien pourquoi Clemenceau a choisi Foch plutôt que Pétain comme généralissime des armées alliées. "Nous l'avons poussé à la victoire à coups de pied dans le cul", dira encore le Tigre à Poincaré lors de la remise du bâton à Pétain.

Autrement dit, le Pétain de 1940 n'est pas un Pétain différent de celui de 1917 ; c'est le même, avec les mêmes convictions et les mêmes tropismes.

Et puis pourquoi célébrer "à part" les maréchaux ? Le choix du maréchalat fut éminemment politique, contestable et contesté, et de grands chefs français de ce conflit, aussi ou plus grands que Pétain, n'en ont pas été honorés alors qu'ils le méritaient autant ou plus que les "élus".

Mais voilà, il ne faut pas froisser l'Allemagne (qui ne peut décemment se froisser, en toute logique, qu'on célèbre un de ses zélés auxiliaires des années 1940-1944 !)... et associer le négationniste turc aux cérémonies marquant la fin du conflit durant lequel la Turquie a commis un génocide qu'elle nie.

J'ai une suggestion, du coup : on pourrait peut-être associer à l'hommage les maréchaux Hindenburg, Ludendorff, von Moltke et Schlieffen.