La question de l'extension des eaux territoriales grecques à 12 milles a été rangée cette semaine au fond du tiroir par Tsipras, presque aussitôt que sortie par Kotzias, le ministre des Affaires étrangères démissionnaire à la suite des invectives qu'ils avait échangées avec son collègue de la Défense (du petit parti de droite des Grecs indépendants indispensable à la coalition mais opposé à l'accord avec l'ARYM).

Le Premier ministre a en effet indiqué que la question ne serait pas tranchée par décret, mais devait l'être par la Vouli. Renvoi aux... calendes grecques.

On nage en pleine cohérence ! sur une question aussi essentielle... Cela en dit long sur la déliquescence avancée de ce pouvoir.

Au passage, les sbires d'Erdogan n'ont pas manqué l'aubaine pour tirer les marrons du feu : ils en ont immédiatement profité pour rappeler que cette extension des 12 milles (à laquelle la Turquie a elle-même procédé en mer Noire et en Méditerranée) vaudrait à la Grèce une guerre immédiate et fulgurante - "elle sera détruite en trois ou quatre heures", dixit un des sbires. Bien que, ainsi que je l'ai expliqué dans un précédent papier de ce blog, Kotzias a précisé que cette extension ne concernerait pas l'Est de l'Egée, offrant ainsi sur un plateau une victoire inattendue à la Turquie qui revendique des droits spéciaux sur cette moitié, le sultan a bien compris que ce gouvernement de fantoches est humiliable pour pas cher. Et ce qui reste de presse turque d'exulter sur le fait que les menaces d'Ankara ont contraint Tsipras à une débâcle-éclair.

Bilan de cette opération de gribouille : un fiasco de plus à mettre au bilan du gouvernement Syriza/ANEL. A se demander s'ils ne le feraient pas exprès !

En tout cas, à force d'échecs, d'incohérences, de reniements, un sondage (les sondages sont, en Grèce encore plus qu'ailleurs, à prendre avec des pincettes... rappelons que la veille du référendum qui vit plus de 60 % de Grecs voter Non, ils donnaient le Oui et le Non au coude à coude... voire le Oui devant) donne désormais la droite, démonétisée en 2015, toute requinquée et en passe d'obtenir 10 voix de majorité absolue au Parlement. Alors même que son leader est la quintessence du système qui a mené la Grèce au gouffre et de la soumission revendiquée à Berlin. Ainsi serait accomplie la tâche historique de Syriza : avoir mené, sous l'étiquette de la gauche radicale, la politique la plus à droite qui ait été conduite dans ce pays depuis la chute de la dictature en 1974, afin de permettre à la droite de se refaire une santé et de reprendre les rênes.

Quant à Macron, il est encore une fois allé lécher consciencieusement les babouches d'Erdogan à l'occasion d'un sommet bidon sur la Syrie. Il a quand même trouvé le moyen de féliciter chaleureusement le sultan islamiste pour son palais sur le Bosphore...

Comme il le rappelait dans un tweet datant de quelques jours à propos du découpage de Kashoogi par MBS à qui, il y a peu, il disait de se considérer comme son frère, Macron a toujours été un défenseur de la liberté de la presse. C'est vrai que les flagorneries envers un Erdogan qui a embastillé tout ce qui ne met pas assez d'enthousiasme à chanter ses louanges dans un pays qui est celui qui détient (c'est le mot!) le record mondial du nombre de journalistes emprisonnés, relèvent de la plus extrême cohérence !

Insultant avec son peuple et servile avec le sultan... Il aurait sans doute couvert d'éloges le génie urbanistique des Ceaucescu !