Pour moi, trois leçons du scrutin d'aujourd'hui.

1/ L'élection présidentielle reste l'élection de loin la plus mobilisatrice en France. Qu'on s'en félicite ou qu'on le déplore, c'est ainsi. Il est du coup très contradictoire de vouloir gagner cette élection tout en refusant d'incarner la fonction à laquelle elle donne accès puisqu'on annonce vouloir détruire cette "monarchie présidentielle" qui n'existe pas. Elle n'existe pas car la Ve République n'est pas une monarchie présidentielle mais un parlementarisme rationalisé : le président de la République n'a guère de pouvoirs sans majorité législative comme l'ont prouvé les 3 cohabitations passées et comme le prouvera la prochaine qui pourrait bien ne guère tarder.

2/ Dans une période où une grande partie de l'électorat attend plus de sécurité, plus de protection, c'était à mon avis une erreur fondamentale de mettre en avant un "processus constituant" des plus fumeux et des plus inutiles en plus d'être totalement insécurisant, puisqu'il prive de vision d'avenir sur la manière dont le pays sera gouverné. Ceci alors que la Constitution sous laquelle nous vivons depuis 1958 est à la fois démocratique, souple et efficace. On pouvait aller au peuple avec un programme précis de révision constitutionnelle (quel qu'en soit le contenu et j'ai, comme tout le monde, mon avis sur la question). Le jeu de la table rase institutionnelle, alors que la question institutionnelle n'est en rien au centre des préoccupations des Français, qui savent bien qu'aujourd'hui l'essentiel des solutions à leurs problème est ailleurs, était à la fois inutile et risqué.

3/ On a raté dans cette campagne l'enjeu majeur qui était de proposer clairement une sortie de l'euro et de l'UE par la gauche. Avec le temps de parole que supposait la participation à cette élection, on disposait du moyen d'enclencher la pédagogie nécessaire à cette sortie, en expliquant clairement pourquoi aucune autre politique n'est possible dans l'UE et que cette UE est irréformable. Je ne partage pas l'idée selon laquelle ce discours-là aurait conduit à un suicide électoral parce que je pense qu'une très large partie de l'opinion est prête à l'entendre et qu'on ne reconquerra pas l'électorat parti au FN sans le tenir. On a préféré rester dans l'illusion du Plan A et le totalement fantomatique Plan B, sous prétexte de nécessité de conquérir un électorat de toute façon hostile à une sortie. J'ai toujours été persuadé pour ma part, tout en risquant les foudres de mes amis Insoumis, qu'on ne peut gagner sur des équivoques et que, tant qu'à perdre, mieux vaut perdre sur des convictions clairement exprimées. Ce soir, on a perdu, mais on a perdu aussi l'occasion de faire la pédagogie de l'indispensable sortie qui serait si utile pour l'avenir. Et une fois encore on a abandonné le terrain de la souveraineté au FN qui, demain, pourra se targuer d'être le seul défenseur de la Nation face à l'euromondialisme et à son mandataire.