En mai 2008, nous participions, ma copine Marina Dédéyan et moi au salon du livre à La Gaude et, dans le même café littéraire où nous intervenions, sur le thème "Les grandes tragédies de l’Histoire : des bavures inexcusables ? Ou comment expliquer aux générations futures les erreurs du passé ! " (je venais de publier L'Or d'Alexandre où il est notamment question de la spoliation des collections juives par les nazis), une auteur dont je tairai le nom s'est mise à tenir des propos négationnistes sur le génocide arménien. Marina devait prendre un avion, elle est partie en me glissant à l'oreille : "je compte sur toi pour nous défendre".

Le lendemain, à l'aéroport de Nice, lorsque j'ai croisé la négationniste à gros tirages, j'ai senti que ma tête aurait volé à l'autre bout du hall des départs si ses yeux avaient été des yatagans.

Et je suis rentré à Paris en me disant que mon prochain roman tournerait autour du génocide arménien. Puis à la Comédie du livre de Montpellier, deux semaines plus tard, le père de Marina, m'a mis sur la trace de ces "Vengeurs" que le parti arménien socialiste révolutionnaire Dachnak lança, après la guerre, les Alliés n'ayant pas tenu leur promesse de punir les responsables turcs du génocide, à la traque des principaux d'entre eux, dont plusieurs furent éliminés...

J'ai commencé d'écrire Tigrane l'Arménien à Nisyros durant l'été 2008. Puis est arrivée la commande de Gallimard pour La Grèce et les Balkans qui a occupé cinq ans de ma vie. J'ai rangé Tigrane dans un tiroir.

Lorsqu'il en est ressorti, en 2014, j'avais changé ; le monde aussi. J'ai remis Tigrane sur le métier. Il n'était pas fini pour les cent ans du génocide. J'ai dû en terminer l'écriture au cours de l'été suivant - toujours à Nisyros.

Après 5 romans et quelques autres livres, j'ai alors pensé, en accord avec mes amis d'H&O, que le moment était peut-être venu de tenter une nouvelle aventure avec un autre éditeur, dont le diffuseur aurait une plus grande "force de frappe". J'ai cherché, essuyé des refus. Je l'ai fait lire à Geneviève Perrin qui m'a aidé, par ses précieux conseils, à comprendre certains défauts du manuscrit ; j'ai rencontré Colette Lambrichs, de La Différence, qui a tout de suite été enthousiaste - moyennant quelques retouches sur les mêmes problèmes que Geneviève avait identifiés.

Ce roman emmêle deux temps, celui du génocide et des Vengeurs, le nôtre - notamment dans La Grèce malmenée par l'Union européenne. Et voilà, il sera le 4 mai en librairie. Je serai avec lui à la Comédie du livre de Montpellier (retour aux sources !) les 20 et 21 mai, je le présenterai et le signerai le vendredi 9 juin à la Librairie Ithaque (73 rue d'Alésia, Paris 14e, métro Alésia), et sans doute à la fin de l'été chez Iannis et Odile Brehier à la librairie Lexikopoleio à Athènes... en attendant, j'espère, d'autres escales.

Mais si j'écris ce post maintenant, c'est qu'une longue période se termine ce soir : je viens de tenir entre mes mains le premier exemplaire d'auteur - tout juste sorti des presses. Au sixième roman, c'est toujours la même émotion, la même joie de tenir, enfin, l'Objet entre ses mains. C'est la fin, la matérialisation d'un long processus ; c'est le début d'une nouvelle aventure.