Ca vient... et de la pire façon.

L'intransigeance allemande sur l'effacement partielle de l'insoutenable dette grecque empêchera probablement le FMI d'accepter de s'associer à un nouveau plan dit d'aide - qui ne serait qu'un plan de poursuite de l'écorchage des Grecs. Faute d'effacement partiel, il faudrait un mémorandum IV : cercle vicieux, spirale déflationniste sans fin, la même depuis 2010 qui conduirait à une aggravation supplémentaire de la situation déjà tragique du pays et d'une partie toujours croissante de sa population. Or Schäuble et Dijsselbloem le répètent à l'envi : pas de nouveau plan sans le FMI.

Et Schäuble de ressortir de son chapeau la sortie forcée de l'euro, déjà agitée à l'époque du bras de fer (réel ou mimé) de l'été 2015 - avec un plan d'accompagnement. Dans le même temps, lors d'un match de foot à Thessalonique, les supporters allemands ont brandi des billets de 50 euros assortis d'insultes au peuple grec. Et un vice-président (FDP, parti libéral) allemand du pseudo-parlement européen a, à son tour, prôné le Grexit - théme repris, dans la semaine écoulée, par l'inénarrable Leparmentier, propagandiste en chef du Monde... en attendant l'imprimatur du grand Mamamouchi Quatremer...

Dans son dernier papier de son indispensable blog, l'ami Panagiotis Grigoriou note en outre qu'à Athènes on parle chaque jour davantage d'une sortie de l'euro, vers une... drachme-dollar - marque d'une redistribution des cartes géostratégiques en Europe... Enfin, pour la première fois, un sondage en Grèce donne une majorité, et très nette : 54,8 % (soit 29,6 % des électeurs de la Nouvelle Démocratie - droite - en 2015, et 66,2% des électeurs de Syriza 2015) - sinon pour une sortie de l'euro par principe, mais pour un rejet des nouvelles mesures exigées par les créanciers, même si cela doit conduire à une sortie de l'euro et un retour à la drachme. 32,2 % des personnes interrogées se prononcent pour l'acceptation et le maintien à tout pris dans l'euro.

Vu l'indépendance des instituts de sondage en Grèce, il peut aussi bien s'agir (ou en même temps) d'une évolution en profondeur de l'opinion (dont je suis moi-même convaincu depuis longtemps, certain que si Tsipras avait rompu à l'été 2015 en respectant le mandat de rejet du mémorandum III donné clairement pas référendum, le pays l'aurait massivement suivi, quelles qu'aient été les conséquences de ce refus), que d'un début de préparation de l'opinion à une sortie forcée de l'euro décidée dont Schäuble, et dont un vice-président allemand FDP du pseudo-parlement européen et même l'inénarrable Leparmentier ont avancé la "nécessité" durant la semaine écoulée.

Tout ce que j'ai écrit tant de fois, ici et ailleurs, est en train de se vérifier : la Grèce finira pas quitter l'euro, parce qu'elle ne peut pas y rester. Mais au lieu de l'avoir quitté souverainement, à un moment où elle avait des capacités de rebond, en déclarant un moratoire et l'annulation partielle de sa dette, elle le quittera, contrainte et forcée, pieds et poings liés, après avoir perdu une énorme partie de son potentiel économique parti en fumée, après avoir bradé patrimoine et infrastructures, notamment à l'Allemagne qui, une fois pressé le citron grec, est en train de le jeter - quant à "l'accompagnement", il sera évidemment conditionné au maintien de la laisse de la dette.

Les Grecs ont consenti à l'humiliation pour rester dans l'euro, ils ont eu l'humiliation et ils seront expulsés de l'euro.

Enfin ce ouiquende, pendant que le cirque électoral entre pareil et même tente de nous faire croire que nous vivons encore en démocratie, il faut lire l'entretien (en deux parties) donné au blog de Coralie Delaume, "L'Arène nue", par Matthieu Pouydesseau, qui dresse l'état des lieux de la politique intérieure allemande et explique pourquoi sa politique européenne ne peut pas changer, contrairement à ce que continuent à régurgiter tous les gugusses qui promettent une renégociation des traités ou une réorientation de la prétendue construction européenne. Entretien passionnant... et pas seulement parce ce que dit Matthieu Pouydesseau colle exactement avec ce que j'écris dans mes 30 bonnes raisons pour sortir de l'Europe du rapport patriotique, psychologique (et à mon avis pathologique) des Allemands à la monnaie, ou du mythe de français de "l'amitié franco-allemande"... dont les Allemands n'ont plus rien à foutre au moins depuis la réunification.