Attentat en plein état d'urgence. Evidemment, ils ont choisi le 14 juillet pour manifester leur haine de ce que représente les valeurs qui sont le fondement même de notre Nation, de notre République.

A quoi sert l'état d'urgence ? Etait-il normal, avec cet état de menace qu'un poids lourds se trouve à proximité d'une foule à pieds ? Je n'en sais rien, je ne suis pas un technicien de ce genre de chose. Ce que je sais, c'est que les types qui assurent le maintien de l'ordre sont aussi épuisés qu'ils ont été mal commandés, afin de servir de très claires arrières-pensées, dans les manifestations de la loi El-Connerie. Et que les criminels auront toujours une longueur d'avance sur les policiers. Qu'ils cherchent à la fois la sidération, et "l'admiration", y compris par leur "inventivité" de ceux qui, chez nous, sont prêts à basculer.

L'état d'urgence sert-il encore à quelque chose ? Il a servi, les premières semaines, pour permettre de donner un coup de pied dans la fourmilière de réseaux organisés. C'est l'évidence. Il ne sert à rien contre ce genre d'actes qui est appelé à se renouveler.

Pourquoi alors prolonger l'état d'urgence ? Indéfiniment, pour tel événement, puis tel autre, parce qu'un nouvel attentat intervient ? Sinon pour installer un état d'exception permanent habituant le peuple à la suppression de droits fondamentaux constitutifs de l'Etat de droit (que l'Union européenne a déjà largement liquidé en Grèce sous d'autres prétextes que le terrorisme) ?

Ou bien ne s'agit-il que d'une pitoyable gesticulation de plus de la part d'un pouvoir totalement dépassé qui, à la suite de tant de ses prédécesseurs, tente de faire croire qu'il a encore prise sur la situation ? Tente ! car il s'est mis, lui et ses prédécesseurs, et depuis longtemps, dans la main de ceux qui ont couvé, patronné, financé, exalté le radicalisme - Saoudiens, Qataris, Turcs... -, alors qu'il n'a cessé, lui et ses prédécesseurs, d'attaquer, d'affaiblir, par l'Europe comme par l'école, l'agglutinant symbolique qu'est la nation et qui fait qu'on se sent appartenir à une communauté - en suite de quoi, le combat acharné contre la nation mené au nom de l'Europe depuis tant de décennies, permet le développement des sous-identités tribalo-religieuses, alors qu'il nous a enfermés, lui et ses prédécesseurs, par sa soumission pathologique à l'Allemagne, dans des politiques économiques absurdes, qui ont créé le chômage de masse, l'absence de perspective, le recul des droits et des conditions de vie d'une partie toujours croissante de la population dont une frange sombre dans la haine et un criminel nihilisme à variante religieuse.

Ce ne sont ni un état d'urgence permanent, ni l'empilement de lois scélérates, ni les rodomontades du genre "nous sommes en guerre" - ceci n'est pas une guerre -, qui réglera le problème. Le problème nous l'avons pour très longtemps, parce que ce sont des politiques de long terme qui l'ont produit, des politiques qu'on se refuse à identifier et à renverser, parce que c'est la lâcheté face à l'intégrisme au quotidien qui l'entretient, parce que c'est l'injustice croissante qui l'exacerbe, parce qu'on ne cesse de cirer les pompes - jusqu'à décorer de la Légion d'honneur leurs potentats - des monarchies intégristes, et de financer, en ce qui concerne la Turquie, des puissances étrangères qui financent la haine, sur notre sol comme au Proche-Orient... Pour tout dire, et à tout prendre, l'expulsion de quelques soi-disant diplomates de ces Etats fourriers du terrorisme, faute d'avoir une efficacité que l'état d'urgence n'a pas, me paraîtrait un symbole nettement plus pertinent.