Rentrant d'une matinée de cours à mes chers étudiants retraités de Créteil (où j'ai parlé des rapports entre monothéismes, intolérance et totalitarisme, de l'évolution de l'Islam depuis la fermeture des portes de l'itjihad, des courants fondamentalistes mais aussi "libéral", d'Abdel Wahhab, du Mahdi, des frères musulmans et d'Erdogan, mais aussi de Mohamed Abduh ou Boualem Sansal, d'islamofascisme et de la place de Daesh dans cette histoire longue), j'ai croisé, en sortant du métro Plaisance, un spectre en hijab noir sur longue robe marron (un peu affriolant non, ce marron ? je ne suis pas sûr que pareille coquetterie ne soit pas déjà péché), ce qui, après en avoir croisé plusieurs en cinq minutes de traversée du centre commercial Créteil Soleil, a fini de me foutre en rogne pour le reste de la journée.

Il faut préciser que je traverse le centre commercial Créteil Soleil, un jour par semaine pendant l'année universitaire, à l'aller et au retour de mon cours, avant de longer le lac jusqu'à la Maison des associations où j'officie ; et une fois tous les quinze jours, ayant cours matin et après-midi, j'y déjeune. Ceci depuis douze ou treize ans. A l'époque où je commençai, les femmes avec fichu se comptaient par unité ; aujourd'hui une sur cinq ou six est couverte, des différentes façons foulard entortillé à la façon burka à grillage et gants noirs - indice indiscutable de la progression de la liberté de la femme et de la laïcité dans notre belle République. Ceci étant "acquis", mon intérêt va désormais plutôt à l'augmentation du nombre de celles qui marchent trois pas derrière un petit branleur en jogging et baskets. Ainsi mardi dernier, j'étais parti tôt de chez moi, j'avais fait cours durant la matinée et, comme je reste un homme sans portable, je ne savais rien encore des attentats de Bruxelles à l'heure du déjeuner. En entrant dans ledit centre, je me suis retourné sur un de ces petits branleurs, habillés dernière mode - vous savez, le jogging moulant serré en bas, plus large en haut, et baskets... de marque, bien entendu : image de la misère sociale et de l'exclusion, en somme. "La France, moi je la hais", venait-il de dire à son copain habillé de la même manière, alors que deux donzelles les suivaient avec hijab et sacs aux noms de diverses enseignes de l'Occident honni...

Mais je m'égare... Revenons à aujourd'hui.

Arrivé à bon port et pour me rasséréner quelque peu, j'ai mangé sur le pouce, bougon à cause du spectre de Plaisance, un morceau de jambon persillé, deux vieilles tranches de coppa, un peu de beaufort, trois feuilles de salade de Vérone avec échalote et ail, un peu d'excellent paximadi (pain sec crétois) à l'huile d'olive, un yaourt et une pomme... le tout devant LCI ou Itélé je ne sais plus, histoire de savoir un peu ce qui s'était passé dans le vaste monde depuis mon départ ce matin.

Je n'ai rien appris de notable, sinon l'existence d'une pratique antiterroriste dont je n'avais jamais encore entendu parler, mais qui, je n'en doute pas un instant, est sans doute d'une efficacité foudroyante... la prépalpation. La palpation, je vois à peu près ce que c'est, et suis tout prêt à me laisser faire - avec un brin de perversité même, voire d'espoir, sait-on jamais... - pourvu que l'agent de sécurité soit d'une physionomie accorte et plutôt bien foutu. Après tout, il faut bien que les situations les plus déprimantes donnent un peu de plaisir.

Mais la prépalpation me plonge dans des abimes de perplexité...