Il faut lire le papier de Varouf dans Le Monde diplomatique pour comprendre ce qu'est le néototalitarisme euro-allemand. Lors d'une des premières réunions de l'Eurogroupe où Sapin invitait à trouver un moyen de concilier les engagements des précédents gouvernements grecs et le résultat des élections de janvier... "M. Schäuble n'a pas perdu un instant pour remettre M. Sapin à ce qu'il estimait être sa place : "On ne peut pas laisser des élections changer quoi que ce soit". Autre version de l'axiome Juncker (ami de la dive bouteille et artisan de l'évasion fiscale érigée en principauté) : "Il n'y a pas de choix démocratique en dehors des traités".

Voilà et voilà tout est dit dans sa brutale nudité teutonne. L'Union européenne, dès Monnet, n'a jamais été QUE cela : vider les élections de tout contenu, empêcher des peuples privés de souveraineté réelle par des traités de "faire des bêtises", et établir le gouvernement oligarchique de ceux qui savent mieux que les peuples ce qui est bon pour eux. Maastricht ayant ajouté à ce triptyque, grâce à l'irresponsabilité criminelle de Mitterrand, l'introduction du rapport psychiatrique du peuple allemand à la monnaie (hérité de l'hyperinflation des années 1920, alors que c'est la déflation du chancelier chrétien-démocrate - on disait alors Zentrum - Brüning, exactement semblable à celle que Merkel et Schäuble imposent à la Grèce et à l'Europe, qui amena Hitler au pouvoir) au centre de ce dispositif antidémocratique et antisocial.

Personne ne pourra dire demain qu'il ne savait pas.

Ce qui est stupéfiant, c'est l'angélisme et la naïveté des gouvernants de Syriza qui semblent avoir découvert ce fait central de la "construction européenne" autour de la table de l'Eurogroupe ! Ainsi ce cher Varouf reconnaît-il qu'il a toujours considéré l'Europe "depuis l'adolescence, comme une boussole". Et c'est justement et précisément là le problème. Comme toute la gauche dire radicale en Europe, Syriza a pris les vessies du néototalitarisme libéralogermanoeuropéen pour les lanternes de l'internationalisme.

Dans une itv à L'Arène nue, je répondais à Coralie Deleaume, le 21 février dernier, sur la position de Syriza sur l'euro :

"Je pense qu’elle se pose de la façon suivante : Syriza ne pouvait pas faire campagne en prônant une sortie de l’euro, comme l’ont fait d’autres petits partis de gauche (Plan B, EPAM, Antarsya). L’opinion reste majoritairement attachée à la monnaie unique, essentiellement par crainte des conséquences d’un retour à la drachme. Dire que la sortie de l’euro s’imposerait, c’était prendre le risque de perdre les élections et donc de la poursuite des mémorandums. Il ne pouvait non plus donner comme horizon un défaut sur la dette.

Mais en même temps, Syriza a répété qu’il n’y aurait plus aucun sacrifice pour l’euro et l’on a entendu certains de ses candidats, durant la campagne, dire par exemple que si la BCE, comme elle l’a fait à Chypre, cessait d’approvisionner la Grèce en liquidités, la Banque de Grèce devrait imprimer elle-même des euros… Les arbitrages définitifs sur ces questions ont-ils été rendus ? Je ne le crois pas, et dans une situation aussi mouvante, qui peut assurer que des arbitrages rendus hier seront encore valables au lendemain d’un coup de force des institutions européennes ? Nous sommes dans une dynamique, pas dans une guerre de tranchée.

Dès lors la question est celle des convictions. Les membres du gouvernement sont-ils convaincus qu’ils peuvent mener une « autre politique » à l’intérieur de la cage de fer de l’euro et des traités européens ? Et obtenir des partenaires européens les concessions qui leur permettraient de la mener ? Si oui, à mon avis ils se trompent, et s’ils n’ont pas préparé une option de rechange, ils se trouveront dans la situation de devoir capituler. A propos de la situation de Papandréou face à Merkel et Sarkozy en 2009-2010, j’ai écrit dans La Grèce et les Balkans : « en entrant dans la négociation sans alternative à son échec – moratoire sur le paiement des intérêts et le remboursement de la dette, défaut partiel voire sortie de l’euro, afin d’exercer des pressions sur l’Allemagne et la France dont les banques, importantes détentrices de dette grecque, avaient beaucoup à perdre –, le gouvernement PASOK s’est mis d’emblée en position d’accepter même l’inacceptable ». La situation de Syriza est la même aujourd’hui et s’il met ses pas dans ceux du PASOK, il subira le même sort, en ouvrant toute grande la porte aux néonazis d’Aube dorée."