Une dépêche de Reuters, relayée par le site de To Pontiki, faisait état hier soir d'une "proposition" de Bruxelles, ou en tout cas de propos rapportés de responsables européens, évoquant, en cas de non accord entre la Grèce et l'Eurogroupe, et donc d'impossibilité pour le gouvernement grec de payer les salaires, les pensions, etc., d'institution, donnée pour provisoire, d'une double monnaie.

La réalisation d'une telle perspective constituerait à coup sûr l'ouverture d'un sas vers le retour à la drachme.

Mais comme on ne voudra pas dire qu'on abandonne l'euro, on présentera cette solution comme provisoire - un provisoire qui conduira inéluctablement, à plus ou moins brève échéance, à la sortie de l'euro. La pédagogie dont je parle depuis le 25 janvier !

Car il ne faut dire à aucun prix aux peuples qu'on a fait une faute monumentale il y a 25 ans, que cela a coûté cher, en argent, en destruction de richesses, d'emplois, en vies perdues, qu'il n'y a pas d'issue, que les élites qui ont construit cette chimère ont tout faux sur toute la ligne, qu'elles ont massivement et complètement failli.

Car, évidemment, ce sas sera rapidement ouvert à d'autres - à commencer par l'Espagne, le Portugal et l'Italie qui se trouve dans une situation tragique... la France sans doute pas loin derrière. Ce serait donc, en réalité, un sas vers la dissolution à bas bruit, enfin, de cette monnaie imbécile et criminelle, qui serait ouvert.

Ce qui est certain, en tout état de cause, c'est que, alors que les "élites" françaises sont en train d'achever leur discrédit en refusant de voir le caractère inéluctable de la disparition de leur Frankenstein monétaire, la sortie de la Grèce de ce système pervers qui enrichit les riches et appauvrit les pauvres apparaît chaque jour plus probable. Et heureusement, car si la Grèce n'en sort pas, d'une manière ou de l'autre, le gouvernement Syriza/Grecs indépendants se condamnerait à l'échec et ferait du même coup la démonstration que l'Union européenne a réussi à tuer la démocratie en Europe - comme un récent rapport de la commission Libertés civiles, justice et affaires intérieures du soi-disant Parlement européen lui-même en décèle les signes alarmants.

Et ce qui est intéressant, c'est qu'on semble désormais chercher des solutions techniques pour que le passage soit le moins chaotique possible. Négocié. Le défaut viendra ensuite, d'une manière ou d'une autre, par la décision explicite de faire défaut sur une partie de la dette, ou par le défaut implicite d'une dévaluation/inflation qui en réduira de 30 ou 40% en 5 ou 6 ans le montant nominal.

En attendant de voir si ce scénario prend forme, Quatremer, La voix de son Maître, semble lui donner corps aujourd'hui sur Tweeter (je n'y suis pas, mais c'est Coralie Delaume, du blog L'Arène nue, qui me passe cette info), en annonçant pour imminent l'établissement en Grèce d'un contrôle de sortie des capitaux qui n'a déjà que trop tardé. Si c'est le cas, on est autorisé à penser qu'il s'agirait de la première étape du processus évoqué dans la dépêche de Reuters, dont l'annonce pourrait suivre le rejet par l'Eurogroupe de la liste des réformes que le gouvernement grec doit présenter lundi - si ces réformes ne constituent pas la capitulation en règle de la démocratie qu'exigent l'Allemagne, la BCE et la Commission.