Si, comme l'annonce le torche-cul allemand Bild, Varoufakis venait à démissionner au profit de quelqu'un de plus "souple", cela signifierait que le gouvernement grec se compose à Berlin, comme au temps où l'on remplaça Papandréou par le banquier Papadimos, que Syriza est sur la voie d'une capitulation moyennant quelques aménagements symboliques du carcan dans lequel crève le peuple grec depuis cinq ans, et que Syriza se construit le destin du PASOK. Ce qui prouvera en outre, une fois de plus, l'incompatibilité entre l'Union européenne et la démocratie qu'elle est chargée de détruire en même temps que l'Etat social.

Bien sûr, s'il advenait que Varoufakis - qui refuse la sortie de l'euro et a misé sur une inflexion de bon sens des suicidaires politiques européennes, tentative vouée à l'échec - soit remplacé par Lapavitsas, ou l'un de ceux qui pensent avec raison qu'aucune "autre politique" n'est possible à l'intérieur de l'euro, cette démission éventuelle aurait un tout autre sens.

Car le sort de Varoufakis importe peu. L'homme est brillant. Trop ? C'est aussi un électron libre. Trop ? Pour ce que j'en sais, il a peu (euphémisme) participé aux travaux collectifs préparatoires du programme économique de Syriza et doit essentiellement sa nomination à sa relation personnelle, forte, avec Tsipras. Pour ce que j'en sais... Reste que même s'il était pour la sortie de l'euro (et je ne sais pas s'il l'est), s'il est chargé de jouer une partie de poker menteur, c'est-à-dire de montrer aux Grecs que, même en faisant des concessions, on ne peut obtenir aucune inflexion, fût-elle minime, de la raison délirante et du dogme qui gouvernent l'Europe, il ne peut pas le dire...

Ce qui importe, en revanche, c'est de savoir si le gouvernement prépare la sortie de l'euro, techniquement et pédagogiquement en montrant à son peuple que ce qu'il est convenu d'appeler l'Europe n'est conduit que par la raison délirante de l'Allemagne et le dogmatisme néolibéral, ou bien s'il prépare la capitulation devant la raison délirante et le dogme.

Sans doute en saurons-nous un peu plus là-dessus lundi en voyant le contenu des "réformes" que le gouvernement grec s'est engagé à transmettre à l'UE, à la BCE (qui a hier resserré d'un cran le noeud coulant autour du cou du gouvernement grec en appelant les banques grecques à ne plus acheter de dette grecque) et au FMI.

On apprend ce soir que le gouvernement grec attend de ces réformes 3 milliards d'euros, et la création de conditions permettant à l'économie grecque d'atteindre un taux de croissance de 1,4%. Tandis que, à la suite de la lettre de Tsipras à Merkel du 15 mars, une source gouvernementale à Athènes indique que "le gouvernement a déjà dit clairement, à tous les niveaux de la zone euro et du FMI, qu'il ne continuerait pas à rembourser sa dette publique sur ses propres fonds si les créanciers ne versent pas immédiatement les tranches dont le versement est repoussé depuis 2014."

Alors ? Le suspense continue.