Chronia polla à tous mes amis grecs, et à tous mes amis français qui vivent en Grèce, pour cette première fête nationale depuis la victoire du peuple contre la Nomenklatura au service de ce qu'il est convenu d'appeler l'Europe ! Combien je voudrais être avec vous aujourd'hui !!!

Le 25 mars est la date symbolique qui a été retenue comme celle du début de l'insurrection de 1821 contre l'occupation ottomane. Pour les Français (ceux qui, par hasard, n'auraient pas encore lu La Grèce et les Balkans), cette date fut le début d'une longue et meurtrière guerre de libération nationale (autour de 200 000 morts pour toute la Grèce et une population du nouvel État, de 700 000 à 800 000 habitants) qui ne s'acheva qu'en 1830, par la reconnaissance d'une Grèce indépendante - dessinée par les impérialismes anglais, russe, français, turc.

Cette Grèce, trop petite pour être viable, enchaînée déjà par la dette qu'elle avait dû contracter pour mener sa lutte, pauvre, n'aurait d'autre choix désormais que d'orienter ses énergies vers l'achèvement de son projet national (faire rentrer dans l'espace national les 2,3 millions Grecs qui restaient sujets ottomans) plutôt que vers la modernisation. Choix fatidique des puissances tutélaires dont les Grecs payent encore les conséquences.

Ce soulèvement était donc national, au sud-est d'une Europe de la Sainte Alliance qui considérait comme un crime le soulèvement d’un peuple contre son souverain - fût-il Turc et musulman, dans le cas des Grecs. « Il y a, en Grèce, trois cent mille têtes à couper » écrira le prince de Metternich, chancelier d’Autriche et gardien en chef du temple européen (déjà) et réactionnaire (aussi). Et il ajoutera, à propos du soulèvement des Grecs « quelle que soit la différence entre ses causes anciennes et permanentes, et celle des révolutions que la grande alliance a été appelée à combattre dans le cours salutaire de son existence, n’en a pas moins puisé son origine directe dans les menées de la faction désorganisatrice qui menace tous les trônes et toutes les institutions ». De Vienne en 1821 à Berlin aujourd'hui, les échos ne sont finalement pas si différents !

Et il est vrai que ce soulèvement était aussi une révolution - épanastasis en grec -, inspirée, par les idées de la Révolution française - égalité, droits inaliénables de l’homme, y compris sociaux, abolition de l’esclavage, démocratie politique… - une révolution du peuple contre la partie de ses « élites » qui collaborait à l’ordre ottoman, levait son impôt, s’enrichissait grâce à cette servitude consentie, grâce à son rôle de relais de l’oppression ; des « élites » qui se recycleront ensuite au service des Anglais, des Français ou des Russes, dont une partie collaborera avec les Allemands et les Italiens entre 1940 et 1944, puis avec les Anglais et les Américains… des élites de droite où « socialistes » qui se feront le relais de la domination germano-européenne, exercée au travers de la Troïka depuis 2009, qui ont été battues le 25 janvier dernier.

Cette fête nationale, cette année, est donc toute particulière, d’autant que, depuis 2011, elle se passait dans l’entre soi des élites protégées de barrières interdisant au peuple les espaces de célébration officielle. Car le 28 octobre 2010, deuxième fête nationale, anniversaire du « Non » à l’ultimatum de Mussolini en 1940, les traditionnels défilés de lycéens et étudiants s’étaient transformés en une véritable révolte populaire contre les tribunes officielles où siégeaient les collaborateurs de Bruxelles et Berlin - partout à travers la Grèce, les jeunes gens tournant ostensiblement la tête dans la direction opposée aux officiels ou leur adressant une main aux doigts largement écartés, la moutza, à la fois insulte et malédiction, le peuple contraignant même, à Thessalonique, le président de la République à quitter son estrade…

C’est dire si ce 25 mars est important et symbolique. Un 25 mars sans barrière entre le pays légal et le pays réel. Un 25 mars du peuple de retour chez lui.