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mercredi 25 mars 2015

Fête nationale en Grèce : la guerre d'indépendance est aussi une révolution

Chronia polla à tous mes amis grecs, et à tous mes amis français qui vivent en Grèce, pour cette première fête nationale depuis la victoire du peuple contre la Nomenklatura au service de ce qu'il est convenu d'appeler l'Europe ! Combien je voudrais être avec vous aujourd'hui !!!

Le 25 mars est la date symbolique qui a été retenue comme celle du début de l'insurrection de 1821 contre l'occupation ottomane. Pour les Français (ceux qui, par hasard, n'auraient pas encore lu La Grèce et les Balkans), cette date fut le début d'une longue et meurtrière guerre de libération nationale (autour de 200 000 morts pour toute la Grèce et une population du nouvel État, de 700 000 à 800 000 habitants) qui ne s'acheva qu'en 1830, par la reconnaissance d'une Grèce indépendante - dessinée par les impérialismes anglais, russe, français, turc.

Cette Grèce, trop petite pour être viable, enchaînée déjà par la dette qu'elle avait dû contracter pour mener sa lutte, pauvre, n'aurait d'autre choix désormais que d'orienter ses énergies vers l'achèvement de son projet national (faire rentrer dans l'espace national les 2,3 millions Grecs qui restaient sujets ottomans) plutôt que vers la modernisation. Choix fatidique des puissances tutélaires dont les Grecs payent encore les conséquences.

Ce soulèvement était donc national, au sud-est d'une Europe de la Sainte Alliance qui considérait comme un crime le soulèvement d’un peuple contre son souverain - fût-il Turc et musulman, dans le cas des Grecs. « Il y a, en Grèce, trois cent mille têtes à couper » écrira le prince de Metternich, chancelier d’Autriche et gardien en chef du temple européen (déjà) et réactionnaire (aussi). Et il ajoutera, à propos du soulèvement des Grecs « quelle que soit la différence entre ses causes anciennes et permanentes, et celle des révolutions que la grande alliance a été appelée à combattre dans le cours salutaire de son existence, n’en a pas moins puisé son origine directe dans les menées de la faction désorganisatrice qui menace tous les trônes et toutes les institutions ». De Vienne en 1821 à Berlin aujourd'hui, les échos ne sont finalement pas si différents !

Et il est vrai que ce soulèvement était aussi une révolution - épanastasis en grec -, inspirée, par les idées de la Révolution française - égalité, droits inaliénables de l’homme, y compris sociaux, abolition de l’esclavage, démocratie politique… - une révolution du peuple contre la partie de ses « élites » qui collaborait à l’ordre ottoman, levait son impôt, s’enrichissait grâce à cette servitude consentie, grâce à son rôle de relais de l’oppression ; des « élites » qui se recycleront ensuite au service des Anglais, des Français ou des Russes, dont une partie collaborera avec les Allemands et les Italiens entre 1940 et 1944, puis avec les Anglais et les Américains… des élites de droite où « socialistes » qui se feront le relais de la domination germano-européenne, exercée au travers de la Troïka depuis 2009, qui ont été battues le 25 janvier dernier.

Cette fête nationale, cette année, est donc toute particulière, d’autant que, depuis 2011, elle se passait dans l’entre soi des élites protégées de barrières interdisant au peuple les espaces de célébration officielle. Car le 28 octobre 2010, deuxième fête nationale, anniversaire du « Non » à l’ultimatum de Mussolini en 1940, les traditionnels défilés de lycéens et étudiants s’étaient transformés en une véritable révolte populaire contre les tribunes officielles où siégeaient les collaborateurs de Bruxelles et Berlin - partout à travers la Grèce, les jeunes gens tournant ostensiblement la tête dans la direction opposée aux officiels ou leur adressant une main aux doigts largement écartés, la moutza, à la fois insulte et malédiction, le peuple contraignant même, à Thessalonique, le président de la République à quitter son estrade…

C’est dire si ce 25 mars est important et symbolique. Un 25 mars sans barrière entre le pays légal et le pays réel. Un 25 mars du peuple de retour chez lui.

Crash

Quitte à paraître un monstre, je ne vois pas ce que trois ministres ont à faire sur le site d'un crash aérien, je ne crois pas que la fonction présidentielle consiste à commenter à chaud un fait divers, aussi tragique soit-il (imagine-t-on de Gaulle apparaître à la télévision pour informer les Français des secours mis en oeuvre après un accident de train ?), je ne comprends pas ce qu'apporte "aux familles des victimes" la présence d'un chef d'Etat et de deux chefs du gouvernement sur le site d'un accident. Cette dérive compassionnelle, que Sarkozy a portée à un degré qu'il semble à Hollande indispensable d'égaler (montrant ainsi, une fois de plus, qu'ils sont "le même"), est à mes yeux le résultat de trois phénomènes convergents :

- l'hystérisation de l'actualité par les chaînes dites d'information en continu qui font des directs durant des heures pour exposer jusqu'à la nausée tout ce qu'on ne sait pas ou qui pourrait être ;

- la déchéance du politique qui, n'ayant plus prise sur rien, par son abdication devant le libéralisme et ce qu'il est convenu d'appeler l'Europe (laquelle en est à la fois le moteur et le paravent), ne voit que des avantages au triomphe du sentimentalisme (pendant que Margot pleure devant le malheur des autres, elle pense moins à ses problèmes) sur la réflexion politique et l'action ;

- la constitution en caste, en nomenklatura à la soviétique, des politiques et journalistes servant l'ordre dominant, qui vivent en vase clos, dans la même idéologie, partagent les mêmes idées et les mêmes modes de vie, sont totalement coupés d'un peuple qu'ils méprisent et dont ils ignorent, à chaque élection, ce qu'il dit, et qui, en cette occasion, par une compassion mimée et une mobilisation apparente de leur personne censée donner magiquement une effectivité aux moyens techniques mis en oeuvre, entendent montrer qu'ils sont proches des "gens" (pas du peuple) et de leurs souffrances (de la souffrance créée par le fatum, pas des souffrances que génère leur politique).

Si Barthes était encore de ce monde, cela nous aurait valu à coup sûr une belle Mythologie de plus.

En réalité, cet étalage, ce pitoyable bal de faux de plus. me semble à la fois indécent, ridicule et assez répugnant. Et encore n'avons-nous pas à nous plaindre puisque personne n'a (encore ?) insinué que ça pouvait être un coup de Poutine...

Mais pendant que la Merkel affiche sa gueule d'enterrement alors qu'elle écorche les Grecs, que Rajoy se pavane en croque-mort alors qu'il étrangle son propre peuple et que le 3e se dit qu'après Charlie ce crash va bien lui permettre de sauver dix cantons... les affaires continuent et, ainsi que nous l'apprend ''la Tribune'', où officie l'excellent Romaric Godin, la BCE a franchi, en ce jour de fête nationale grecque un pas supplémentaire dans l'étranglement de la Grèce.



Car étrangler la Grèce, afin que le mauvais exemple de Syriza fasse tache d'huile en Europe, est bien la priorité de Merkel, Juncker, Draghi et autres Hollande ou Rajoy et autres croque-morts...

Face à cette agression caractérisée, le gouvernement grec aurait dû déjà, a minima, établir un contrôle de sortie des capitaux. Le moment approche où il lui faudra choisir la capitulation en rase campagne ou le défaut et la sortie de l'euro. En ce jour anniversaire du soulèvement grec de 1821, j'espère de toute mon âme qu'il choisira la seconde option et qu'il s'y est préparé, qu'il n'est pas resté dans l'illusion qu'il pourrait infléchir - ne serait-ce qu'à la marge - l'Union européenne qui a été conçue pour détruire la démocratie et l'Etat social. On ne réforme pas un carcan, parce qu'il a été conçu pour être un carcan et pour servir à quoi sert un carcan : on le brise ou on y crève.