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jeudi 12 mars 2015

Goering prophète de l'Europe... européisme et nazisme

"Européisme et nazisme" : une analyse essentielle de Panagiotis Grigoriou, sur son indispensable blog (aidez-le si vous le pouvez)...

Avec de troublantes coïncidences, relevées grâce au grand historien Mark Mazower, entre les discours allemands sur la Grèce d'hier et d'aujourd'hui. Pour ce qui est de la nature de la construction européenne, j'ai justement commencé une conférence sur l'Europe, la semaine dernière, en relevant combien la rhétorique européiste était au coeur même du nazisme (face au bolchévisme asiatique, au judaïsme oriental, au cosmopolitisme...), comme d'ailleurs au coeur de la propagande vichyste pour qui il s'agissait, comme pour les eurolâtres aujourd'hui, de gagner la "place de la France dans la nouvelle Europe".

On y lit notamment, sous la plume de Goering évoquant une “Europe unifiée sous la direction de l'Allemagne (...) certainement unie en l'an 2000, celle des enfants de nos enfants, à un moment futur, où cette guerre ne sera qu'un lointain souvenir”, à propos de la famine de l'hiver 1941-1942 : “Nous ne devons pas nous faire du souci pour les Grecs. D'autres après eux seront touchés par le même phénomène.”, déclarait alors Hermann Göring au printemps 1942. Et la presse allemande du moment en rajoutait: “Est-ce vraiment nécessaire de gaspiller les vivres destinés aux forces de l’Axe pour maintenir en vie les habitants des villes grecques ? Sachant alors, que ces gens sont plutôt des voleurs, des trafiquants, des contrebandiers, des entremetteurs et des oisifs”. Ou encore, “Il faut encore voir jusqu'où iront-elles les forces de l'Axe, si durablement éprouvées dans leur lutte, s’agissant de nourrir en Grèce, une population de quelques millions de fainéants.”

Tout cela pour dire que l'Europe n'est pas une chose bonne "en soi" et que le refus de l'Europe actuelle n'est pas l'expression d'un "repli" ou d'un refus d'ouverture au monde - ce peut même être exactement le contraire.

Saisie d'actifs allemands en Grèce... "La Grèce et les Balkans" (paru en octobre 2013) exposait les termes de la question

La presse française semble, depuis hier, découvrir la question de la saisie de biens allemands en Grèce pour indemniser les descendants de victimes des massacres nazis - dont la RFA a par ailleurs soigneusement protégé de poursuites les responsables.

Mais si les journalistes - ou ceux qui se prétendent tels - avaient feuilleté de dernier tome de La Grèce et les Balkans, sorti en octobre 2013, ils auraient pu y lire (pages 2084-2085) que :

"Bien avant la crise, nombre de plaintes avaient été déposées par les descendants de victimes – notamment du massacre de Distomo – en vertu de la Convention IV de La Haye (1907) qui reconnaît le droit de poursuivre un État afin d’en obtenir réparation. Sur cette base, des tribunaux grecs ont condamné l’Allemagne (1997) à des indemnisations, ce qu’a confirmé la Cour suprême grecque (2000) mais, sous pression de l’Allemagne et peu avant le Conseil européen qui devait se prononcer sur l’entrée de la Grèce dans la phase finale de l’UEM, le gouvernement Simitis s’est opposé à la saisie d’actifs allemands en Grèce destinés à l’indemnisation. Puis la Cour européenne des droits de l’homme a conclu qu’en vertu de la jurisprudence, l’Allemagne dispose de l’immunité relativement à la juridiction civile des autres États. En revanche, les plaignants grecs ont obtenu de la Cour de cassation italienne, dont la jurisprudence considère au contraire que cette immunité ne peut être alléguée en cas d’atteintes graves aux droits humains et au droit humanitaire, la décision de faire appliquer les jugements rendus en Grèce, le recours déposé par l’Allemagne contre l’Italie devant la Cour internationale de Justice aboutissant finalement, en février 2012, à faire prévaloir l’immunité de juridiction sur le droit des victimes. Or, si cette position est contestée par nombre d’ONG, dont Amnesty International , une grande partie de l’opinion grecque la considère comme un déni de justice."

En réalité, comme la levée du veto grec à l'ouverture des négociations d'adhésion de la Turquie dans l'UE intervenue dans la même période, le renoncement du gouvernement Simitis à saisir des avoirs allemands, sous d'intenses pressions de Berlin, a sans doute constitué un élément du "deal" qui a conduit à l'acceptation de la Grèce dans l'euro. Car cette acceptation n'a jamais été le résultat d'une fraude grecque, comme on l'a répété partout à partir de 2008 pour justifier les politiques appliquées en Grèce, mais bien d'une décision politique.

Et très probablement d'un marché passé en toute connaissance de cause entre le gouvernement grec et les autres gouvernements européens.