Cette fois, je suis rentré pour de bon de Nisyros. Presque trois mois et tellement d'évidences, quotidiennes, que "chez moi c'est là-bas", qu'ici c'est l'exil.

Bon, on ne va pas se lamenter plus longtemps : le prochain retour chez moi, ce n'est après tout que pour fin décembre et, comme je l'indique dans le post suivant, l'automne va être bien occupé : sortie de mon dernier né, chez Hatier (visuel ci-dessous), signatures et/ou conférences-débats aux salons du livre du Mans et de Verdun, à la librairie Kleber de Strasbourg, à la MJC de Romans, au MUCEM de Marseille.

Car La Grèce et les Balkans, du Ve siècle à nos jours continue à nous surprendre - moi, mes éditeurs, ses commerciaux - par l'intérêt qu'il suscite... Rassérénant que le choix de la complexité et de l'intelligence du lecteur - alors que la longueur de l'ouvrage était présumée anti-commerciale - débouche sur un succès, également commercial.

Et puis, en octobre, je reprends mes cours à l'Université interâges de Créteil : la Russie dans les relations internationales des tsars à Poutine, deux "classes" en Enjeux du monde contemporain (les élections européennes, le Proche-Orient, la présidentielle turque, le référendum écossais... le pain ne manque pas sur la planche !) et j'inaugure un cycle de quatre cours de géopolitique (mais où est passée la défense européenne ? ; l'Irak au bord de l'éclatement ; le gaz de schiste : eldorado ou illusion ? ; intangibilité des frontières et intégrité territoriale : les principes et la réalité) : bref, je ne risque pas de m'ennuyer !!!

D'autant qu'il me reste encore trois chapitres de mon prochain roman à écrire. Mais à Nisyros, nous avons utilisé ces deux dernières semaines - entre plage, ouzo et retsina, copains - à passer un peu plus des deux cents premières pages au gueuloir - toujours une épreuve, pour moi, car Frédéric, mon compagnon, est traducteur de profession, un technicien de la langue qui ne laisse rien passer, qui me met, sans pitié ni ménagement, devant mes faiblesses en lisant mon texte - qui m'est si intime, si cher, dans lequel j'ai tant mis au long des jours et des nuits d'écriture, de relectures, de corrections - avec la voix la plus blanche possible. Une épreuve souvent pénible mais qui fait que mes livres doivent beaucoup à Frédéric. Car si je me révolte souvent, dans l'instant, contre ses remarques qui sont cruelles pour celui qui a tant sué sur son texte, force est de constater que son diagnostic est presque toujours imparable ; et que, même lorsque les solutions qu'il propose ne me conviennent pas, je ne peux persister à nier les problèmes qu'il pointe.

D'habitude, c'est donc un moment délicat entre nous, émaillé de prises de bec, de tensions, de franches engueulades. Mais pas cette fois ! Est-ce Nisyros ? L'effet lénitif des émanations sulfureuses de notre volcan ? En tout cas, ce gueuloir-là fut étonnamment serein. Sans concession mais sans algarades et sans le stress qu'elles génèrent. Du bon boulot ! enfin j'espère... Reste à le terminer.

Enfin, à Nisyros, si j'écris dix fois mieux et plus vite qu'à Paris, je me sers aussi de mes mains - les deux choses n'étant peut-être d'ailleurs pas sans liens... Après l'étanchéité de notre toit l'an passé, la menuiserie et la peinture en juillet-août, je me suis attaqué à...

Je prendrais peut-être encore plus de plaisir, l'hiver prochain que les hivers précédents, au coin de notre feu. Mais en faisant ce boulot-là, j'ai aussi pensé très fort à mon père et à mon grand-père. Ce dernier avait créé, dans les années 1920-1930, son entreprise de fabrication de cuisinières et poêles. Le dernier modèle s'est nommé Brigitte : mon grand-père avait toujours, en vain, voulu une fille, et ma soeur, Brigitte, née en 1955, était pour lui un objet d'adoration. Ensuite, mon grand-père, mon père et mon oncle, sont devenus vendeurs-concessionnaires. Mais ils ont continué à installer, entretenir, réparer... ramoner, jusqu'à ce que l'irruption des grandes surfaces fasse péricliter ce petit commerce/artisanat, et que mon père, à la quarantaine, se reconvertisse - afin que ma soeur et moi fassions des études. C'était encore un moment où, dans la société française, l'éducation était au centre d'une mobilité sociale que l'Europe et le libéralisme ont tuée - en même temps que la démocratie réelle, la nôtre n'en a (presque) plus que des formes mortes. Je n'ai pas encore montré à papa (85 ans) ces photos-là, mais j'imagine qu'elles vont lui rappeler des souvenirs.

Pour le reste, je suis toujours, et de plus en plus en colère, contre la caste d'irresponsables, aveugles et sourds (qu'ils soient de la vraie droite ou de la fausse gauche), qui, à Berlin, Bruxelles, Paris ou Athènes nous font avancer chaque jour davantage vers une catastrophe dont nous ne pouvons imaginer ni la nature ni l'ampleur et qui, chaque jour, devient un peu plus inéluctable. Mais nous aurons l'occasion d'en reparler. Hélas !