Il y a 47 ans, une junte militaire prenait le pouvoir à Athènes. Sa devise - La Grèce des Grecs chrétiens - inspirera au prix Nobel de littérature, Georges Séféris, un de ses derniers poèmes intitulé «Stupidité» : «Grèce… Feu ! des Grecs… Feu ! chrétiens… Feu !/Trois mots morts. Pourquoi les avez-vous tués ?»

Et en septembre 1971, les obsèques de Séféris se transformeront en manifestation contre la dictature, la foule entonnant « Refus », un poème du défunt mis en musique par Mikis Théodorakis, figure majeure de la résistance au régime et bête noire de la junte...

Aujourd'hui, 40 ans après la chute de cette junte, nombre de Grecs ont le sentiment de vivre sous une nouvelle dictature, masquée derrière les formes parlementaires qu'il n'a pas été (encore ?) nécessaire d'abroger, mais qui ont été vidées de tout contenu réel par les Diktats de Berlin dont l'Europe s'est fait le relais. Le Parlement, en Grèce, n'a plus aujourd'hui pour fonction que d'enregistrer - sans avoir plus celui de les amender - les appareils législatifs essentiels décidés ailleurs, à Berlin et Bruxelles, hors de toute légitimité démocratique. C'est d'ailleurs également le cas en France, ce que constatent ces jours-ci, avec amertume, nombre de députés "socialistes", une amertume plus ou moins feinte au demeurant, puisqu'ils ont eux-mêmes, depuis trente ans, activement participé au processus qui a conduit à leur dessaisissement progressif de tout pouvoir réel, à l'abdication de pouvoirs dont ils n'étaient nullement propriétaires, seulement dépositaires.

Aujourd'hui, le véritable ennemi de la démocratie, en Europe, ce ne sont ni les militaires, ni les extrêmes droites, qui servent de très utile épouvantail afin d'assurer la pérennité au pouvoir des "partis de gouvernement" (vraie droite et fausse gauche de plus en plus souvent alliées, comme en Grèce ou en Italie, et ceci logiquement puisqu'elles défendent la même politique européenne qui conditionne toutes les autres), le véritable ennemi de la démocratie et des peuple d'Europe, c'est... l'Europe, qui ne peut être autre chose que ce qu'elle est, et qui sert exactement à ce pour quoi elle a été conçue : extraire du domaine du débat politique les choix économiques et monétaires, sanctuarisés dans des traités intouchables, et vider de tout contenu réel la souveraineté populaire face aux puissances d'argent.

Dans ce processus anti-démocratique, l'Europe n'est pas accessoire, elle est centrale, le moyen, le levier, la justification des politiques néolibérales. Elle est à proprement parler la nouvelle junte, non militaire, que les peuples doivent écraser pour renouer avec la démocratie.