Ce fut un excellent salon pour moi et je veux remercier, ici, tous ceux qui se sont intéressés à mes trois livres ou sont venus échanger avec moi. Car, manifestement les Balkans et le "laboratoire" grec intéressent autant qu'ils inquiètent - et bien plus que je ne l'imaginais. En réalité, j'ai été très surpris de constater combien les gens étaient peu dupes de la désinformation "officielle" sur la crise grecque (les Grecs sont feignants, fraudeurs, menteurs, etc.) et combien ils perçoivent qu'il y a, à cette "crise", d'autres causes que celles qu'on a voulu leur faire avaler. Combien ils ont de suspicion sur le fait que "on n'en parle plus aujourd'hui"... et combien ils s'attendent à ce qu'il leur arrive la même chose.

La conférence que j'ai donnée hier après-midi m'a conforté dans cette impression : elle a fait salle comble et les questions ont duré, exclusivement sur ces thèmes, ces interrogations et ces angoisses, une heure après mon heure d'exposé.

Et puis, ce matin, après les invectives racistes des dernières semaines, un coup de feu dans un quotidien.

Qui que ce soit qui ait tiré, et pour quelque raison que ce soit, ces indices, l'un après l'autre, montrent que la société française est en train de s'ensauvager à grande vitesse, qu'il s'agisse du racisme qui n'hésite plus à s'afficher, comme l'homophobie, ou d'autres manifestations dont nous n'avons pas fini d'apprécier la variété.

Il ne sert cependant à rien de s'en offusquer, bien qu'il soit légitime de le faire.

Il faudrait mieux commencer à comprendre que c'est la désagrégation sociale issue de la même politique néolibérale menée par la droite et la soi-disant gauche qui installe, ici comme en Grèce depuis trois ans, sous prétexte d'une Europe à direction allemande, sourde, aveugle et autiste, le chômage de masse, la paupérisation des classes moyennes, le désespoir qui lève tous les tabous, la perte totale de confiance dans une démocratie sans alternance autre que formelle, la recherche de boucs émissaires.

Nous sommes quelques-uns à dire, à répéter et écrire, depuis longtemps, que tout cela finira mal, dans la violence politique - Aube dorée est la création de Merkel, Barroso et Sarkhollande - et un jour, sans doute, dans la guerre.

L'Europe a déjà connu ce cercle vicieux déflation- récession- décridilisation de la démocratie - violence politique - guerre. On nous a bassinés pendant des décennies avec le devoir de mémoire, mais notre nomenklatura politico-médiatique, socialement privilégiée et coupée des réalités, est incapable de voir aujourd'hui que les mêmes politiques économiques déflationnistes nous entraînent dans une spirale de nature similaire, même si, bien sûr, elle n'est pas semblable à celle des années 1930.

Pourtant, comme alors, il y a bien DES alternatives au laisser-faire et à la déflation Merkhollande, comme il y en avait aux politiques similaires d'Hoover, de Laval ou de Brüning. En Allemagne ce fut Hitler, aux Usa le New Deal et la domestication partielle de la finance, en France le Front populaire.

Aujourd'hui comme hier, le discours moralisateur ne sert à rien. Ce qu'il faut c'est changer, non pas de parti au pouvoir ou d'équipes, mais de politique. Vraiment. Et tout vrai changement de politique passe par la dissolution préalable de la zone euro, parce que, en interdisant l'inflation et la dévaluation qu'utilisent massivement les Etats-Unis, le Royaume-Uni, le Japon, la Turquie..., l'euro ne nous laisse d'autre alternative que de baisser les salaires et les dépenses publiques (ou d'augmenter les impôts... le résultat est le même en matière de déflation-récession) et donc de détruire, comme en Grèce, le droit du travail et l'Etat social.