L'article 35 de notre Constitution prévoit bien que "La déclaration de guerre est autorisée par le Parlement", mais l'astuce, depuis des décennies, c'est que les guerres ne sont plus déclarées. L'exécutif, en France, peut donc engager des troupes sur des théâtres extérieurs sans que le Parlement ait à se prononcer. Ce qui est évidemment contraire à la démocratie comme à l'esprit des constituants de 1958. Pour légitimer ce déni de démocratie, on a donc récemment introduit, à l'article 35, des alinéas scélérats qui disposent que : "Le Gouvernement informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l'étranger, au plus tard trois jours après le début de l'intervention. Il précise les objectifs poursuivis. Cette information peut donner lieu à un débat qui n'est suivi d'aucun vote."

Et hop ! le tour est joué... Puis on ajoute : " Lorsque la durée de l'intervention excède quatre mois, le Gouvernement soumet sa prolongation à l'autorisation du Parlement. Il peut demander à l'Assemblée nationale de décider en dernier ressort."

Il s'agit là d'une prérogative, exorbitante en démocratie, de l'exécutif et qui a été introduite sous prétexte de "renforcer les droits du Parlements !" puisque, auparavant, l'exécutif n'avait pas même à informer l'Assemblée si la guerre n'était pas déclarée. Sophisme, bien entendu, car en 1958, hors les accords de défense ratifiés par le Parlement, il était hors de question que des armées françaises fussent engagées sur un théâtre extérieur sans déclaration de guerre.

Au contraire, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, s'il n'a pas de Constitution, a lui un vrai Parlement - mère de tous les Parlements contemporains - ainsi qu'une vraie et longue culture parlementaire. Il est donc inimaginable pour un Anglais que le Premier ministre puisse engager la vie d'un seul soldat britannique, pour une quelconque raison, sans que le Parlement ait donné son aval. C'est toute la différence entre une Constitution qu'on déforme pour mieux pouvoir en violer l'esprit, et un usage que nul gouvernement britannique n'oserait enfreindre !

Or un vrai Parlement, ça sert, parfois. C'est ce que nous ont montré les Communes hier soir, en infligeant une cuisante gifle à Cameron, successeur du menteur Blair qui avait affirmé que des armes de destruction massive irakiennes étaient braquées sur Londres et pouvaient être tirées en moins d'une heure.

Tous nos va-t-en-guerre de socialistes expéditionnaires et de journalistes à la botte et à la cervelle de moineau devraient en prendre de la graine, eux qui n'ont pas encore compris, après le Kosovo, l'Afghanistan, l'Irak, la Libye (et même le Mali où les succès islamistes ont été la conséquence du désintérêt pour les problèmes politiques et économiques de ce pays créés par les frontières coloniales, exacerbés par les politiques d'ajustement criminelles du FMI et la mondialisation libérale, instrumentalisés par les islamistes, de l'irresponsable opération de Libye qui a disséminé les armes et d'une résolution ONU stupide, présentée par la France, laissant le champ libre six mois aux islamistes) que les guerres soi-disant "justes" ou soi-disant humanitaires ne réglaient rien, qu'elles ne faisaient qu'aggraver les situations, ajouter du chaos au chaos, de la cruauté à la cruauté, des morts aux morts, et rendre des solutions politiques encore plus improbables. Il faut en finir avec cette illusion de l'usage unilatéral de la force par le soi-disant Axe du Bien contre les méchants.

Si on avait sérieusement discuté avec la Russie depuis deux ans, au lieu de tout faire pour l'ignorer ou passer par dessus les intérêts légitimes d'une puissance qui, que cela nous plaise ou non, après avoir été humiliée par l'Occident pendant une décennie et demie, est redevenue une grande puissance, si au lieu des menaces et des invectives on avait discuté sérieusement avec l'Iran, qui n'est ni meilleur ni pire que nos chers alliés saoudiens et qataris, et qui est une grande nation (ce qui n'est le cas ni de l'Arabie ni du Qatar qui sont des sociétés anonymes fondamentalistes aux mains d'un clan, qui financent la plupart des terroristes et qui tueront demain les chrétiens de Syrie comme ils ont tué ceux d'Irak grâce à l'invasion anglo-américaine), quel que soit son régime, si on ne s'était pas illusionné depuis dix ans sur le rôle régional délétère de la Turquie, son impérialisme néo-ottoman et son islamisme soi-disant modéré, la question de Syrie ne serait à l'évidence pas arrivée là où elle en est et serait peut-être même déjà du passé.