Ainsi donc, sans arrière-pensée électorale aucune, Caligula s'est-il adressé à son bon peuple, deux jours avant des élections.

Et pour quoi dire ?

Qu'il y en a assez de l'environnement après nous avoir bassiné avec son Grenelle ? Pour nous informer de l'état de sa réforme du capitalisme qu'il a entreprise tout seul avec ses petits bras, et avec l'aide du fondé de pouvoir des banques luxembourgeoises qui dirige l'Eurogroupe ? Pour menacer les vingt-six autres pays de l'Union de ses foudres s'ils ne veulent pas rétablir la préférence communautaire ?

Que nenni.

Caligula souhaite juste informer son bon peuple qu'il peut éviter de lui foutre une mémorable rouste électorale, puisque le bon plaisir de Caligula sera, après avoir un peu plus démantelé les retraites tout de même, d'accorder à son bon Parlement la latitude de "délégiférer"... Goûteux néologisme !

On a déjà dit ici, à bien des reprises, combien, parmi les maux qui rongent et vident de sa substance notre démocratie, la dysenterie législative est un des plus pernicieux. Et soyons juste, il ne date pas de l'accession de Caligula à l'empire.

Il y a déjà plusieurs décennies qu'en violation de la Constitution qui définit précisément ce qui est du domaine de la loi et ce qui est de celui du décret - violations devenues habituelles et que le Conseil constitutionnel se serait honoré de sanctionner systématiquement -, les gouvernements multiplient les textes insanes et inutiles, sans même prendre soin ensuite, parfois, de publier les décrets d'application. Il y a plusieurs décennies déjà qu'on adopte des textes à la chaîne, sans se soucier de savoir s'ils sont compatibles avec ceux qui sont en vigueur, sans se soucier de savoir s'ils sont applicables. Il y a des décennies déjà que cette surabondance de lois tue la loi à petit feu, personne, dans nul domaine, ne pouvant plus prétendre savoir ni ce qu'elle prescrit ni ce qu'elle empêche. Comme en matière monétaire, l'émission massive de mauvaise monnaie chasse la bonne et tue l'économie, l'adoption permanente de lois sur tout et de préférence sur n'importe quoi, avec quoi a fini par se confondre l'action politique, faute de pouvoir encore être action, prive la loi de l'autorité qu'elle devrait avoir en démocratie - trop de lois tue la loi et la démocratie.

Mais enfin qui est responsable de la forme suraiguë qu'a prise cette dysenterie depuis l'avènement de Caligula? Combien de textes inutiles, décidés sur un coup de tête du souverain ? Combien de textes irréfléchis, élaborés à la va-vite, pour répondre à un fait divers insignifiant ? Combien de lois sur la sécurité ? cinq, dix, quinze, depuis que Caligula est entré place Beauvau ? Combien de textes inapplicables et inappliqués, seulement destinés à faire passer son agitation pathologique pour de la volonté ?

On est heureux que Caligula nous laisse espérer qu'il a enfin compris la nocivité de la manière dont il a dirigé le char de l'Etat depuis qu'il en a saisi les rênes. On en accepte l'augure et on se réjouit, si cela signifie que, dans l'avenir, Caligula réfléchira plus de trente secondes avant de parler, qu'il écoutera plus que de trois courtisans avant de décider de textes superfétatoires que le Parlement est ensuite appelé à ratifier, plus qu'à discuter et adopter.

On serait encore plus satisfait s'il dématraquait un peu les classes moyennes et autres petites gens qu'il s'est employé à détrousser au profit des plus nantis ; on exulterait surtout, s'il acceptait enfin d'arrêter, tout simplement, de déconner.