Le clampin de service au jité de la 2, hier, nous a annoncé une grande nouvelle qu'il avait l'air de découvrir comme une grande surprise : les Français dépensent de plus en plus pour leur santé.

Ben en voilà une vraie surprise, en effet ! Mais appartenir à la Nomenklatura médiatique, môsieur Clampin, ça ne dispense pas de sortir voir le bas peuple, de temps en temps, le dimanche après la messe !

Eh oui, le clampin il ne s'était pas rendu compte que depuis quinze ans on démantèle en douce la Sécu ?! Il ne s'était pas rendu compte que des médicaments parfaitement efficaces, reconnus, sont soudain devenus sans le moindre intérêt thérapeutique, mais que, indispensables à beaucoup de gens, sans autres médocs sur le créneau, on est bien obligé de les acheter quand même.

Il ne s'est pas rendu compte non plus que d'autres médocs, tout aussi indispensables, sont devenus du domaine du... confort !

Il ne s'est pas rendu compte que le forfait hospitalier n'a cessé d'augmenter.

Il ne s'est pas rendu compte que les soins chez le dentiste, les lunettes, etc. ont augmenté alors que les ridicules remboursement de la Sécu n'ont pas bougé.

Il ne s'est pas rendu compte qu'on a établi une taxe sur les malades chroniques pudiquement appelée franchise médicale.

Il ne s'est pas rendu compte que les tarifs des mutuelles ont grimpé au lustre...

Il ne s'est rendu compte de rien, monsieur Clampin. Même pas que fleurissent désormais sur nos écrans les pubs pour le juteux marché des assurances santé privées.

Parce que le fameux "trou de la sécu", pure connerie inventée pour noyer son chien après avoir crié partout qu'il avait la rage, ne sert qu'à ça : augmenter la part à la charge des assurés sociaux pour ouvrir de force le marché aux assureurs privés... parmi lesquels, je crois bien, se trouve par pur hasard un frérot de notre président.

Parce que le trou en question, il n'est qu'une question d'optique comptable. Il suffirait de concevoir autrement ce que sont les dépenses de santé, de les considérer comme des transferts vers un secteur productif, créateur de richesses, ce qu'il est, et non en terme de déficits comptables, logique aussi malthusienne que maastrichienne, pour qu'il n'existe plus.

Mais cela est un autre débat. Le mythe comptable du déficit de la Sécu, comme le mythe comptable du déficit des finances publiques, ne sert qu'à une chose : ponctionner plus le travail au profit du capital ; l'autre solution, qui consisterait à ponctionner plus le capital au profit du travail nécessiterait une remise à plat de tout le système fiscal et une dose salutaire d'inflation.

La voie qui a été prise par nos politiques - de droite et soi-disant de gauche -, celle de la culpabilisation des malades et de leur taxation n'est donc nullement le résultat du hasard ou du malheur des temps, mais le résultat de choix idéologiques et il suffit de considérer les secteurs que l'OMC veut ouvrir à la concurrence (éducation culture, santé...) pour en apercevoir la cohérence implacable.

Mais le clampin du jité, lui, l'a rien vu ; l'est surpris parce qu'une étude lui révèle que les Français dépensent plus pour leur santé... mais heureusement, conclue-t-il, notre clampin magnifique, c'est aussi parce que les Français sont mieux soignés.

Non, môsieur Clampin, vous trompez votre monde : c'est parce qu'un nombre de plus en plus réduit de Français ont les possibilités financières d'être de mieux en mieux soignés, tandis qu'un nombre de plus en plus grand de Français ont de plus en plus de mal d'accéder aux soins élémentaires auxquels tout le monde (ou presque) pouvait naguère accéder, tandis qu'un nombre de plus en plus grand de Français sont obligés de différer des soins, d'y renoncer, de vivre avec des douleurs et une qualité de vie de pire en pire parce qu'ils ne peuvent plus obtenir le remboursement de médicaments dits de confort.

Ma maman, 81 ans, vient de se faire opérer dans un hôpital public. Mes parents ont travaillé dur toute leur garce de vie. Elle ne s'est fait opérer ni par caprice, ni par plaisir, ni par goût du confort. Elle a dû rester huit jours hospitalisée. Elle a une mutuelle dont la mensualité représente près de 7% des revenus mensuels de mes parents.

A 81 ans, opérée, après une anesthésie générale, elle pensait avoir droit à une chambre individuelle. 320 euros, 40 par jour, sans remboursement ni de la Sécu ni de la mutuelle ; 320 euros, 40 de plus que ce qui reste à mes parents une fois que, sur la retraite d'une vie de travail, qui leur permettait de vivre bien il y a vingt ans, qui ne leur permet plus que de survivre aujourd'hui (merci l'euro !), on a enlevé les prélèvements et la nourriture.

Voilà la réalité, Monsieur Clampin, que vous entreverriez si, parfois, le dimanche après la messe, vous vous abaissiez à sortir de votre Nomenklatura médiatique pour voir comment vit le bas peuple.