Bon, on a beau se dire qu'on n'a aucune chance, que de toute façon il y a dans la course un livre de chez Actes Sud, éditeur bien plus "légitime" pour un jury qu'un petit éditeur pédé de province, on a beau se dire qu'il ne faut rien espérer pour n'être pas déçu...

Ce soir, à l'Espace Kleber, dans le 16e arrondissement, sera décerné le Prix Handi-Livres, L'Or d'Alexandre est un des cinq finalistes dans la catégorie roman et je ne peux m'empêcher d'être un peu... fébrile.

Il faut dire que c'est la première fois que je me trouve dans cette situation et que au moment exact où sort Comment je n'ai pas eu le Goncourt (il a été livré avant-hier aux libraires), je me dis que ce serait bien d'Hermès de me faire un clin d'oeil facétieux.

En tout cas, si je l'ai, je le partagerai avec Michel Robert, dont la rencontre, à l'occasion d'un forum à la Fnac de Reims organisé par l'association gay Ex Aequo, m'a profondément bouleversé. Ce jour-là, il était venu me parler de mes précédents livres et je m'étais accroupi pour discuter avec lui. A cause du brouhahas ambiant, je l'entendais mieux. Et puis à la fin, Michel m'a remercié d'avoir accordé de mon temps à quelqu'un "comme lui", de m'être mis à sa hauteur.

J'en suis resté baba ; je m'adressais à un homme, pas à des membres paralysés. Il m'a raconté que c'était bien rare, et puis parlé des mille et un mépris, discriminations, humiliations.

Nous sommes devenus des amis et, un jour, je lui ai dit que la littérature française, atteinte de nombrilite aiguë, me semblait également frapée de surdité, de cécité et d'autisme vis-à-vis du handicap ; que j'avais envie, besoin, de construire un personnage handicapé.

Sans pathos, sans compassion, sans charité. Juste un personnage vrai. Mais que si je me lançais là-dedans, ce serait avec l'assurance qu'il répondrait à toutes mes questions, les plus intimes, les plus organiques, les plus dérangeantes peut-être ; et puis qu'ensuite, avant mon éditeur, il me lirait pour me dire.

Il a tellement joué le jeu ! sans aucune fausse pudeur... Le temps qu'il a mis à lire mon manuscrit compte parmi les moments les plus angoissants de ma vie d'écrivain, et ce qu'il m'en a dit parmi les plus grandes joies.

Il ne sera pas avec moi, physiquement, ce soir, mais moi je serai avec lui si jamais c'est à L'Or d'Alexandre que revient le prix Handi-Livres.