Il y a quelques années, dans le pays sur lequel avait régné Enver Hoxha, l'effondrement d'un système de pyramides financières ruinait des milliers de "spéculateurs" albanais. Le système est simple : on promet à chaque gogo un intérêt défiant toute concurrence, qu'on lui paye grâce à l'élargissement de la base de la pyramide, c'est-à-dire du nombre de gogos qui confient leur argent aux Chéops de la finance.

Le problème c'est que, si la base ne s'élargit plus, s'il n'y a plus de gogos pour apporter de nouveaux fonds, non seulement les gogos déjà engagés ne touchent plus d'intérêt, mais ils perdent leur capital.

Ce qu'on ignorait, c'est que les pyramides albanaises avaient servi de modèle dans l'Amérique de George Bush. Que des citoyens d'un pays mafieux, sortant d'un des régimes les plus bêtes de l'histoire de l'humanité, aient pu se laisser prendre, on le comprend.

Que HSBC, la BNP, Natixis, des banques suisses et autres institutions tenant le haut du pavé financier international se soient comportés comme ces gogos-là devant un Chéops ancien patron du Nasdaq, en dit long sur l'état de pourriture avancée du système libéral que l'on nous a donné, depuis trente ans, comme un modèle indépassable. Sur le caractère mafieux de l'économie qu'ont engendrée la dérégulation, la libre circulation des capitaux, le libre échange généralisé.

Face à une pareille pourriture, face à un pareil naufrage, on attendrait que ceux qui nous ont vendu pendant trente ans cette politique-là, les Bush et les Sarkozy, les Juncker et les Trichet, les Minc et les Attali, les Arnaud et les Lagardère, les héros des temps modernes que constituaient les habitués du Forum de Davos, tous ces gens qui ont imposé depuis trente ans aux classes moyennes et aux pauvres, plus de précarité, moins de salaires, moins de retraites, moins de protection sociale afin de redistribuer toujours plus au capital et toujours moins au travail, on attendrait que ce petit monde-là disparaisse dans une grande trappe. Que ce monde-là ait au moins la décence d'avouer qu'il s'est trompé et qu'il a trompé, puis qu'il s'engloutisse dans les oubliettes de l'histoire.

Pour l'instant, il n'en est rien ; mais c'est peut-être ce qu'ont commencé à dire haut et fort, certains, la semaine dernière, à Athènes.