Reconnaissons d'abord, une fois n'est pas coutume, que si l'agitation un brin pathologique de notre Président a frôlé l'inconséquence et le pataquès cet été dans l'affaire géorgienne, elle a sans doute aussi secoué à bon escient le cocotier bruxello-libéral où les Trichet et les Juncker restaient solidement arrimés à leurs monomanies respectives de l'inflation qui menace l'équilibre de la planète et de la transcendance des marchés qui ont toujours raison, si seulement on les libère de toutes les règles et de tous les garde-fous qui les empêchent de tendre... à l'équilibre.

Et passons sur le fait...

que Sarkozy a défendu l'adoption de ce traité de Maastricht qui a condamné l'Europe, depuis, à une croissance anémique, qui a mis la charrue avant les boeufs en créant une monnaie unique pour des pays qui n'ont ni la même structure économique, ni la même politique, ni les mêmes besoins, ni les mêmes faiblesses, imposant à tous des critères absurdes issus de la terreur historique allemande de l'hyperinflation des années 1920 et dont le principal effet, conjugué à la mondialisation, a été de faire des salaires la seule variable d'ajustement, des critères qui volent en éclat à la première crise sérieuse après nous avoir étouffés depuis presque deux décennies ;

qu'il a été l'un des acteurs constants, depuis vingt ans, de la dérégulation, de la destruction de l'Etat-Providence et des systèmes, français et européens qui tendaient à concilier marché et justice sociale et qui ont assuré à nos pays d'Europe occidentale une période unique dans l'histoire de l'humanité de croissance sans crise et une répartition plus équitable entre travail et capital ;

qu'il a fait campagne sur des thèmes qui sont ceux des partisans fanatiques du système qui vient de "colapser" avec, au coeur de son programme, la substitution de l'endettement privé à celui de l'Etat et, derrière la volonté de faire naître une France des propriétaires, celle de faire s'endetter les humbles pour acheter un logement qu'ils n'ont pas les moyens d'acquérir, c'est-à-dire exactement l'acclimatation en France de ces subprimes qui nous ont conduits là où nous en sommes ;

que, sitôt élu, il s'en est pris aux pauvres et aux malades (je ne répéterai jamais assez combien la franchise médicale est une forfaiture ignoble qui prépare la privatisation de l'assurance maladie), que cela continue chaque jour, pendant la crise, alors que la grande catholique Boutin est en train de faire passer une loi scélérate sur le logement, alors que la privatisation des services publics, orchestrée par Bruxelles et déjà catastrophique dans tant de domaines stratégiques pour l'avenir (énergie et transports notamment) continue, avec en ligne de mire la Poste, service régalien par excellence, depuis l'Empire romain ; en attendant l'enseignement supérieur...

que, sitôt élu, il a fait adopter, au profit de la couche étroite des plus privilégiés, toute sorte de mesures fiscales qui privent aujourd'hui l'Etat des moyens de lancer la politique keynésienne d'investissement dont nous avons besoin pour éviter que la crise ne se transforme en dépression, que des millions de citoyens ne payent les pots cassés par le délire des dérégulateurs et de leurs apprentis-sorciers des salles de marché qu'on a laissé inventer les produits les plus absurdement pervers dont la gestion échappe désormais à tout le monde ; une politique dont nous avons besoin pour préparer l'avenir alors que le libéralisme au pouvoir depuis 25 ans, sous des gouvernements de droite comme de gauche, a dramatiquement favorisé le profit privé à court terme et interdit les investissements publics nécessaires dans la recherche, les énergies nouvelles ou les infrastructures de transport : imaginez qu'on nous rebat les oreilles avec l'Europe et qu'il n'y a même pas un TGV entre Lyon et Turin, entre Montpellier et Barcelone ! c'est tout dire sur ce qu'ont été les priorités de cette Europe-là, aussi nuisible aux droits sociaux qu'incapable de préparer l'avenir dans les domaines techniques qui auraient dû constituer ses priorités...

qu'il a nommé sous la direction du sieur Attali une commission sur les freins à la croissance qui n'a rien vu, il y a moins de six mois, des signes précurseurs de la catastrophe actuelle et dont toutes les propositions visaient à déréguler davantage - un Attali convoqué l'autre soir à France 2 comme grave sage chargé de délivrer au bon peuple ses ridicules et sentencieuses pensées sur la réforme du capitalisme, lui qui n'a cessé d'accumuler les erreurs de jugement et les comportements personnels pour le moins contestables : gestion de la Berd qui le contraint au départ en 1993 après un audit, condamnation pour plagiat, utilisation dans Verbatim de propos désavoués par leurs prétendus auteurs et d'archives invérifiables, collectées durant ses fonctions à l'Elysée, en vertu d'une éthique et d'une conception "particulières" du devoir de réserve de tout collaborateur d'un chef d'Etat...

qu'il avait fait d'Alain Minc, pythonisse médiatique du libéralisme transcendental qui a coulé toutes les boîtes qu'il a dirigées, son gourou économique,

et qu'il n'avait eu de cesse, après son élection, d'aller baiser les bottes texanes d'un Bush démonétisé dont la brillante politique économique a conduit le monde là où il en est...

Passons là-dessus et sur le reste.

Les caisses étaient vides, distribuer du pouvoir d'achat allait déchaîner le dragon Inflation, dont M. Trichet garde, à Francfort, la porte de la prison dans laquelle il a été enfermé. Les milliards coulent désormais à flot sur les banques ; privatisation des bénéfices, nationalistaion des pertes. Passons.

Passons sur les rodomontades du Matamore élyséen qui va punir les responsables : on rigole ! Où va-t-il les trouver ? Je propose pour ma part, de traduire Mrs Thatcher devant le Tribunal sarkozien (il paraît que son Alzheimer laisse intacts ses souvenirs politiques) et, comme au bon temps de l'Inquisition, d'aller déterrer le cadavre de Reagan. Mais la liste va être longue des têtes qui vont devoir tomber ; car les responsables ne sont pas les lampistes, ce sont tous les politiques qui ont bafoué l'intérêt général, démantelé les instruments d'action dont disposait la puissance publique depuis la fin du dernier conflit mondial, humilié l'Etat devant les intérêts privés ; tous, vrais libéraux et faux socialistes.

Passons sur le capitalisme qu'on va réformer en profondeur, parole de Matamore ! Avec Trichet et Juncker, président de l'Eurogroupe, Premier ministre et ministre des Finances à vie du paradis fiscal luxembourgeois ; c'est dire si la réforme va être sérieuse et profonde !!!

Passons.

Non, la vraie grande nouvelle de ces derniers jours, c'est que Matamore a décidé d'interrompre les matchs où on sifflerait La Marseillaise.

On avait l'impression qu'il s'était un peu calmé, l'agité du bocal, du côté des Sarkonneries, après le coup fumant des petits enfants chargés de la mémoire de la Shoah promis à une brillante postérité. Eh bien non ! nous y revoilà ! Le règne de l'immédiat, de la réaction, de l'inconséquence. Car chacun sait bien que cette décision annoncée par le couple comique de l'année, Bachelot-Laporte, est aussi absurde qu'inapplicable (combien de sifflets pour arrêter le match ? qui va en juger ? comment va-t-on gérer ensuite la sortie de stade de foules exaspérées ? quels désordres et quelles violences va-t-on générer ?...) ; qu'elle est aussi pertinente que le serait celle d'un médecin décidant de casser le thermomètre lorsqu'un patient a la fièvre.

Mais peu importe ; Matamore a décidé. Na !