Strasbourg est une ville que j’adore.

Pas très original, mais la cathédrale est vraiment une merveille ; plus encore en ce jour éclatant de printemps, en plein soleil. La vie d’écrivain n’est donc pas pavée que de désagréments et, comme pour mes deux précédents passages, la FNAC m’avait réservé une chambre à l’Hôtel Cathédrale (dont le personnel est d’une gentillesse et d’une attention franchement hors du commun) : se réveiller, tirer les rideaux et traînasser en contemplant de son lit la dentelle de pierre rose est un moment de pure félicité.

Avec une tendresse particulière pour les deux cigognes (mais je leur trouve, moi, des airs d’ibis) perchées sur deux des pinacles aux angles des tours : le bec détaché dans un azur absolument pur et limpide, vendredi.

Bon, à part ça, il y a eu aussi le travail : une irréprochable choucroute à la Maison Kammerzel et, juste après, dans les vapeurs de riesling et de marc, un entretien avec Jenny Ulrich pour Radio Bienvenue Strasbourg (taper les trois lettres en haut à droite dans la fenêtre située à côté, puis taper sur le bouton "Download", attendre les 45 secondes puis taper sur "Free Download" et, en principe, I-Tune s'ouvre pour vous permettre d'écouter l'émission): la seule interviouve (tiens, je l’aime bien celle-là, je vais m’en servir comme de coquetèle et ouiquende) pour laquelle on doit chausser ses lunettes, parce que Jenny vous fait parler sur trois images qu’elle a sélectionnées en lisant votre bouquin. Car imaginez-vous qu’en province, comme en Belgique, les journalistes lisent les livres même quand ils ne sortent pas des presses des dix éditeurs qui achètent de la pub et se renvoient les ascenseurs : autant dire des fous !

Puis j’ai fait mon forum Fnac avec Guy Wach de France bleue : c’est bien les journaliste qui aiment et savent lire ! Guy est de ceux-là. Merci Guy !

Merci aussi à Alain Walther (de la com) et Philippe Schiappapietra (libraire) qui me suivent et me soutiennent depuis mon Château du silence. On ne dira jamais assez combien un libraire qui vous aime, sait et peut vendre vos livres ; depuis Le Château, la Fnac de Strasbourg est une des librairies de France qui me vend le plus.

Mais maintenant, je connais un deuxième libraire strasbourgeois : Gilles Million de L’Usage du monde qui m’a accueilli sur son stand à la 25e Foire du livre de Saint-Louis, samedi et dimanche, après que la radio du Haut-Rhin Florival avait diffusé une interviouve de bibi vendredi. Car l’intérêt de ce genre de manifestation pour un auteur d’une petite maison (par la taille et la surface médiatique s’entend, pas par la qualité), c’est non seulement de toucher des lecteurs qui ne vous rencontreraient pas autrement (mission accomplie et même un peu plus pour Saint-Louis, mon meilleur salon, à part Brive, mais Brive... c'est un micro-climat exceptionnel pour le livre et le foie gras !) mais aussi d’établir un lien personnel avec des libraires.

Et Gilles c’en est un vrai ! Passionné, chaleureux, curieux.

Le courant est passé ; je doute qu’on ne se revoie pas bientôt. Pour le reste, cette foire de Saint-Louis était organisée de main de maître. On va trouver que je dis beaucoup merci aujourd’hui, mais j’en dirai un de plus à Denise Fuentès.

Pour avoir organisé des colloques dans ma première vie, je sais quel travail acharné, quel investissement personnel nécessite l’organisation matérielle d’une pareille manifestation. Organisation parfaite en l’occurrence.

Mais en plus, l’auteur n’est pas toujours une bête facile à cornaquer. Il y en a même de franchement insupportables (j’ai quelques noms si vous voulez). Alors parvenir, avec le sourire toujours, à faire que, pendant trois jours, ce microcosme vive dans l’harmonie, apaiser les tensions, materner un rien ceux qui ont besoin de l’être, ménager les susceptibilités de ceux pour qui sortir de la cuisse de Zeus est une origine bien vulgaire, tout cela avec le sourire et la gentillesse en plus de l’efficacité : chapeau Mme Fuentès !

Nous avons de la chance, nous autres écrivains, malgré les dysfonctionnements d’une édition qui surproduit pour pouvoir maintenir debout une économie fondée sur la cavalerie des offices, qui tue les livres plus vite que son ombre, qui les remplace par des produits revus et corrigés par les spécialistes marketting, qui substitue aux écrivains des journalistes, des "fils de" ou des actrices médiocres, pourvu que tous affichent l'étiquette "vu à la télé", malgré les dysfonctionnements d’une critique totalement nomenklaturiste, c’est que le livre dispose encore de légions de passionnés capables de donner leur temps et leur énergie pour monter des foires comme celles de Saint-Louis, de curieux capables d’acheter des livres que la Nomenklatura ignore superbement.