Mon ouiquende fut lyonnais. D’où le poulet au vinaigre (celui de Joseph qui officie mieux que beaucoup de pros dans les cuisines d’Aris : son dessert aussi valait le détour !), le pot de morgon et le gras double du Café des Fédérations (un vrai bouchon : on a commencé à la salade de pied de veau et au saucisson de Lyon, terminé à la cervelle de canut) que j’ai partagé avec Régine Foucault, une grande amoureuse de la littérature devant l'Éternel et l’infatigable bâtisseuse de ce site qui me permet de vous parler. Combien de mercis dois-je à Régine ?! et combien d’autres mâchons à partager pour lui prouver toute ma gratitude !

A Lyon, j’y allais pour le Quai du polar, présenter mon Or à l’association Aris puis le signer à la librairie État d’Esprit, ce lieu rare, en France, où les lesbiennes et leurs frères pédés peuvent trouver tout ce qu’ils trouvent dans la meilleure librairie et tout ce qu’ils n’y trouvent pas. Un lieu rare ; comme Les Mots à la bouche, Bluebook, ou Violette and Co à Paris, comme La Mauvaise Réputation à Bordeaux et Les Mots pour le dire à Marseille. De ces lieux rares, nés de l’acharnement de ceux qui les font vivre à nous donner un espace de liberté supplémentaire et qui marquent dans la ville le chemin que nous avons parcouru – dont nous avons, en outre, intérêt à ce qu’ils ne disparaissent pas, indice que, alors, nous serions en train de faire ce chemin-là aussi à l’envers. Aussi. Comme nous faisons aujourd’hui à l’envers le chemin qui mène de l’État de droit et de la Sécurité sociale voulue par le Conseil national de la Résistance (où l’on retrouve Lyon, capitale d’icelle) aux lois scélérates qui ressuscite la détention administrative ou impose l’ignoble taxation des malades chroniques par la répugnante franchise médicale.

Rien n’est jamais acquis ! Prenons garde et faisons en sorte, chacun, que ces lieux-là puissent continuer à vivre, parce qu’ils font partie de notre liberté et que rien n’est plus fragile que la liberté – surtout quand on croit qu’elle va de soi, qu’il n’est pas nécessaire de la défendre.

Bref, à État d’Esprit, j’ai battu, comme chez Bluebook et au salon du livre de Paris, mon record de signatures de La Quatrième Révélation. Un romancier, en tout cas moi, écrit pour être lu. Et l’angoisse quand on sort un nouveau roman, surtout après un succès, comme ce fut le cas de ma Révélation qui m’a valu tant de témoignages, de lettres… de reproches d’avoir osé tuer mon Julien, c’est de savoir si l’on a été à la hauteur des attentes de ses lecteurs, de savoir si l’on va pouvoir en conquérir d’autres. Pour l’instant le test est réussi !

Si j’ai choisi de travailler la veine du polar, du thriller, c’est que je crois que, par ce moyen littéraire, par le suspense, je peux faire partager mon univers, mes passions, mes obsessions à des lecteurs qui ne viendraient pas naturellement vers un roman « normal », dont les héros, au surplus, sont pédés. Ces trois bonnes signatures sont donc d’excellent augure. Celui que j’ai désormais un lectorat qui me suit, m’accompagne, m’épaule, qui me pousse en avant – même si le doute est toujours là qui ronge et interroge.

Parmi les lecteurs dont j’attends à présent, avec angoisse, le verdict, les amis de longtemps et des lecteurs naguère anonymes qui le sont devenus, Michel Robert et Régine Foucault, Martial et Pierre, Chantal, Éric, Sylvie et Michèle, Laurent, Françoise, Bruno et Patrick, Mélanie, Jean-Louis et d’autres, figure désormais Alain Bernoud, ancien président d’Aris, et qui est une des âmes de cette association qui m’a reçu pour la deuxième fois vendredi soir. J’ai connu Alain il y a deux ans, lorsqu’il m’a invité à présenter ma Quatrième Révélation chez Aris. Sur le conseil d’Isabelle, qui fut l’âme d’État d’Esprit pendant des années, il m’avait découvert dans Les Ombres du levant. Puis il avait tout lu de moi dans la foulée, en ayant une faiblesse (comme moi) pour mon Château du silence. Alain fait un métier dur, levé tous les matins à 5h00 (un cauchemar pour moi), à qui la lecture est vitale. Alain est, pour un écrivain, de ces lecteurs inestimables qui vous dévorent et vous relisent ; qui vous parlent ensuite de leur lecture – avec intelligence et sensibilité, nuance et passion. Où l’on apprend comment l’on a réussi à toucher juste, volontairement ou pas. Soulagé, cette fois encore, parce que son enthousiasme est intact.

Une bonne critique fait plaisir, deux excellentes, comme celles de Laurent Lejard et Antoine Dole, parues ce ouiquende sur Yanous (le plus grand site français dédié aux handicapés) et dans le gratuit gay de qualité ''Sensitif'', sont revigorantes. Les impressions de lecture d’Alain et de ses alter ego sont inestimables.

C’est donc grâce à Alain que le cercle de mes lecteurs lyonnais s’est agrandi : je le remercie comme je remercie tous ceux qui étaient là pour m’accueillir vendredi soir, pour m’écouter et me dire comment ils avaient reçu mon précédent roman (une adhérente de David et Jonathan que, à présent, elle ne lisait plus saint Paul sans penser à ma Révélation !), pour partager un dîner aussi délicieux (re-bravo Joseph !) que chaleureux. Merci Sabine, merci Jean-Charles, Christophe et tous les autres.

J’oubliais ! entre le gras double et État d’Esprit, j’ai fait un raid au Musée des Beaux arts : très jolie collection de bronzes et de céramiques grecs, qui m’aura permis de faire mes dévotions à quelques Athéna, Hermès (ci-dessus), Apollon, Dionysos, ma tétrade tutélaire – sans oublier les autres dieux de l’Olympe évidemment ; et une superbe korê de l’Acropole, donc offerte à Athéna, à la somptueuse chevelure et… aux curieux biscotos de débardeur (ci-dessous).

Et puis comme j’ai inventé un Poussin dans L’Or d’Alexandre, je suis allé voir (trop vite) l’expo organisée à l’occasion de l’achat de sa Fuite en Égypte (le premier ci-dessous). Poussin est un grand peintre et l’expo vaut le détour ; mais en ce qui me concerne c’est une autre Fuite qui m’a scotché, celle de Philippe de Champaigne (Musée d'art et d'archéologie de Senlis, le second ci-dessous) et l’incroyable bleu du manteau de sa Vierge.

Enfin, lundi, j’ai fait un aller et retour vers une ville que j’aime de plus en plus. Bruxelles. Vive les Belges ! dont la critique littéraire n’est pas sourde et aveugle à tout ce qui se fait hors d’un certain « Milieu », qui s’intéresse à d’autres livres que ceux des journaliste et des fils de, à d’autres choses que les produits éditoriaux d’éditeurs qui furent parfois grands et qui ne sont souvent plus que gros, dont la critique n’est pas organisée en Nomenklatura se repassant à l’envi la casse et le séné, qui prend le temps d’ouvrir et même de lire les livres qu’on leur adresse : naïfs de Belges !

En France, aujourd’hui, tout est bloqué par ces Nomenkalturas qui, partout, dans tous les milieux, monopolisent le pouvoir, verrouillent et cadenassent pour empêcher toute mobilité, toute intrusion dans leur chasse gardée. La France (et sa littérature) crève de ses Nomenklaturas, comme elle crevait, dans les années 1780, de la réaction aristocratique.

Pendant ce temps-là, les Belges ont reconnu le mariage gay, légalisé le suicide assisté et la consommation du cannabis, ils ont des facultés dans lesquels les étudiants français se bousculent parce qu’ils n’ont pas de place en France, comme les gens du Nord vont confier leurs parents à des maisons de retraite belges parce que nos Nomenklaturistes n’ont su ni prévoir ni organiser…

Bref, lundi j’ai enregistré avec Laurent Dehossay deux heures d’entretien sur L’Or et sur mon parcours, qui seront diffusées dans l’émission « Tout le Monde a une histoire » les 21 et 22 avril prochains, de 16h00 à 17h00 sur La Première de la RTBF : merci Laurent… et vive les Belges !