La joie d'abord... hier soir, à la librairie BlueBookParis, toujours aussi accueillante et chaleureuse, c'était le lancement dans le monde de mon "petit" dernier. L'émotion est toujours intense, après avoir travaillé sur un livre plus de deux ans de sa vie, de le voir vous échapper, prendre forme dans les mains de son éditeur, de voir s'élaborer la couverture. Celle-là est superbe... à mon avis totalement impartial puisqu'elle doit tout à Henri Dhellemmes, mon éditeur chéri. En ce qui me concerne, je n'ai fait que lui trouver les monnaies du fond (Athéna et Alexandre) et celle d'Apollonia Pontica (http://rg.ancients.info/bulgarian_school) qui forme le O de Or : je l'aime beaucoup, cette Méduse goguenarde !

Bref, il y a pour l'Ôteur plusieurs étapes puissamment émouvantes dans le processus de séparation entre son livre et lui. Mais avec celle où l'on tient enfin pour la première fois l'objet livre dans ses mains - la fin de la parturition -, une des plus fortes est la déclaration à l'état civil que représente la première signature. Désormais, cet autre moi-même engendré de mes entrailles vit sa vie de manière autonome ; je peux l'aider à grandir, me saigner aux quatre veines pour lui, le regarder avec amour, lui être reconnaissant de me combler ou lui en vouloir de ne pas matérialiser tous les espoirs que j'ai mis en lui, je lui ai donné ses gènes, je ne suis plus maître de son destin. Maintenant c'est de vous, mes lecteurs, qu'il dépend !

Merci donc à tous ceux qui, hier soir, m'ont accompagné dans cette étape-là, merci à ceux qui m'ont fait signe en me disant qu'ils ne pourraient être des nôtres. Que ceux qui ont attendu m'excusent ! C'était pour la bonne cause : une interview que Franck Clère réalisait pour l'émission "Fashion's life" sur la radio Oxylive (http://www.oxylive.net/actus_radio.php), à écouter en principe le samedi 3 mars à partir de 20h30. Merci à Mehdi et à l'équipe de BBP qui me suivent et me soutiennent depuis leur ouverture.

L'indignation, ensuite... c'est la décision du Conseil constitutionnel d'hier.

Indignation parce que la loi qui a été en partie validée est inique. Comme le sont les franchises médicales, validées par le même Conseil, bien qu'elles soient une rupture flagrante du principe d'égalité devant la loi que ledit Conseil est pourtant supposé protéger, puisque le mode de financement établi ne repose que sur les malades (fussent-ils pauvres : le bouclier sanitaire est manifestement moins urgent que le bouclier fiscal), et d'abord sur les malades chroniques (handicapés, cancéreux, diabétiques, séropos sous trithérapie...) qui payeront chaque année, sous peine de mort, la totalité de ladite franchise, alors que les bien-portants, fussent-ils aussi riches que Crésus, Lagardère, Bolloré ou Sarkozy ne payeront rien.

Quant à cette décision d'hier, elle aboutit à ressusciter en France une détention administrative, sans jugement, indéfiniment renouvelable, non pour des faits commis mais pour des des faits susceptibles de l'être. C'est purement et simplement une monstruosité juridique que nos parlementaires se sont déshonorés en votant et que le Conseil vient de se déshonorer en validant.

Pour le partisan des institutions de la Cinquième République que je suis, les temps sont durs ! Déjà, la pratique présidentielle du bon plaisir met à mal mon attachement à l'élection du président de la République au suffrage universel : un chancelier allemand ou un Premier ministre anglais évidemment indignes de leur fonction peuvent être chaque jour renvoyés dans leur foyer par la majorité parlementaire. Nous avons pris un bail irrévocable de cinq ans avec un agité hors de tout contrôle et de toute censure. J'étais pour cette élection (mais hostile au quinquennat sec qui l'a déjà fondamentalement dénaturée) parce que, jusqu'ici, l'éventualité que le peuple français choisît un personnage manifestement indigne de la fonction me semblait un risque négligeable par rapport aux avantages qu'apportait la légitimité populaire dont était revêtu le président. Révision déchirante ; le risque était peut-être négligeable, manifestement, il existait.

Déjà la détention provisoire généralisée, la procédure inquisitoire couplée au culte des aveux et à la condamnation sur une intime conviction, l'état scandaleux de nos prisons constituent, comme j'essaye de le dire dans L'Or d'Alexandre, un véritable cancer de la démocratie dont les métastases prolifèrent à grande vitesse depuis que Melle Dati se met à légiférer après chaque fait divers, dans l'urgence, sans plus de réflexion que son patron lorsqu'il lance telle ou telle imbécillité au moins tri-hebdomadaire. Mais que le Conseil constitutionnel méconnaisse à ce point ses missions ! Qu'il ne soit pas même capable du minimum de courage et d'indépendance pour censurer deux mesures aussi évidemment contraires aux principes qu'il est chargé de défendre devient franchement alarmant !

Les temps sont durs aussi pour l'adversaire des transferts de pouvoir des organes démocratiques nationaux vers des institutions européennes de type oligarchique, qui savent mieux que les peuples ce qui est bon pour eux, pour le citoyen révolté par le véritable coup de force de l'administration par lavement du traité européen que le peuple français avait refusé d'avaler sous forme de purge. Car il ne reste plus qu'à attendre - ce qui j'espère viendra vite - que la France soit condamnée par la Cour de justice européenne ou/et par la Cour européenne des droits de l'Homme !

La consternation, enfin... à l'écoute du portrait du jour de Marc Kravetz dans les matins de France Culture. Ce portrait, c'était celui de Fawza Falih, une Jordanienne dont Human Right's Watch (http://www.hrw.org/english/docs/2008/02/14/saudia18051.htm) tente d'empêcher la décapitation au sabre en Arabie Saoudite où elle a été condamnée à mort, après aveux sous la torture, pour... sorcellerie !

Rappelons à ce propos le récent discours de notre président qui désire si ardemment le retour des religions dans la cité et qui ne tarissait pas d'éloges sur les progrès récents, en Arabie Saoudite, en matière de droits de l'Homme. Progrès fulgurants en effet puisque les décapitations au sabre y sont passées de 40 en 2006 à... 156 en 2007, dont un gamin de 15 ans - et une gamine de 13 en attente d'exécution ! Rappelons aussi que Melle Rama Yade est secrétaire d'État aux Droits de l'homme.

Quant à l'inoubliable discours de notre président, le voici : " Dieu transcendant qui est dans la pensée et dans le coeur de chaque homme. Dieu qui n'asservit pas l'homme mais qui le libère. Dieu qui est le rempart contre l'orgueil démesuré et la folie des hommes. Dieu qui par-delà toutes les différences ne cesse de délivrer à tous les hommes un message d'humilité et d'amour, un message de paix et de fraternité, un message de tolérance et de respect. (...) La politique de civilisation, c'est ce que font tous ceux qui s'efforcent de concilier le progrès et la tradition, de faire la synthèse entre l'identité profonde de l'Islam et la modernité sans choquer la conscience des croyants. C'est ce que fait l'Arabie Saoudite sous l'impulsion de Sa Majesté le Roi Abdallah. (...) Sur la condition des femmes, sur la liberté d'expression, l'Arabie saoudite elle aussi s'est mise en mouvement. Lentement, certes, mais qui ne serait impressionné par les changements qui se sont produits en quelques années (...) ? " (Nicolas Sarkozy devant le Conseil consultatif d'Arabie Saoudite le 14 janvier 2008 ; http://www.prochoix.org)

Aux dernières nouvelles, il semble que la politique de civilisation soit aussi compatible avec la décapitation au sabre qu'avec la scientologie : on attend la suite avec intérêt.