La Quatrième Révélation

(Extrait)

GuillemetsCachetant sa lettre pour Nikos, il s’était même senti renaître à la haine, donc à la vie, lorsque l’aumônier de l’hôpital avait fait son entrée dans sa chambre, armé du grand clystère destiné au lavement des âmes. Car à peine le curé avait-il eu le temps d’administrer à Julien quelques paroles dégoulinantes de bonnes intentions sur les capacités infinies de pardon et d’amour de sa divinité, que le juge l’avait interrompu.
– Pardonner ? mais je n’ai rien à me faire pardonner, moi. Je ne suis pas, comme votre Église, responsable des millions d’hommes que vous avez sciemment tués par votre lutte acharnée contre le préservatif. Que votre pape et vos prélats acceptent d’abord de passer en jugement pour crime contre l’humanité et je reparlerai volontiers de pardon avec vous.
Puis, sans laisser à l’homme de Dieu le temps de prendre la contre-offensive, et exploitant les avantages tactiques de sa position de presque défunt, Julien avait ajouté que la religion de la plupart de ceux qui se disent chrétiens a beau se résumer aujourd’hui à un mélange de moraline obsédée par le caleçon, d’illuminations new age pour ravis de la crèche et de psychologie de bazar à la Paulo Coelho, fût-elle distillée sur un mode hystérique par quelque bonne sœur rassise à la voie suraiguë et au tutoiement démago, le seul sens du christianisme, et a fortiori du catholicisme romain, était celui de tout monothéisme révélé : l’abdication du libre examen devant un livre, une tradition, des dogmes, en dehors desquels il n’existe que l’erreur.
– Ce qui est aussi favorable à l’épanouissement de l’amour que le système du parti unique à celui des libertés publiques. D’ailleurs votre Christ n’a jamais été que le gourou illuminé d’une secte, et son « enseignement » un tissu affligeant de banalités contradictoires. Le vrai fondateur de votre Église, c’est Paul : l’Apparatchik génial, le Détenteur autoproclamé de la Vérité-Une, l’Inventeur du totalitarisme spirituel par le châtrage universel.
La vraie révélation qui s’imposait à lui, alors qu’il se croyait au seuil de son tombeau, c’était celle de la non-existence de Dieu. Instantanément il s’en était trouvé rasséréné et, dans un même… souffle, il était enfin parvenu à expulser son premier pet depuis quarante-huit heures. Un pet énorme, sonore, monstrueusement fétide, qui semblait ne pas vouloir s’éteindre et le soulageait d’une façon incroyable. Inespérée
.Guillemets fermés

La Quatrième Révélation, pp. 84-85


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