Le Château du silence

Elvire et moi, jamais nous n’avons mélangé l’amour et la propriété. Le refoulement du désir est une source de rancœur ; on finit par s’aigrir des privations qu’on s’impose au nom de la « fidélité ». Elvire et moi, nous ne voulions pas rancir dans le regret des occasions manquées, des émotions étouffées, qui vous conduit un jour à voir en l’Autre celui pour lequel on n’a cessé de s’amputer. Nous nous aimions, et à tous les sens du verbe aimer, car nos corps aussi s'entendaient à merveille. Mais l’air de la jalousie n’a jamais fait partie de notre répertoire.
Nous nous disions tout et nous réjouissions ensemble de nos bonnes fortunes respectives. C’était même une de nos fiertés. Trop de choses nous liaient ; ces aventures ne remettaient rien en cause. Au contraire. Elles tissaient des complicités supplémentaires, ravivaient l’envie de partager ce que les autres se montraient incapables de nous apporter.