La Quatrième révélation

(Extrait)

GuillemetsLe meurtre était-il prémédité ? ou bien ont-ils dérapé, ont-ils été incapables de s’arrêter, affolés comme certains fauves par l’odeur du sang ?
Peu m’importe, à vrai dire.
« Pédé, tantouze, sac à foutre, enculé…, allez suce-la, sale pute ! »
Je les ai toutes entendues, les insultes inventées depuis Le Lévitique et saint Paul pour nous stigmatiser, nous humilier, justifier notre mise à mort.
Que voulaient-ils ?
Que je me repente ?
Que j’avoue ?
Que j’expie ?
Je ne sais pas, parce que très vite après un des coups de rangers que j’ai reçus dans la tempe droite, je n’ai plus rien entendu.
Et puis cela m’est indifférent, à présent.
Tout ce que je sais, c’est pourquoi, depuis mon plus jeune âge, j’avais eu peur de la torture.
On appelle ça un pressentiment.
J’ai tout subi : coups de pied, de poing. La batte de base-ball et son manche. La tête plongée dans le trou d’eau jusqu’à l’étouffement, cinq fois, dix fois, quinze fois ; le couteau qui m’entaille, me lacère le visage, l’aine ou le pectoral…
Je n’étais plus que plaies ; je n’étais plus que douleurs.
(…) Ai-je pleuré ? crié ? supplié ? en ai-je appelé à Dieu, à leur humanité ?
Je ne sais plus, je ne me rappelle plus.
Ce dont je me souviens, c’est d’avoir désespérément cherché à rentrer en moi-même pour avoir moins mal ; c’est d’avoir appelé la mort de tout mon être.
Qui étaient-ils ? des homophobes ordinaires, comme ceux qui, à Courbevoie, dans la nuit du 4 au 5 avril 1998, ont brûlé au fer à repasser (12 % de la surface de sa peau) Patrick Olivier avant de le larder de coups de couteau au visage et partout sur le corps, avant de le laisser s’étouffer dans son sang ; comme ceux qui ont torturé et tué Alain Masle à Créteil le 9 avril 1999, battu à mort Jean Hardy le 4 juillet de la même année au Havre, ou François Chenu, à Reims, dans la nuit du 13 au 14 septembre 2002 ; comme ceux qui ont noyé Jean-Pierre Humblot à Nancy, le 1er août 2003, ou tenté, à Nœux-les-Mines, le 16 janvier 2004, de brûler vif Sébastien Nouchet, fidèles en cela à l’esprit de saint Paul, comme au mode opératoire mis en œuvre par ses héritiers spirituels depuis l’édit du grand empereur chrétien Théodose, en l’an 390 ?
Ou bien étaient-ils des assassins d’État dont la sauvagerie fut décuplée par la nature de la victime qu’on leur avait désignée ? De ceux qui, en d’autres temps, auraient joui à la vue d’un triangle rose dévoré vif par leurs chiens.
Je n’en sais rien
.Guillemets fermés

La Quatrième Révélation, pp. 259-261


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