LE PLONGEON

(Extrait pp. 235-236)

Guillemets  La maison de Mme Èkavi est exposée plein sud. À droite, les cubes blancs de Pano Pyrgos. Par-derrière, Stèphanos et ses vapeurs de soufre. La porte et les deux fenêtres, en façade, ouvrent sur le coteau. Noir, ce soir sans lune ; sec et jaune, demain, après-demain... à l’exception des arbres que la pierre ponce abreuve durant la saison sèche. Aux premières pluies de novembre, tout reverdira en quelques jours, un vert si tendre, phosphorescent, aussi dru qu’a été longue l’attente de l’eau, piqueté du jaune des crocus et du mauve pâle des cyclamens. Avant janvier, ses airs de printemps et ses amandiers en fleur, février et la neige de ses asphodèles… Et puis la mer, avec ses horizons d’inépuisables nuances de bleu ; les tempêtes grises de mars, les brumes qui, en quelques minutes, gravissent la pente et noient le village dans une ouate impénétrable et silencieuse. Les soirs où il faudra se battre avec le poêle à bois dont la fumée refoule à l’intérieur par vent d’est et les rares jours de déluge – tout est violent ici, les cataractes qui tambourinent sur le toit et dévalent dans la citerne avec un boucan d’enfer comme la floraison des marguerites d’avril, et la marée des bleuets de mai comme les rafales dont on entend de loin la clameur semblable à celle d’une troupe dionysiaque. Les nuits où la pleine lune fait scintiller l’eau en myriades d’écailles et les orages silencieux, loin, là-bas, sur la Turquie, dont les lueurs incendient l’obscurité comme les âmes. Les bassines dans lesquelles on récupère l’eau qui doit servir au moins deux fois : gérer la pénurie signifie-t-il qu’on est en retard ou en avance sur la marche du monde ? Va savoir !Guillemets fermés


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