L'Or d'Alexandre

(Extrait)

GuillemetsLorsque les dieux leur parlent, les hommes n’entendent jamais que ce qu’ils veulent. Dans quelque religion que ce soit. La grande supériorité des Grecs, c’est qu’ils le savaient et qu’ils se regardaient écouter leurs dieux avec le sourire d’Hermès. Alors que Moïse redescend du Sinaï, où il a foutu le feu à un buisson en s’allumant un pétard, persuadé que Yahvé lui a révélé, à lui seul, dix commandements qui traînaient partout depuis les origines de la vie en société. Alors que ce Paul qu’on dit saint, tombé de son âne sur la route de Damas, se réveille d’une crise de démence convaincu que Jésus lui a ordonné d’empoisonner la vie de l’humanité occidentale. Alors que le berger Mahomet, un brin désœuvré après avoir séduit et marié sa patronne, se met à croire dur comme fer que l’archange Gabriel est descendu des cieux pour lui confier, en exclusivité, l’édition princeps incréée, inimitable et éternelle des cent quatorze volontés d’Allah.
Les Grecs ont toujours regardé leurs dieux avec un mélange de révérence et d’ironie. Ils s’acquittaient des honneurs qu’on leur doit pour se les concilier. Ils décrétèrent que les immortels préféraient la peau, la graisse et les os des bêtes immolées, si bien qu’après les sacrifices, les hommes se régalaient de la viande sans leur déplaire.
« Le vrai péché contre l’esprit c’est le cul de plomb » a écrit Nietzsche. Les dieux uniques sont assis sur le cul de plomb des certitudes monothéistes. Ils invectivent, ils enjoignent, ils interdisent. Ils punissent et ils châtrent. Ils exigent la soumission sans la moindre restriction mentale, comme tous les systèmes totalitaires dont ils sont la matrice. Les dieux grecs dansent, festoient. Ils s’enivrent et ils baisent – filles ou garçons. Ils s’engueulent, ils rient, se trompent entre eux et se jouent des hommes. Ils ne pouvaient que jubiler à voir s’épanouir une pensée libre et la démocratie.
Guillemets fermés

L’Or d’Alexandre, pp. 253-254.


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